Quand est-ce que les droits sociaux des anciens employés de la Biao Cameroun, banque liquidée en 1990, seront payés ? 15 ans après l’arrêt définitif des activités de cet établissement bancaire, la question est plus que d’actualité. Pourtant, au moment de la mise à mort de la Biao, l’argent nécessaire au paiement de ces droits était disponible. De même que l’état de paiement. Le ministère chargé des Finances, à travers la Commission technique de privatisation et de liquidation des entreprises publiques, et le liquidateur de la banque, la Société de recouvrement des créances (Src), ont progressivement organisé le flou autour de cet argent. Au point où les ex-employés de la Biao, constitués autour d’un collectif, multiplient encore des démarches pour bénéficier de leurs droits.
En 1990, suite à la faillite de la Bnp Paris, la maison mère de la Biao Cameroun, la banque française décidait de se retirer du capital social de sa filière camerounaise. La Bnp Paris faisait alors parvenir un chèque de 11 milliards de Fcfa à la Biao, qui représentait son " ticket de sortie ". Cet argent devait servir, entre autres choses, à la liquidation des droits sociaux de l’ensemble des travailleurs de la Biao, calculés depuis Paris, et consignés dans un bordereau. L’ensemble de ces droits sociaux était évalué à près de 3,6 milliards de Fcfa.
Alors que dans les autres Etats d’Afrique (comme le Sénégal et le Côte d’ivoire) concernés par la faillite de la Bnp Paris, on avait réglé les droits des employés, le gouvernement camerounais décidait de procéder autrement. Un compte fut ouvert dans les livres de la Bicec, sous le nom "Biao-Etat", dans lequel furent déposés les 11 milliards de Fcfa venus de Paris. Le gouvernement maintint la banque en vie, artificiellement, avant de décider de la liquider. Le 17 avril 1991, une autre banque fut créée sur les cendres de la Biao et de la Méridien Cameroun, une autre banque liquidée. Une partie du personnel de Biao fut repris au sein de la Méridien Biao. Les autres, désormais sans emploi, reçurent leurs droits.
Blocages
Le montage du gouvernement était boiteux, d’autant qu’il avait ignoré la Convention collective des banques. Avec la liquidation de la Biao, tout le personnel devrait en effet être dédommagé. Les droits des employés recrutés par la Méridien Biao furent paradoxalement confisqués. Cette situation ne tarda pas à devenir explosive. Ces employés, qui avaient suivi attentivement l’évolution de leur banque, constituait un avocat et exigeaient d’être dédommagés au même titre que leurs autres collègues.
Maladroitement, l’Etat, à travers la Société de recouvrement des créances (Src), qui avait hérité du dossier de liquidation de cette banque, indiquait que le personnel de la banque liquidée ne pouvait prétendre à aucun dédommagement. "La Société de recouvrement des créances n’avait jamais eu pour mission de régler les droits sociaux des ex-employés de la défunte Biao en 1991", disait Etoundi Oyono, le patron de la Src, dans une lettre du 18 septembre 2002 destinée au Premier ministre. Pourtant, dans le bordereau du passif de la Biao en liquidation déchargé le 29 juillet 1992 par la Src, figurait la liste des employés de l’ex-Biao. Encore que la cinquième résolution de l’assemblée générale extraordinaire de la Biao, tenue le 17 avril 1991 est sans équivoque : elle parle de la "dissolution anticipée et [de] la liquidation de la Biao Cameroun".
Par ailleurs, pour lever le flou sur les revendications du personnel de l’ex-Biao, la Méridien Biao indiquait le 14 juillet 1992, dans une lettre adressée au directeur général de la Src que "les informations et données contenues dans les listings [transmis à la Src] sont authentiques et proviennent des archives informatiques de Biao Cameroun. Nous espérons, poursuivait le signataire de la correspondance, que ces listings vous allègeront la tâche, permettant ainsi aux employés […] de rentrer dans leurs droits". D’ailleurs, certains ex-employés influent de la Biao, d’anciens directeurs et délégués du personnel, réussiront à se faire payer leurs droits.
A partir de l’année 2000, le personnel de l’ex-Biao, qui s’est retrouvé en chômage du fait de la mort de la Méridien Biao en 1996, a relancé le processus de revendication de ses droits.
Le président de la République, son épouse, le Premier ministre, des gouverneurs de provinces, des ministres… seront sollicités à plusieurs reprises pour régler le problème. Le Premier ministre demande alors à la Commission technique de privatisation et de liquidation des entreprises publiques (Ctl)de faire la lumière sur cette affaire en 2003. Le cabinet d’expertise comptable, Cgm, est d’ailleurs désigné par le ministère des Finances, pour apporter son expertise à cette entreprise. Malgré quelques obstacles à l’exécution de sa mission, l’expert a rendu son rapport en août 2005. Lequel atteste du fondement des revendications du personnel de l’ex-Biao. Ce rapport, longtemps retenu dans les tiroirs de la Ctl, a été transmis vendredi dernier au ministre des Finances, suite à de nouvelles pressions. 15 ans après la liquidation de leur banque, les employés de l’ex-Biao rêvent enfin d’être dédommagés. Mais l’on ne sait toujours pas où se trouvent les 11 milliards de Fcfa venus de la Bnp Paris.
Source : Mutations
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