Eto’o vient encore de marquer au Bernabéu, ce stade béni qui fait remonter ses plus bas instincts de buteurs, et le public réagit avec une timidité inhabituelle.
On écoute l’aile Sud, pour entendre si un spectateur va manifester sa récrimination contre le camerounais, lui qui cherche du regard, Florentino ou peut être Laporta, mais on n’a pas l’impression que l’ennemi Eto’o vient de marquer. C’est comme si au fond, le public voulait se lever pour dire au président du Réal Madrid que l’erreur, c’est lui qui l’a commise.
Le Bernabéu laisse transparaître un profond sentiment de frustration. Ils ne veulent pas regarder Eto’o se retourner à une vitesse supersonique après avoir combiné avec Messi. Ils sentent qu’il va passer, qu’il mettra un pointu et obligera Casillas à aller chercher la balle au fond des filets. Les madrilènes ferment les yeux chaque fois que le virevoltant camerounais frôle la balle, car ils sont conscients, plus que d’autres, qu’une nouvelle ère avait débuté le jour ou Florentino Pérez a sous évalué Samuel Eto’o.
Ils sifflent lorsque le ’speaker’ prononce le nom d’ Eto’o, qui passe sans s’arrêter, sans chercher l’agitation du public dans les gradins. Ils le sifflent lorsqu’il pénètre sur la pelouse, ils le voient embrasser Michel Salgado, donner la main à Ronaldo, caresser la calvitie de Zidane.
Ils essayent de le siffler lorsqu’il touche son premier ballon, mais ils restent muets, car ce que Eto’o provoque en eux est un mélange de peur et de tristesse. Ils voulaient lui réserver toute une soirée de broncas, mais se sont rendus, impuissants...
Ici ce que les gens veulent, c’est le jeu offert par l’équipe de Rijkaard à chaque match. Les madrilènes auraient aimé que le Ballon d’Or soit ’blanc’, que ces applaudissements dédiés à Ronaldinho - qui venait d’inventer un superbe but - soient adressés à un de leurs galactiques.
Le Bernabéu sort les mouchoirs blancs lorsque Ronaldinho marque son deuxième but. Ils applaudissent d’abord le brésilien, et ensuite adressent les premiers “dehors, dehors” à leurs propres joueurs et à Florentino Pérez.
Et tout cela avait commencé avec Eto’o. La chute du projet Florentino débuta ce jour oú le président blanc décida que le camerounais était inutile pour le Réal Madrid.
Ronaldo avait demandé avant le match que le Bernabéu reçoive Eto’o comme il le méritait, et le Bernabéu a répondu. Il a applaudi le football extra terrestre de Ronaldinho, en sortant les premiers mouchoirs, en se levant pour applaudir le meilleur joueur au monde...
Ils savent à Madrid que pour passer un joyeux Noël, il leur faut un Eto’o dans leur vie et ils savent qu’au Barça, c’est Noël chaque jour, car il n’y a qu’un seul Ronaldinho.
L’hymne de l’équipe madrilène résonne dans les mégaphones pour couvrir les derniers sifflets. Ceux-là ne sont pas destinés à Eto’o, ils sont plus bruyants, ils s’adressent à Florentino et à son énième projet. Mais les derniers applaudissements pour Ronaldinho, qui a reçu son Ballon d’Or par anticipation font encore plus mal, car il est bien difficile de faire une sortie applaudie du Bernabéu.
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