Le communiqué a été largement diffusé sur les antennes de la Crtv. Au journal parlé de 17h. Les agents de l’Etat convoqués à la Division de la discipline et du contentieux du ministère de la Fonction publique et de la Réforme administrative (Minfopra) sont informés que "ce n’est qu’à l’issue d’une l’exploitation minutieuse des réponses qu’ils voudront bien apporter à la demande d’explication écrites qu’il leur auront adressé qu’il tirera les conclusions sur l’implication des uns et des autres dans d’éventuelles malversations". Le correctif apporté hier, qui ressemble fort à un recul, s’explique, selon un cadre du cabinet du ministre, par les "débordements" enregistrés dans la presse. "Le ministre n’a pas formellement accusé qui que ce soit. Ce sont les journaux qui ont fait des commentaires et des extrapolations" explique ce cadre, qui ajoute que, "ces jours-ci, il y a trop d’amalgame dans la presse au sujet des activités du Minfopra"
Plus les jours passent en effet, plus s’installe dans l’opinion ce qu’il convient d’appeler l’affaire Amama. Le siège de votre journal a pris les allures d’un parquet de tribunal hier. Les plaintes et des démentis se sont multipliés, jetant un doute sur la crédibilité des informations mis à la disposition des médias par le ministre de la Fonction publique et d la Réforme administration.
Cas d’école: Mme Ebongue, née Ngom Mpessa Cathérine Odette, qui figure en 5è position sur la liste des "agents publics ayant perçus des salaires supérieurs à dix millions de francs cfa au mois de septembre 2005". Née le 17 juin 1946 à Boneleke, dans le quartier Akwa nord à Douala, elle est recrutée dans l’administration en le 1er octobre 1966. Entrée en qualité d’institutrice adjointe de l’enseignement (stagiaire), elle termine sa carrière le 4 septembre 1996, au grade s’enorgueillit-elle, "d’institutrice principale de l’enseignement général de 2è classe, 6è échelon, (indice 540), catégorie B deuxième grade de la Fonction publique". Elle est alors directrice de l’école publique d’Akwa. Trente ans d’ancienneté donc.
Fort de son ancienneté, l’institutrice introduit, en 1998, un dossier de pension retraite au ministère de la Fonction publique. Le dossier se perd dans les dédales de la bureaucratie. Un deuxième est constitué en 2000 : "On s’est assis dessus", raconte l’ex-institutrice. Un troisième est monté en 2002. Il poursuit un cheminement rapide, grâce à cette mention portée sur la chemise par le ministre Ze Nguélé : "Veuillez à ce que ce dossier ne subisse pas le même sort que les autres". Le calvaire de dame Ebongué au Minfpra prend fin le 19 octobre 2004. Une arrêté portant avancement de grade et admission à la retraite, concéde une pension d’ancienneté à madame Ebongué. L’intéressée, qui percevait 227 693 Fcfa en 1996, bénéficiera d’une pension égale à 58% de sa solde de la solde de base afférente à l’indice 540. Soit 132 O61 Fcfa de pension d’ancienneté mensuelle. Le dossier est transmis au ministère de l’Economie et des Finances pour établissement des titres de payements.
Dans le labyrinthe du Minefi, le dossier se hâtera lentement. Si lentement que, le 03 juin 2005, le ministre de la fonction publique qui, cette fois-ci s’appelle Benjamin Amama, dut écrire à son homologue de l’Economie et des Finances pour certifier l’authenticité de l’acte produit par dame Ebongue pour justifier ses prétentions. C’est que, le montant de la pension à rappeler, chiffré à 13 866 405 Fcfa suscite des réserves au Minefi. "J’ai l’honneur de vous faire connaître qu’il s’agit d’un acte authentique", écrit le ministre à son collègue le 03 juin 2005.
Malgré la correspondance de Amama, la longue marche de le calvaire de l’usager continuera, malgré l’entrée en scène d’une bonne fée, le ministre délégué auprès du ministre délégué auprès de l’Economie et des Finances, chargé du budget, Henri Engoulou. Le dossier sera acheminé à la direction des dépenses des personnels et des pensions "On nous a demandé d’ouvrir un compte en banque pour que, à l’établissement des titres de payement, on sache où envoyer l’argent ; ce qui a été fait à la Société Générale des Banques du Cameroun".
