Etudiants sur le campus lors des dernières grèves
A l'amphi 502 de l'université de Yaoundé I à Ngoa-Ekellé, l'ambiance est électrique. Un haut-parleur dans la main, Mouafo Djontu, le président de l'Association pour la Défense des droits des Etudiants du Cameroun (Addec), discute avec ses camarades. "Nous ne pouvons pas rester les bras croisés, dit-il. Regardez dans le campus, il y a des travaux qui sont en train d'être faits. Il faut que nous leur mettions la pression, sinon ils ne feront rien." Une clameur de consentement se fait entendre dans l'amphi. Les étudiants massés à l'extérieur, s'empressent de venir voir à quel niveau se trouve la manifestation. Chant et cris de raliement sont vite repris ici et là.
L'euphorie ne sera malheureusement pas de longue durée. Une première vague de gendarmes fait irruption dans la salle et essaie de faire sortir les meneurs de l'Addec installés sur l'estrade de l'amphi. Rien n'y fait. Les étudiants, en face, crient de plus belle et demandent aux gendarmes de sortir de l'amphi. Pendant quelques minutes d'accalmie, Mouafo Djontu et ses compagnons reprennent leur harangue.
Pas pour longtemps car, du fond de la salle, une clameur s'élève et les étudiants, paniqués, se mettent à courir, cherchant à échapper aux gendarmes appelés à la rescousse. Ceux qui n'y parviennent pas reçoivent des coups dans le ventre et des coups de matraques dans le dos. La poussière s'élève dans l'amphi, les feuilles de cours aussi. Les étudiants se sauvent.
"Il est inadmissible que l'on nous refuse le droit de se rassembler. Avec cette réunion, nous voulions instituer un cadre de débat entre étudiants. Malheureusement, les autorités de cette université veulent nous comprimer, elles ne veulent pas nous laisser nous exprimer. Depuis le mois de septembre, le recteur [Dorothy Njeuma, Ndlr] n'arrête pas de faire circuler des notes qui nous interdisent de nous rencontrer. Ce qui est tout simplement inadmissible!", s'insurge Ndjiepe Fotso, président de la commission chargée de la sécurité à l'Addec. "On ne voulait que lancer les activités du Sénat qui est cette assemblée où on discute de nos problèmes. Dans l'ordre du jour, on devait parler des droits universitaires et mettre la pression sur les responsables de l'université pour qu'ils publient les prix des loyers dans les cités", continue-t-il.
Il était également question, selon certaines indiscrétions d'étudiants, de contester la décision du recteur de faire payer les 50.000Fcfa de frais universitaires avant le 7 décembre, date de début des travaux dirigés; l'interdiction des photocopieuses sur le campus qui, selon le recteur, salirait le campus.
Arrestations
La panique s'installe sur le campus. Le cours de Biologie animale programmé à l'amphi 501 voisin est tout simplement déprogrammé. En contrebas, les étudiants balancent des cailloux et des mottes de terre aux gendarmes exacerbés. Au rectorat, l'équipe du Gmi N°1, conduite par le commissaire Ndigui, est sur le pied de guerre. L'accès à l'édiffice est tout simplement interdit par les gendarmes postés à l'entrée.
Les étudiants blessés sont installés devant le rectorat, tandis que leurs camarades, branchages de manguiers à la main scandent: "Njeuma, dehors". Un nouveau tour du campus est engagé pendant que les forces de l'ordre vont s'approvisionner en boucliers. De plus en plus d'étudiants se rallient à cette cause et des projectiles sont lancés sur les forces de l'ordre qui ont arrêté Mouafo Djontu et son compagnon, Linjuom Mbowou. Ces derniers sont d'abord conduits à la première Légion de gendarmerie puis transférés à la Brigade de recherches à Yaoundé. Alors que nous mettions sous-presse, ils n'avaient pas encore été entendus.
On se souvient que la fin de l'année académique dernière a été émaillée de plusieurs perturbations dans certaines universités d'Etat. Par ailleurs, le 10 septembre dernier, Dorothy Njeuma, ancien recteur de l'Université de Buea où deux étudiants ont trouvé la mort au cours de cette crise, a été nommée recteur de l'université de Yaoundé I.
Une nommination qui s'est immédiatement matérialisée par l'arrestation, le 19 septembre dernier, de deux étudiants tandis que les rassemblements ont été interdits sur le campus. Des mesures qui viennent rappeler celles prises à Buea à la fin de l'année universitaire dernière à l'encontre des leaders estudiantins privés de la participation aux Jeux universitaires, entre autres.
Source : Mutations
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