La bibliothèque pilote de la ville de Bafoussam choisie comme cadre de ce débat n’était pas gratuit, car les conférenciers entendent redonner vie à cette bibliothèque qui se meurt, non pas parce qu’elle n’est pas équipée (elle compte au moins 5000 ouvrages) mais parce que les Camerounais n’ont aucun goût pour la lecture.
Le conférencier dresse un tableau sombre de l’éducation camerounaise, simplement mise à mort au niveau des trois instances chargées d’en assurer le suivi : la famille, l’école et la société.
La famille étouffe…
Le conférencier note que la famille qui devait être le premier lieu d’éducation est devenu plutôt un lieu de calvaire pour les enfants. Pas de dialogue entre les parents et les enfants, et le sujet comme le Sida qui devrait faire l’objet de discussions franches entre parents et enfants reste tabou. Plus graves, les parents n’ont jamais du temps pour s’occuper des enfants qu’ils ont mis au monde, prétextant le manque de temps ou “ la lutte pour la survie. ” Mais Kouam Tawa pense à ce propos que rien n’oblige un homme à faire cinq enfants quand ses moyens ne lui permettent que d’en élever un. La surpopulation familiale confine ces enfants à une promiscuité dégradante, et au petit matin, chacun “ s’échappe de cet univers carcéral pour chercher un meilleur espace ailleurs, l’école par exemple. ”
Mais à l’école, l’enseignant pose problème, l’élève pose problème, l’école lui-même pose problème. Les enseignants n’ont plus d’engouement pour l’éducation, clochardisés comme ils le sont par le système dirigeant. Avec des extraits tirés du livre Génération sacrifiée de Roger Kaffo Fokou, le conférencier démontre le niveau de pauvreté moral de l’enseignant d’aujourd’hui dont la situation est encore plus déplorable quand il enseigne en campagne. Devant l’enseignant de la métropole, il est comparé à un rat des champs devant le rat de ville. L’élève de son côté n’a plus le culte de l’effort. Insidieusement, le système lui a inculqué que les résultats scolaires ne comptent plus pour une place au soleil dans la société, celui que l’on connaît est plus important que ce qu’on connaît. D’où l’arrogance, le mépris de l’enseignant, l’abandon même des classes. Ajouté à cela, le cadre idéal que l’enfant croyait trouver en allant à l’école ne l’est pas du tout, le délabrement des infrastructures n’est pas pour l’y aider. Au final, comme le relève l’auteur de Génération sacrifiée, “ l’école délabre le moral le plus faible…fuir l’école aujourd’hui c’est échapper à l’horreur. ”
La société déprave
Il reste à l’enfant la vaste société. Mais là encore, Kouam Tawa fait le triste constat : “ Dans la rue, à travers la musique, avec la littérature, tout ici concoure à la même chose, le pouvoir et l’argent. ” Le sexe aussi. Illustré par l’anecdote de cet homme qui, aguiché par une affiche devant un vidéo club annonçant le Grand match Cameroun / Argentine du mondiale 90, entra naïvement dans la salle dans l’espoir de revoir ces grands moments de fierté. Quelle ne fut sa surprise de voir son fils de 9 ans supposé être à l’école assis au premier plan en train de regarder un film…pornographique ! Grand match était en fait un code. Voilà ce que réserve la société. L’éducation est mise à mort. Mais loin d’être pessimiste, le conférencier s’appuie sur un film réalisé par un Italien et intitulé La vie est belle pour dire que malgré le sombre tableau, “ les parents doivent apprendre aux enfants à garder la tête haute, rester du côté de l’espoir. ”
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