Sans doute les interminables files d’attente qui construisent chaque jour la silencieuse tragédie des demandeurs de visas pour la France, aux consulats de Yaoundé et de Douala, trouvera encore de la ressource pour dresser la couronne de ces humiliations qui ont fini par prendre corps dans la banalité du quotidien. Difficile de croire en effet que les choses puissent éventuellement s’améliorer, si l’on s’en tient aux différentes mesures que le gouvernement français, à travers les voix couplées de son Premier ministre et de son ministre de l’Intérieur, ont fait connaître hier, dans le sens d’une lutte plus soutenue de leur pays contre l’afflux d’immigrants légaux et illégaux. Arrivée en masse d’étrangers sur le territoire d’une France qui se sent d’autant plus assiégée que la question de l’accueil de ces arrivants vient s’entasser sur une problématique boueuse au fond de laquelle s’englue déjà la question du chômage de masse – 9,7% pour toute la population active – de «l’intégration» de ces populations, de la gestion de leurs particularismes ethniques et communautaristes, des coûts qu’ils suscitent à l’équilibre de l’Etat providence – près de 150.000 clandestins bénéficiaires, en France, de la couverture médicale universelle – et maintenant, du malentendu dont ils sont l’objet sur le dérèglement de la sécurité publique.
La France veut alors réagir un peu parce qu’elle sent flouée: entre 80.000 et 100.000 étrangers s’installent chaque année en situation irrégulière dans le pays ; ce qui porte le nombre total clandestins à une «fourchette» raisonnable de «200.000 à 400.000 individus», selon les propos de Nicolas Sarkozy. Alors, fait-il savoir, il est question, en toute urgence, de «maîtriser l’immigration subie pour développer une immigration choisie», celle qui permet à la France de ne plus nécessairement accepter sur son territoire n’importe qui, et surtout, «ceux dont on ne veut nulle part». Un projet de loi dans ce sens est en préparation et sur le point d’être déposé au Parlement, au cours des prochains mois, pour indiquer clairement toute l’importance qu’est entrain de prendre cette question dans une France encore abasourdie par les récents troubles dans les banlieues. Lesquels ont pu nettement donner à penser à une grande majorité de natifs de ce pays que la responsabilité d’une telle dégénérescence sociale tenait nécessairement de toute une série de personnes nées hors de la France ou de parents étrangers, et qui n’arrivent pas encore nécessairement à cerner les logiques universalistes d’un pays en quête de clarté idéologique sur la question de la gestion de l’immigration.
Toute chose qui justifie le fait que, en attendant de trouver le bout par lequel le pays gère ses flux, tout soit mis en œuvre de manière aussi décomplexée que possible, pour «aller encore plus fort» dans l’éradication de cette incompressible pieuvre, équivalemment exténuante pour tous les pays riches. D’où ce ballet d’expulsions du territoire français que la nouvelle vulgate décide de maquiller sous l’expression «mesures d’éloignement», tout en se félicitant, selon le Premier ministre, Dominique de Villepin qu’il ait «fortement augmenté»: 12.000 en 2003, 15.000 en 2004, plus de 20.000 en 2005 et un objectif clairement chiffré à 25.000 pour 2006 ! Nicolas Sarkozy affirme d’ailleurs s’engager pour une politique de «reconduite systématique», tout en luttant de toutes se forces contre les nouvelles formes d’immigration qui sont, à ses yeux, la scolarisation des enfants, entre autres. Il est dommage a-t-il regretté, que l’Italie et l’Espagne aient récemment régularisé des centaines de milliers de clandestins, ce qui a inévitablement créé un «appel d’air dans toute l’Europe». Mais, pas question pour lui de se décourager de quelques façon, dès lors que son combat concerne également la lutte contre les «filières criminelles» spécialisées dans l’immigration clandestine entre l’Afrique et l’Europe. Filières dont les revenus représentent «un quart à un tiers de celui du trafic international des stupéfiants».
Source : Mutations
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