“Bienvenus à tous. Le chef de l’Etat, informé de votre sort nous a instruits le Dgsn et moi-même, de venir vous accueillir. Vous êtes de jeunes Camerounais sur qui repose l’avenir du pays. Nous sommes heureux de constater que vous avez gardé le sourire.”
Ces mots du gouverneur Gounoko Haounaye à l’endroit des 129 jeunes Camerounais, candidats malheureux à l’immigration clandestine, rapatriés hier par les autorités marocaines sont les seules paroles officielles prononcées à cette occasion. “ Nous allons vous garder pendant 48 heures à la base navale pour les besoins d’identification et pour connaître vos problèmes car certains d’entre vous auraient pu y laisser la vie ”, a poursuivi le gouverneur du Littoral. Salve d’applaudissements des infortunés qui spontanément entonnent l’hymne national. Même la menace à peine voilée de ce propos annonçant une détention provisoire ne retiendra pas leur attention. Après les affres de cette mésaventure dont certains portent encore des séquelles physiques, respirer l’air frais du pays leur paraît à cet instant d’une infinie douceur.
Tout est allé très vite dès l’annonce par les autorités marocaines du refoulement de ces Camerounais (le 3ème contingent le plus important après les Sénégalais et les Maliens). C’est à 18 heures 2 mn que s’est posé le Boeing 737/800 CN-ROB de la Royal air Maroc à l’aéroport international de Douala. Le gouverneur Gounoko Haounaye arrivé juste quelques instants plus tôt y a trouvé le délégué général à la Sûreté nationale, Edgar Alain Mebe Ngo’o, arrivé en fin de soirée dans la ville. Une bonne escouade de policiers et de gendarmes veillaient au grain, histoire sans doute de parer à toute velléité de fuite de ces hôtes d’un autre genre. Un à un, ils seront débarqués et conduits sous l’œil inquisiteur et parfois moqueur du maigre public constitué essentiellement des responsables des forces de l’ordre. Le débarquement dure environ une dizaine de minutes pendant lesquels on a pu se rendre compte de leur dénuement. Les visages sales et les cheveux hirsutes, de même que le sourire crispé n’était pas seulement dus au sentiment de honte habitant la plupart, devant les dizaines d’yeux qui les scrutaient. L’absence de bagages venait simplement rappeler la désillusion de ces jeunes gens qui ont parfois tout plaqué pour courir après un avenir qu’ils croyaient radieux. Certains sont même arrivés pieds-nus alors que les autres n’avaient que de haillons en guise d’habits.
Encore des Camerounais dans le désert
“ La police marocaine ne blague pas ”, a lancé à cet effet l’un de ces jeunes dont la moyenne d’âge, visiblement, ne dépasse pas les 20 ans. Cet aveu lancé à la cantonade par l’un d’eux alors qu’ils étaient convoyés sous l’œil vigilant des forces de l’ordre, à la salle d’embarquement A32A de l’aéroport international de Douala, est confirmé par la majorité des rapatriés. “ Environ 600 personnes sont encore actuellement abandonnées au désert. La plupart sont des Camerounais, soutient un de ces infortunés qui, on peut les comprendre, ne souhaitent pas décliner leur identité. Si on ne peut plus faire quelque chose pour eux, on peut au moins aller chercher leur corps ”, supplie-t-il. Pourquoi ces autres Camerounais ne sont-ils pas venus ? “ C’est que, explique un autre, lorsque les hélicoptères de la police marocaine sont venus nous chercher, ils se sont cachés avec d’autres. Pour eux, la présence des hélicoptères était liée aux brimades et autres tortures. ” Seulement, cette fois-là, il s’agissait plutôt de… libération. A la salle d’embarquement où ils ont été réunis pour un débriefing sommaire avant de rejoindre pour “ 48 heures ” la base navale à bord des trois bus de la Socatur spécialement affrétés pour la circonstance, ces 129 clandestins parmi lesquels 2 filles plutôt bien servies par la nature, savourent goulûment la “ sécurité d’être chez soi ”. Avant de tenter une autre fuite désespérée du quotidien ?
Source: Le Messager, Frédéric BOUNGOU
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