Il s'agit d'un article intitulé "Privatisation du secteur de l'électricité au Cameroun: bilan et perspectives", signé, dans le mensuel Central African Business édition d'octobre 2005, d'un certain Pierre-Olivier Pineau, qui est Assistant professor à la School of Public Administration à University of Victoria au Canada.
L'article en question, comme son titre l'indique, nous entraîne dans les méandres de la privatisation de la Sonel. Il est, indique une note de bas de page, lui-même inspiré d'une récente publication académique de l'auteur, au titre évocateur : "Transparency in the Dark - An Assessment of Cameroon Electricity Sector Reform". On peut donc, enfin, avoir un peu de lumière sur ce processus, qui permet de comprendre ce qui a suivi (les délestages) et ce qui nous attend.
Pour l'auteur, disons-le d'emblée, la privatisation de Aes Sonel est un échec. A l'origine, il relève des lacunes dans le cadre juridique mis en place en 1998, que le décret du Premier ministre rendu public en 2000 sur l’organisation du secteur de l'électricité, n'a pas pu combler. Résultat : le processus d'appel d'offres a débouché sur une seule offre, celle de Aes Corporation, les autres (la Canadienne Hydro-Québec, la Française Edf, la Sud-Africaine Eskom et l'Espagnole Union Fenosa) s'étant retirées. Premier couac donc, avec pour conséquence pour le Trésor public camerounais, une perte de 10 millions de dollars américains (environ 7,5 milliards de francs Cfa à l'époque), en raison d'un quasi chantage du seul candidat resté en lice.
Par la suite, par un autre tour de passe-passe, une "dérogation spéciale" au contrat de concession, à travers laquelle aucune pénalité ne peut être appliquée à la société, est accordée, pour une durée de trois ans. En d'autres termes, les fameux délestages sont restés impunis, pendant que les prix augmentent. Et ce ne serait pas les seuls "cadeaux" faits à Aes Corporation.
Mais l'auteur remonte plus loin dans le temps, pour démontrer que la privatisation de la Sonel ne se justifiait pas. Il cite des entreprises publiques du secteur de l'énergie qui marchent, et indique même que la Sonel est restée un exemple en la matière, jusqu'en 1992 au moins, alors que la crise économique est arrivée cinq années plus tôt. Les dirigeants auraient fait l'impasse sur diverses études commandées à l'époque par le gouvernement, et dont aucune ne parlait de cession des actifs de l'entreprise. A contrario, la privatisation n'a apporté que des problèmes, dont le moindre n'est pas celui du management, avec trois directeurs généraux en moins de quatre années.
Et l'avenir alors ? Un brin optimiste, l'auteur pense que la situation ne peut être pire que ce que l'on vit depuis 2001. A ses yeux, la "relecture" du contrat de concession devrait permettre de rattraper certaines situations. Mais, pour lui, la réforme devrait également toucher l'Agence de régulation du Secteur de l'électricité (Arsel), pour la sortir de sa léthargie, mais aussi pour la rendre indépendante du gouvernement. Parce que, pour l'instant, elle ne fait que la figuration, incapable qu'elle est d'assumer ses tâches, mêmes les plus élémentaires comme la publication des données techniques du secteur, comme stipulé dans la loi sur l'électricité de 2003; ce, alors même qu'elle est chargée de la "transparence" (selon ses propres termes). Pour ce qui est des investissements, malgré les assurances données tant par le gouvernement que par Aes Sonel, Pierre Olivier Pineau estime que les problèmes restent entiers et rien, pour l'instant, ne permet de garantir une fourniture "stable, abondante et rentable de l'électricité au Cameroun".
Pour finir, l'auteur fait quelques propositions dont l'axe central est la création d'une société nationale (autonome) chargée de la production de l'électricité, Aes Sonel n'ayant plus en charge que la distribution. Mais, pour en arriver là, il faudrait que le gouvernement ait, enfin, le leadership dans ce dossier. Le veut-il ? En a-t-il les moyens. Rien n'est sûr… Surtout qu’Aes Sonel a été chargée, entre-temps, de construire la centrale à gaz de Kribi.
Source: Quotidien Mutations, Alphonse Soh
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