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Corruption : grand déballage dans l'affaire SIGIPES
(19/12/2005)
L’affaire avait été rendue publique le 08 décembre dernier par le ministre de la Fonction publique suspendant deux de ses collègues pour détournements de fonds...
Par Xavier Luc Deutchoua

Vendredi dernier, le conseiller technique n°1 du ministère de la Fonction publique et de la Réforme administrative (Minfopra), suspendu de ses fonctions le 08 décembre 2005, a été cueilli aux premières heures de la journée par des hommes de la direction de la police judiciaire (Dpj). Jean Yves Djamen est resté dans les locaux de la Dpj en compagnie du directeur général de Cgicom, l’entreprise chargée de mettre en place, pour le compte de l’Etat, le Système intégré de gestion informatique des personnels de l’Etat et de la solde (Sigipes). Josué Fomekong (qui avait été interpellé lui aussi) et Jean Yves Djamen ont été remis en liberté samedi dernier, sans qu’on ne sache pour l’instant les raisons de ce remue-ménage.

Ces interpellations et libérations figurent parmi les derniers rebondissements de ce qu’il convient désormais d’appeler l’affaire Sigipes. L’affaire avait été rendue publique le 08 décembre dernier par le ministre de la Fonction publique, Benjamin Amama. Lequel suspendait de leurs fonctions le conseiller technique n°1 et le Secrétaire permanent de la réforme administrative, tous coupables à ses yeux d’être à la fois auteurs et complices du détournement des deniers publics affectés à la mise en place du Sigipes. Deux plaintes avaient été déposées auprès du procureur de la République près les tribunaux de grande instance de Yaoundé – centre ville, l’une contre ces hauts fonctionnaires et l’autre contre le directeur général de Cgicom.

Depuis, de nouveaux éléments sont venus enrichir la compréhension de ce dossier fortement médiatisé. Ainsi, plusieurs documents reçus par Mutations, notamment du chef de la cellule de communication du ministère de l’Enseignement supérieur, Jean Paul Mbia, semblent contredire la version des faits véhiculée par les canaux officiels du ministère de la Fonction publique depuis le déclenchement de l’affaire. Par ailleurs, il apparaît que les décisions prises le 08 décembre dernier étaient préparées, voir planifiées depuis l’arrivée de Benjamin Amama à la tête de ce ministère. Dans le cadre d’une logique décryptée dans le texte ci-contre.


Contradictions

En réponse aux accusations de "détournement effectif des deniers publics" portées de façon incidente contre Jacques Fame Ndongo, pour "des marchés indûment passés entre l’Etat du Cameroun et le cabinet Cgicom pour le déploiement de Sigipes dans les sites du Minesup et du Mincom" (voir la plainte déposée par Benjamin Amama), Jean-Paul Mbia répond par trois lettres, qui attestent toutes que le ministre de l’Enseignement supérieur a agi sur instruction du Premier ministre, sur la base d’une "autorisation de passation d’un marché de gré à gré" et d’une subvention spéciale reçue par son ministère. Mieux, l’une de ces correspondances, datée du 06 juin 2005, Benjamin Amama, "[émet] un avis très favorable à la demande de subvention spéciale pour le déploiement du projet Sigipes/Minesup" et précise que "le déploiement de Sigipes au Minesup suivant les volets décrits dans le guide de déploiement, se déroule de manière très satisfaisante, notamment l’assainissement des données et l’adaptation des procédures"… Une appréciation que le ministre de la Fonction publique a dû oublier en chemin.

Le 08 décembre 2004, lorsque le gouvernement conduit par Ephraïm Inoni est désigné, le processus de mise en place du Sigipes compte déjà quelques années. Le nouveau ministre de la Fonction publique, Benjamin Amama, responsable de l’exécution de ce projet gouvernemental, est informé de l’état d’avancement du processus, notamment par une "note de synthèse" signée le 31 décembre 2004 par l’administrateur national du Sigipes, Jean-Yves Djamen, Conseiller technique n°1 du ministère de la Fonction publique et de la Réforme administrative (Minfopra). Cette note présente le projet, l’état d’avancement de ses différents chantiers, les problèmes rencontrés et sollicite les instructions du nouveau ministre pour la suite.

