Le regard braqué sur l'écran d'un ordinateur, Marine s'impose des contorsions que ses voisins ont du mal à comprendre. Il faudra d'ailleurs à ces derniers quelques minutes pour se rendre compte que la jeune femme, le regard concentré sur un ordinnateur au Cyber café Nsc au quartier Mvog-Mbi à Yaoundé, essaie de faire plaisir à son correspondant virtuel, qui l'observe à travers l'objectif de la petite caméra connectée à la machine. Le resultat ne semble pas satisfaisant puisque, quelques instants plus tard, la jeune fille, timide et nouvelle recrue dans le monde des «chercheuses du net», sollicite «l'assistance technique» de l'un des moniteurs de cet espace internet qui lui explique comment «poser».
«C'est très important désormais. D'ailleurs, si un cyber café n'a pas de webcam, cela signifie qu'il perd une bonne partie de sa clientèle potentielle. Quand on va par exemple sur les sites de rencontres, les correspondants exigent que la personne en face ait la possibilité de trouver une Webcam. Ça facilite les choses , confie Olivier Ondobo de Nsc. Il précise d'ailleurs «Quoi qu'on dise, ce sont ces filles qui nous font le plus de recettes. Elles paient la connexion pour au moins trois heures à 400Fcfa l'heure et paient l'utilisation de la webcam à 500Fcfa l'heure. Les autres viennent et repartissent une heure en plusieurs tranches.»
Discrétion
Avec la webcam, les candidates aux rencontres sur l'internet ont alors la possibilité de mieux présenter leurs «atouts». «Avant l'avènement de la Webcam, on envoyait toujours des photos et ça ne restituait pas toujours tout. La photo est figée alors qu'à travers l'écran, le correspondant te voit vraiment. Il sait à peu près à qui il a affaire. C'est ça qui est important. C'est plus vivant», explique Aurelie, l'une des «anciennes» de Nsc.
Son expérience des correspondances par internet lui confère d'ailleurs une certaine autorité parmi les autres filles. «Elle a eu plusieurs correspondants. Certains sont même venus jusqu'ici pour la rencontrer. Elle sait donc comment les appâter. Quand elle se trouve là au moment où les filles sont sur la web', on la voit et elle nous dit quels sont les vêtements que nous devons porter lorsque nous avons rendez-vous sur la Webcam, et comment nous comporter quand il faut poser», confie Marine qui, avec une certaine gêne, dévoile sa poitrine, un sourire aux lèvres. Avec les encouragements de ses copines, elle pousse l'audace plus loin en se cambrant pour présenter la ficelle supérieure de son string jaune à la caméra.
A côté, les autres clients, spectateurs involontaires, assistent, un peu gênés, à ce strip-tease. Chacun essayant de ne pas se faire remarquer et surtout de ne pas contrarier les filles: «Elles sont agressives. Si elles remarquent qu'on les regarde, elles se mettent à insulter les gens en les traitant de tous les noms d'oiseaux. Dans ce cas, il vaut mieux faire comme si on ne les voyait pas, même si le fait de les voir dévoiler leurs corps comme une vulgaire marchandise est choquant», confesse Martin Zanga qui, dans un cyber situé au lieu dit Capitole, assiste à pareille scène.
Ailleurs, pour éviter d'indisposer des internautes plus classiques et qui se plaignent de ces dérives, des espaces spéciaux sont réservés aux utilisatrices de webcams.
C'est ainsi que du côté de Easy-Net, un cyber-café situé au quartier Mvan, dans la périphérie de Yaoundé, un paravent grossièrement taillé dans du bois attire rapidement l'attention. «Nous l'avons installé pour assurer la discrétion des filles et femmes qui viennent surfer et utiliser la webcam. A ce moment, elles peuvent faire tout ce dont elles ont envie là-bas et, en même temps, ça reconforte les autres clients», confie Clotaire Nguewo, le gérant. Il poursuit tout de même : «C'est aussi une façon de nous mettre à l'abri de la colère de certains maris. Il y a deux semaines, tout se passait encore dans la salle. Un samedi, une femme est venue utiliser la web. Son mari la suspectait déjà de le faire et il est venu la surprendre en train d'envoyer des bisous à son correspondant en lui montrant ses seins. Il ne l'a pas supporté et l'a battue en direct, en menaçant de casser tout le matériel.»
Source : Mutations
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