Dame Ebongue, qu’accompagnait son mari, ancien cadre d’une entreprise privé, aujourd’hui à la retraite et âgé de 72 ans, affirme : "Cet argent n’a pas tété viré à ce compte. Ils ont prétendu avoir viré à la Société Camerounaise des Equipements (Sce)". Pourquoi? "Je ne sais pas". Le couple Ebongue entretient-il un commerce avec la Sce? "Ni d’Adam, ni d’Eve" répond la suppliciée. Derrière l’affaire de l’assainissement du fichier solde se cache t-il une autre ? Le ping-pong qui se joue entre les ministères des Finances et la Sce laisse tout de même interrogateur. Au Minefi, au Cenadi notamment, on affirme, preuves à l’appui, que la somme a été virée. La Sce jure n’avoir jamais reçu cet argent, preuves également à l’appui. Où sont donc passé ces millions de dame Ebongué, supposés être sortis des caisses du Minefi, supposés être virés à la Sce, et jamais perçus par la plaignante aujourd’hui persécutée?
Minefi
Au Ministère de l’Economie et des Finances on se dit surpris par l’initiative de Benjamin Amama. Le ministre délégué, charge du Budget, que nous avons essayé de rencontrer, sans succès, a vu son bureau assiégé par quelques uns des 29 fonctionnaires mis en cause. Au sortir des entretiens avec le ministre, et de manière concordante, les accusés ont traduit l’étonnement de leur interlocuteur. Henri Engoulou leur a réaffirmé que le Minefi n’a, "ni de près, ni de loin été associé à cette opération, à ce qui se dit dans la presse". Le ministre estime que chacun doit faire son travail: "la gestion des carrières au Minfopra, les questions de solde au Minefi", a révélé un des 29 au sortir d’une audience avec la Minefi.
Au Minefi fi justement, une réunion de crise a été convoquée lundi soir, pour, selon un cadre, "arrêter une attitude et, surtout, comprendre ce qui a pu se passer pour que des données sensibles sortent sans l’aval de la hiérarchie". Déjà, la conférence de presse le Polycarpe Abah Abah, le Minefi, prévue ce jour à la Crtv, a été renvoyée à une date non précisée. L’enquête interne au Minefi se déroule à la direction de la dépense des personnels et des pensions. C’est ici que dame Ebongue aurait perdu la tracabilité de son dossier. Malgré les instructions du Ministre Henri Engoulou qui, au cours d’une audience accordée à l’ex-instutrice il y a trois semaines, elle n’a pu retrouver la trace de ses quelques 13 millions. Jus qu’à hier quand elle apprend par les médias, non seulement qu’elle s’est enrichie sur le dos de l’etat, mais aussi qu’au lieu des 13 millions , c’est de Plus de 24 millions qu’elle s’est enrichie sur le dos de l’Etat.
Tribunal
L’histoire de Ebongue, mère de sept enfants dont l’aîné est agé de 38 ans, peut être multipliée par 29. Le Minfopra qui, en sa qualité de président du Comité interministériel d’assainissement du fichier solde des personnels de l’Etat a, selon toute vraisemblance, exploité des données émanant du Minefi, s’en rendra compte au fil des auditions qui ont commencé hier à la Division du contentieux et de la discipline. Nombre de cas cités dans la presse concernent des frais de relève. C’est l’exemple de Etienne Atéba, à qui l’on attribue un salaire mensuel de 18 664 342 fcfa. Il s’agit, en réalité, des ses frais de relève. Cet ancien diplomate se retrouve dans le même panier que son collègue Aliou Moussa. Lui, a appris, par des proches, les accusations de détournement de 11 417 171 Fcfa portées contre lui. Diplomate en service à l’ambassade du Cameroun à Washington, Aliou Moussa a récemment sollicité une avance de solde qui, de source proche du Minefi, n’a pas encore été virée dans son compte. Autre exemple, l’adjudant Samuel Etroukang. Anciennement en poste à l’ambassade du Cameroun à Paris, la dette qui lui est indûment imputé par la presse, soit 12 502 575 Fcfa, représentant la somme à débloquer pour son retour au pays, l’intéressé étant admis à faire valoir ses droits à la retraite.
Un cadre du Minefi, en service à la direction générale du budget, et qui a eu à connaître de l’ensemble de ces dossiers, s’est spontanément confié à Mutations. D’après lui, "la plupart de ces dossier relèvent de la dette intérieure de l’Etat. Il s’agit des sommes dûs par l’etat à ces agents ; aucune des personnes soupçonnées n’a touchés le moindre radis" Sauf peut-être King Francis Bekima. Ce médecin en poste au Samu de l’Hopital central, avoue avoir perçu 4 765 OOO fcfa, représentant 36 mois d’arriérés de salaire, et non 10 663 877 fcfa. Hier au Minefi, quelques fonctionnaires accusés envisageaient de mettre sur pied un collectif pour “traduire Benjamin Amama en justice pour diffamation”. Mme Ebongue, elle, invoque le “tribunal divin” comme ultime recours.
Source : Mutations
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