En octobre 2005, le cabinet Cgicom doit transférer au ministère de la Fonction publique les clés (codes sources de l’application informatique) du Sigipes. Il s’agit en fait de la réception du marché public passé en décembre 2000, et qui a fait l’objet de quelques avenants. Entre-temps, du fait de l’entrée en vigueur d’un nouvel organigramme dans ce ministère, une division informatique y a vu le jour, en remplacement de la cellule informatique qui existait jusque-là. Le nouveau chef de division, Roger Atsa Etoundi, fait naturellement partie de l’équipe ministérielle chargée de réceptionner le marché. Comme le secrétaire permanent à la réforme administrative et le conseiller technique, qui suivent le dossier technique depuis quelques années déjà, il va signer le procès-verbal de réception de ce marché le 21 octobre 2005.

Mise à l’écart

Ce procès-verbal mentionne que les clés du système "ont été rapatriées dans les structures opérationnelles du Minfopra et précisément à la division informatique, le 18 octobre 2005". Et que "les vices rédhibitoires de programmation et les composants manquants qui seront décelés avant le 31 décembre 2005 seront corrigés sans délai […] à la charge du cabinet Cgicom ". Par ailleurs, " le Minfopra se réserve le droit d’interpeller le cabinet pour tout composant manquant dont l’absence aurait été décelée " au-delà du 31 décembre. Dès octobre 2005, l’équipe chargée de suivre le projet Sigipes laisse apparaître des divergences en son sein. Suite à des travaux effectués par l’un des collaborateurs de M. Atsa Etoundi sur son poste de travail (ordinateur), l’administrateur national du Sigipes constate que ses "mots de passe d’accès à la base" du système ont été modifiés, sans son avis préalable. Conséquences: M. Djamen se retrouve désormais dans l’impossibilité d’assurer la maintenance du système et des autres programmes dont il a la charge. Après une vaine démarche auprès du chef de la division informatique, pour remédier à ce qu’il croit être un acte accidentel, il portera l’affaire à la connaissance du ministre.

Le 04 novembre, en effet, il adresse une note de deux pages à Benjamin Amama, dans laquelle il indique que "l’intégrité du système (Sigipes), qui nous a mis jusqu’ici à l’abri de nombreuses déviances, se trouve aujourd’hui fortement menacée et altérée". Il explique au ministre que "la décision de dissocier la fonction d’administrateur national du Sigipes (codes d’accès à la base de données) et celle dévolue à une structure opérationnelle comme la division informatique (modification des codes sources, support technique, etc.) garantissait les données, un seul individu ne pouvant pas à lui seul avoir toutes les clés du système", suivant une répartition des tâches, décidée conjointement, le 06 février 2003, par le ministre de la Fonction publique et le ministre délégué chargé du budget.

Cette note, par laquelle l’administrateur national du Sigipes "dégage toute responsabilité sur les problèmes qui viendraient à se poser dans le système, et singulièrement sur les données de la base Sigipes" après avoir conseillé au ministre, dans le cas où un problème de confiance sur sa personne se posait, de confier les mots de passe en question "à une tierce partie, différente de la division informatique", restera lettre morte. Tout comme plusieurs autres démarches initiées dans le cadre de la gestion et de l’entretien de Sigipes, qui attirent sans succès l’attention du ministre sur les besoins à la fois financiers et matériels nécessaires à la bonne marche des actions en cours. Une chose apparaît claire dès lors: Benjamin Amama a décidé de travailler exclusivement avec le chef de division de informatique de son ministère, dans le cadre du Sigipes. Personne ne sera soucieux de dénicher d’éventuelles insuffisances de Cgicom dans le système, pour exiger, comme indiqué dans le Pv de réception du marché, des corrections avant le 31 décembre 2005.

