Rechercher
Rechercher :
Sur bonaberi.com   Google Sur le web Newsletter
S'inscrire à la newsletter :
Bonaberi.com
Accueil > News > Livres
Chronique : Une vie de Boy, de Ferdinand Oyono
(11/12/2005)
Œuvre emblématique de la littérature coloniale, Une vie de boy de Ferdinand Oyono, se pose au travers du regard candide et sensible d’un enfant, en véritable « phare » du temps et des pratiques on ne
Par Albertine M.
Une vie de boy, Ferdinand Oyono
Une vie de boy, Ferdinand Oyono
Œuvre emblématique de la littérature coloniale, Une vie de boy de Ferdinand Oyono, se pose au travers du regard candide et sensible d’un enfant, en véritable « phare » du temps et des pratiques on ne peut plus autoritaires et humiliantes de la colonisation.

Toundi Ondoua n’est encore qu’un jeune enfant lorsqu’il décide de quitter le domicile familial pour se placer sous l’égide d’un père missionnaire blanc, le révérend père Gilbert. En effet, la cruauté et la violence de son père à son égard l’astreignent au retranchement. Venu en mission d’ « évangélisation » dans le village natal de Toundi, le religieux suscite l’étonnement mais aussi l’admiration des jeunes villageois qui, pour la première fois, découvrent un homme « hors norme », blanc et généreux, symbolisant un monde nouveau, inconnu et riche en mystères. En définitive, la dispute qui met aux prises Toundi et son père et dont le missionnaire est la source, marque le début d’une vie nouvelle pour ce jeune enfant en quête de découvertes et de rencontres.

Ainsi, c’est plein d’espoir que Toundi part vivre avec le père Gilbert à la Mission catholique Saint-Pierre de Dangan, où il se fait baptiser et appeler Joseph. Il y reçoit dès lors une éducation de qualité dans le cadre de laquelle il apprend à lire et à écrire. Le missionnaire l’élève également selon des principes de bonne conduite tout en lui inculquant les principales règles de savoir-vivre ainsi que certaines valeurs essentielles et inhérentes à toute société « civilisée », afin qu’il devienne un boy modèle et irréprochable.

A l’instar de son maître dont il tire de nombreux enseignements, Joseph nous livre sous forme de journal, les détails de sa vie de boy dans le monde des colons, ses rencontres mais également ses joies et peines. Son séjour à la mission lui permet de prendre un nouveau départ, de s’épanouir mais également d’appréhender un style de vie qui lui était jadis étranger mais dans lequel il se sent enfin utile et apprécié à sa juste valeur.

Malheureusement, la mort de celui qu’il considère comme son « bienfaiteur », l’oblige à quitter la mission pour aller vivre dans le quartier indigène de la ville. De ce fait, propulsé à ses dépends dans un univers qu’il n’a pas choisi, celui de la Résidence, véritable ville blanche, lieu de luxure et de dépravation, il deviendra le nouveau boy de l’administrateur des colonies, le « commandant ». Victime des vices et injustices d’un monde inculte, « préfabriqué » et dénué de bon sens, Toundi Joseph nous fait part avec beaucoup d’effarement, de tristesse et de désolation, de ses incompréhensions face aux règles et aux principes qui régissent cette société emplie de préjugés, sans pitié et complètement déconnectée des réalités sociales locales.


De désillusions en désillusions, le jeune homme y fera l’expérience des rapports que les Blancs entretiennent avec les Noirs. Dans un monde injuste, plein d’aspirations où l’absence de respect envers les indigènes est devenu normalité, tout est fait pour les ridiculiser, les humilier, les assujettir et les aliéner. Les nègres ne sont considérés dès lors que comme des subalternes, des animaux que l’on manipule et brutalise selon ses désirs.

Le temps passa et la vie devint pour chaque employé de la Résidence une sorte de routine. Plus rien ne pouvait les surprendre ni les troubler. Toundi, le plus vaillant de tous, subira à tord les médisances de son maître sans jamais se plaindre ni montrer des signes de faiblesse.

Néanmoins, tout bascule lorsque « Madame », l’épouse du commandant arrive à la Résidence. En effet, sa beauté et son charme débordant ne laisseront pas Toundi indifférent. Victime de sa « gourmandise » d’antan, il se retrouve rapidement otage de sentiments qu’il ne contrôle a pas et se livre par contrainte à un jeu dangereux dont il sortira, compte tenu de sa condition sociale, perdant.

Témoin oculaire des frasques de sa patronne avec Monsieur Moreau, un ami du commandant, mais aussi victime de sa curiosité imparable, le jeune homme prend rapidement l’habitude de regarder et d’observer en silence tous les faits et gestes de Madame jusqu’au jour où, de façon inopinée, le commandant avoue connaître la vérité.

Devenu le « pharmacos » de cette affaire, Toundi subira les attaques de plus en plus virulentes de son maître qui, convaincu qu’il est la cause de l’hilarité des indigènes à son endroit, cherchera par tous les moyens à assouvir sa soif de vengeance. L’arrestation du jeune homme à son domicile n’éveillera en lui aucun sentiment de pitié ni de complaisance. Accusé injustement de complicité de vol, Toundi subira les châtiments les plus forts avant de s’en aller mourir loin de la terre de ses aïeux, dans la déchéance la plus totale.

Cette histoire pour le moins troublante, reflète avec acuité la dichotomie sociale et le racisme poussé qui existaient au temps de la colonisation. Elle lève aussi le voile sur les moyens et pratiques mis au service d’un système oppressif « blanc ». Par ailleurs, loin d’unifier les hommes, d’encourager la fraternité et la solidarité, la religion se pose, contrairement à ses préceptes, en véritable obstacle à cette union et continue à alimenter ce rapport déjà bien ancré dans le système, de « dominant/dominé ». Comment peut-on concevoir qu’il y ait au sein d’une église, la « Sainte Table des blancs » et la « Sainte Table des noirs » ? Et dans un cimetière un coin réservé aux blancs et un autre aux noirs ? Un quartier noir, indigène complètement disjoint d’une ville blanche dans lequel il se situe ? Ne peut-on pas penser, au vu de ce qui se passe dans nos sociétés actuelles, que les phénomènes de racisme et de ségrégation ne sont que le legs d’un passé colonial qui tend à perdurer ?







Partager l'article sur Facebook
 
Discussions Discussion: 22 bérinautes ont donné leur avis sur cet article
Donnez votre opinion sur l'article, ou lisez celle des autres
Sur copos Sur Copos
Les vidéo clips Les vidéos clips
Récents Récents


Accueil  |  Forum  |  Chat  |  Galeries photos © Bonaberi.com 2003 - 2024. Tous droits de reproduction réservés  |  Crédit Site