Sa cravate noire en soie rabattue sur les épaules, Béatrice Kamdom hâte le pas en compagnie de sa copine. Pour les deux jeunes filles de 19 ans, c’est la deuxième semaine de cours qu’elles suivent au département de mathématiques de l’Université de Yaoundé I à Ngoa-Ekellé. Comme c’est désormais le cas depuis le 25 octobre dernier, elles se pressent, deux heures avant le début des cours, vers l’amphi 501 où elles devront suivre les cours de la journée. "Les places ne sont pas suffisantes pour tout le monde. Pour en avoir, il faut pouvoir être là deux heures avant le début des cours ou, dans le meilleur des cas, suivre le premier cours, même s’il ne nous est pas destiné, et attendre qu’il finisse. Ainsi, on pourra choisir les meilleures places à l'avant", dit Béatrice. Sa silhouette est moulée dans un jean’s près du corps et un corsage dans le même style. "C’est plus pratique ainsi. Avec les sacs à dos, ça permet, lorsqu’il y a bousculade, de se faufiler et d’avoir la meilleure place. On a de la chance parce qu'il y a nos camarades qui sont inscrits dans d'autres facultés, et ont de la peine à trouver leurs salles de cours, tellement on les change. Nous, nous n'avons que les amphis 501 et 502. C'est ça qui fait notre chance", ajoute-t-elle.
Il est 12h30 et le vacarme monte dans l'amphi. Le cours ne devra commencer que dans une heure mais, déjà, une grande chaleur règne dans cette salle surpeuplée. Les deux jeunes filles se font héler par leurs camarades arrivés plus tôt et qui leur ont réservé des places. "C'est comme cela qu'on s'organise. Pour les cours qui débutent à 7h30, nous arrivons à 6h, certains de nos camarades sont là dès 5h. La différence avec le lycée, c'est qu'il faut toujours courir ici. On doit tout discuter", explique Béatrice Kamdom. Pour la jeune fille, le premier contact avec "la réalité de l'université" a eu lieu pendant la période de préinscription. "C'était très dur. J'ai fait quatre jours avant de pouvoir déposer mon dossier. C'était vraiment éprouvant avec les bousculades, les files à respecter pendant des heures." Cette résistance lui permet tout de même de se gausser des retardataires qui en sont encore à courir ici et là pour déposer leurs dossiers.
Cette année en faculté, elle espère qu'elle se terminera bien avant le mois de juin prochain. Pour la jeune fille en effet, l'option mathématique n'est qu'un tremplin. " Pour moi, c'est l'occasion pour me former. J'aimerais faire le concours de L'Ica ou de polytechnique. Je pourrai choisir entre l'informatique, l'expertise-compatble, l'ingénierie statisticien. Si je n'y arrive pas, je me concentre pour valider toutes mes matières et fait une requête en fin d'année pour que l'on me transfère en informatique."
En attendant, avec ses copines du lycée d'Elig-Essono où elle a passé tout son cycle secondaire jusqu'à l'année scolaire dernière elle devra encore supporter les turbulences organisées par les plus anciens de la fac. "Ils arrivent en retard, traînent les pieds et se mettent à insulter le prof, le traitent de tous les noms. Je trouve cela horrible de voir un monsieur respectable comme cela, se faire insulter par des personnes qui peuvent être ses enfants."
De même ses yeux devront vite s'habituer à la qualité du tableau de l'amphi sur lequel, "il est difficile de lire quoi que ce soit." Les rêves sur la cité universitaire que Béatrice et ses copines nourrissaient pour se sentir "grandes filles", sont, quant à eux, évanouis. "Mes parents ont souhaité que j'attende un peu. Après la grève de l'année dernière, ils ne sont pas rassurés et préfèrent m'avoir à leurs côtés. Mes frères aînés et eux m'ont d'ailleurs conseiller de rentrer immédiatement si les troubles déclenchent", dit-elle en ajustant son sac à dos.
Source : Mutations
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