C’est ce chef de division là, ainsi que son homologue chargé de la discipline et du contentieux qui sont d’ailleurs les auteurs du "rapport de la mise en œuvre de Sigipes", document qui émet plus que des doutes sur l’exécution de trois marchés en cause. Bien que ce rapport, signé le 07 décembre 2005, conseille à Benjamin Amama de "commander un audit contradictoire par un cabinet indépendant en vue de recouper [leurs] constatations dans le but de faire toute la lumière et d’établir les responsabilités", ce dernier s’est décidé, dès le lendemain, 08 décembre, à limoger ses collaborateurs, à accuser ses collègues du gouvernement et à saisir la justice. Etait-ce simplement par souci de rigueur? Cette affaire n’a certainement pas encore livré toutes ses contradictions.

Activisme

La mise en examen de Léon Bertrand Ngouo, Jean-Yves Djamen, Josué Fomekong et consorts, cadres en service au Minfopra ou prestataire de service, apparaîtrait comme la traduction dans les faits de la détermination des pouvoirs publics à combattre le fléau de la corruption si l’initiateur de la plainte ne s’appelait pas Benjamin Amama. Ce dernier est, en effet, un spécialiste de la politique spectacle. L’opinion lui doit différentes "affaires", soulevées ici et là depuis un peu plus d’un an.

Dans le dossier Sigipes, les documents authentiques, soigneusement classés au cabinet du Minfopra et au Premier ministère et dans au moins huit autres ministères, montrent que l’affaire se présente sous un jour différent. Les rushes du film diffusé par le Minfopra sont non seulement de nature à innocenter les mis en cause, mais trahissent les rapports difficiles entre le ministre et ses collaborateurs

De plus, on est surpris par la fixation de Benjamin Amama sur Fame Ndongo, présenté sous un mauvais jour dans l’affaire Sigipes. Le Minfopra, laisse penser que son collègue est impliqué dans une deal maffieux avec le cabinet Cgicom. La cellule de communication du Minesup, que nous avons contacté, brandit les preuves du contraire. Sur la foi des correspondances entre les services du Premier ministre et le ministère de la Fonction publique, il est établi que les relations d’affaires entre le ministère de l’Enseignement supérieur et Cgicom remonte au ministre Ze Nguele. Le 8 mars 2003, "sur hautes instructions de Monsieur le Premier ministre", le ministre Ze Ngele annonçait à ses collèguesde huit ministères dont celui de l’Enseignement supérieur, le déploiement prochain du Sigipes dans leurs services. "Les travaux seront réalisés par le cabinet Cgicom qui a assuré avec satisfaction l’opérationnalisation de l’application dans les quatre sites pilotes", précisait la correspondance. En clair, au Mincom comme au Minesup, Jacques Fame Ndongo qui, soit dit en passant, n’est pas non plus un chérubin, n’est pas à l’origine des contrats passés avec le Cgicom. Bien plus, le Minesup, à court de ressources pour le financement du projet Sigipes dans ses services, fait appel au Premier ministre. En date du 06 juin 2005, Benjamin Amama émet "un avis très favorable à la demande de subvention spéciale pour le déploiement du projet Sigipes/Minesup qui a été adressé par le Minesup à Monsieur le Premier ministre".

Que cache cet autre battage médiatique de Benjamin Amama? Veut-on écarter d’un dossier, à terme juteux, des collaborateurs et des entreprises, dont on n’a pas pu s’assurer la "compréhension", malgré une expertise avérée et attestée par les nombreux satisfecit écrits du Premier ministre? Au moment où, sur insistance des bailleurs de fonds, l’hypothèse d’une réduction de la taille du gouvernement n’est pas à exclure, veut-on donner le change aux partenaires extérieurs de plus en plus pointilleux surs les questions de gouvernance? S’agit-il de divertir l’opinion, comme l’a révélé par le passé, l’affaire des fraudes à l’Enam, ce piège qui a failli se refermer sur Benjamin Amama (et sur dame Atangana, proche d’un autre Atangana), à l’époque directeur de l’institution. Enfin, l’affaire Sigipes offre sans doute l’occasion de régler un compte à Jacques Fame Ndongo. C’est un secret de polichinelle : la récente crise universitaire a mis sur la place publique les rapports conflictuels entre le Minesup et quelque autre ponte du régime.


Source : Mutations




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