Théophile Abéga, le président du Canon de Yaoundé, a les larmes aux yeux quand il s'adresse à son fils assis et menotté derrière un pick-up de la brigade de recherche de la compagnie de gendarmerie du Mfoundi. Le Tee-Shirt et le Jeans que porte Franck, 17 ans, sont maculés de sang. Sa main gauche, sanguinolente, est emmaillotée dans un vieux vêtement blanc. «Franck, Franck...», lance Théophile Abéga à son fils tout en écrasant quelques larmes. Franck A. a été amené à la brigade de recherche, environ une heure et demi après avoir tué son camarade, Jean-Alex N., Burundais âgé de 17 ans et élève, lui aussi, à l'Ecole américaine de Yaoundé.
Selon des témoignages recueillis sur les lieux du crime, le drame s'est produit hier aux environs de 11h à la pause. Franck s'est approché de sa victime et, sans aucune altercation et sans dire le moindre mot, s'est saisi de Jean-Alex et l'a égorgé à l'aide d'un couteau qu'il aurait, selon toute vraisemblance, ramené de son domicile. Tout est allé très vite. La victime est morte sur le champ, sans qu'on ait eu le temps de la conduire dans un hôpital, soutient un vigile. Après son acte, Franck a tenté de prendre la fuite avant d'être maîtrisé dans sa course et ligoté par les vigiles. Informé du drame, l'ambassadeur des Etats-Unis au Cameroun s'est rendu dans cette école tout comme certaines hautes personnalités des forces de maintien de l'ordre. Parmi elles, Edgard Alain Mebe Ngo'o, Délégué général à la Sûreté nationale et le général Paul Yakana Guebama.
Plaintes
Devant tout ce monde et dans l'enceinte de l'Ecole américaine, Théophile Abéga n'a que ses larmes pour pleurer. Il ne comprend rien, puisque c'est lui-même qui est venu déposé son fils le matin à l'école. Des sources concordantes présentent ce dernier comme étant un enfant calme, presque timide, qui parle très peu avec ses camarades en classe. Un proche de la famille soutient que Franck, «même à la maison ne parle pas. Tout ce qu'il sait faire c'est jouer au football.» Qu'est ce qui a bien pu arriver à cet élève, du 11e grade à l'Ecole américaine (terminale dans le système camerounais)?
Interrogé par les gendarmes, le jeune homme a affirmé que la victime lui faisait du charme depuis quelques temps. Il précise qu'il s'est plaint plusieurs fois à l'administration de son école qui n'a pas réagi. Ce qui l'aurait même poussé à ne pas aller à l'école depuis deux semaines. Hier matin, il a repris le chemin de l'école, armé d'un couteau de cuisine avec lequel il a commis son forfait. Franck a été conduit aux urgences de l'hôpital central de Yaoundé où il a subi des soins pour les blessures qu'il a eues à la main au moment où on lui arrachait son couteau. La victime, elle, a été conduite à la morgue de l'Hôpital général de Yaoundé. Selon certaines sources, non confirmées par les responsables de l'école restés fermés à toute déclaration, ses parents vivraient au Tchad et en Côte d'Ivoire.
Une enquête a été ouverte à la brigade de recherche de Yaoundé, pour savoir les circonstances exactes de ce drame qui tétanise les pensionnaires de l'Ecole américaine, fermée pour le reste de la journée d’hier. En fin de soirée, nous avons été joints au téléphone par un porte-parole de l'ambassade des Etats-Unis au Cameroun, qui affirme qu'elle travaille en ce moment pour répondre au choc émotionnel que ce drame a entraîné dans les familles et à l'école. Il soutient que l'Ecole américaine s'atèle, dès à présent, au renforcement de ses infrastructures pour une plus grande sécurité des élèves.
On se souvient qu'il y a quelques temps, les parents d'élèves du collège Fustel de Coulanges de Yaoundé, l'équivalent français de l'Ecole américaine, s'étaient plaints d'un trafic de stupéfiants qui avait cours dans cette école. C'était au moment où un jeune pensionnaire de cette structure académique avait été tué. Les responsables de Fustel étaient, eux aussi, restés de marbre.
Source : Mutations
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