Messieurs les coprésidents,
Majestés, Excellences Mesdames et
Messieurs les Chefs d'Etat et de Gouvernement,
Mesdames, Messieurs !
Qu'il me soit d'abord permis de me féliciter de voir le Gabon, pays frère et ami, et la Suède dont la générosité à l'égard du Tiers-Monde est bien connue, co-présider cet important Sommet. C'est pour moi le symbole de la solidarité nécessaire entre le Nord industrialisé et le Sud en développement, solidarité qui est, à mes yeux, une dimension essentielle du monde de demain.
Permettez-moi également d'avoir une pensée émue pour toutes les victimes du cyclone KATRINA qui a frappé récemment, sans discrimination et sans discernement et, avec une rare violence la Côte du Golfe d'Amérique. Je réitère, du haut de cette tribune, au Peuple Américain éprouvé et ses dirigeants, l’expression de la compassion et de la solidarité du Peuple Camerounais.
Le soixantième anniversaire de l'ONU que nous célébrons aujourd'hui, nous donne l'occasion de faire un bilan de la Déclaration du Millénaire que nous avons adoptée ici même il y a cinq ans, Déclaration qui avait en son temps soulevé un immense espoir.
A cet égard, les objectifs que nous nous étions alors fixés restent valables. II est en effet de l'intérêt de tous, riches ou pauvres, de faire régresser la pauvreté et les pandémies, de remédier aux atteintes à la démocratie et aux droits de l'homme qui font souvent le lit des guerres civiles et parfois du terrorisme.
Pour leur part, les pays du Sud - dont le mien - ont, sans attendre, mis en couvre des mesures courageuses pour consolider leur système démocratique et l'Etat de droit, pour améliorer la gouvernance et en particulier lutter contre la corruption, et pour rétablir leurs finances publiques, mesures dont le coût social a parfois été élevé.
Des résultats tangibles ont été obtenus. En ce qui concerne le Cameroun, ces efforts seront poursuivis.
De leur côté, nos partenaires au développement, le G8, l' Union Européenne et différents pays amis ont pris des mesures récentes concernant la dette et l'aide publique au développement. Je les en remercie sincèrement. Il convient de saluer cette démonstration de volonté politique qui va dans le sens de la solidarité dont j'ai souligné plus haut la nécessité.
Néanmoins, ces mesures restent partielles, en particulier celles qui touchent à l' annulation de la dette multilatérale de 18 pays dont 14 africains. Il faudra, à mon sens, aller plus vite et plus loin si l'on veut que les objectifs de la Déclaration du Millénaire soient atteints dans des délais raisonnables. Ce serait une juste récompense faite à des peuples qui, pendant de longues années, ont consenti des efforts voire des sacrifices, pour se prendre en charge, accéder à la modernité et être des artisans à part entière de leur développement et de leur progrès.
J'en appelle donc à la compréhension des institutions financières internationales et des pays créanciers pour qu'il soit procédé le plus vite possible à l'annulation générale de la dette multilatérale et bilatérale qui
asphyxie nos économies.
Dans le même ordre d'idées, il conviendrait d'accélérer le rythme des négociations commerciales du cycle de Doha afin que les pays du Sud, et notamment d'Afrique sub-saharienne, puissent enfin jouer un rôle significatif dans le commerce mondial. Il va de soi que les intérêts de nos pays qui souffrent déjà de l'inégalité des termes de l'échange devront être mieux pris en compte.
Un geste fort est également attendu de nos partenaires s'agissant du démantèlement des subventions agricoles, spécialement en faveur du coton d'Afrique qui est une source majeure de revenus pour des millions de nos paysans.
De la même manière, certaines de nos productions qui ne sont pas encore en situation d'affronter la concurrence internationale, la banane notamment, devraient conserver un certain temps un régime particulier. De façon générale, il serait souhaitable que le Nord ouvre davantage ses marchés à nos produits pour nous permettre de mieux nous insérer dans une économie mondialisée.
Par ailleurs, je voudrais rappeler que le Cameroun et les autres pays du Bassin du Congo qui est la deuxième réserve forestière mondiale, ont adopté des politiques de gestion qui préservent durablement l'environnement et l'écosystème. Nos pays sont heureux de contribuer ainsi à l'amélioration de la qualité de la vie sur notre planète. Mais il serait, me semble-t-il, équitable que la perte considérable de revenus qu'ils ont consentie reçoive une juste compensation.
Excellences, Mesdames, Messieurs !
Je voudrais maintenant, avant de conclure, dire quelques mots du problème complexe de la réforme de notre Organisation. Ceci me donne l'occasion de féliciter le Ministre Jean PING, Président de la 59eme Session de l'Assemblée Générale, pour la manière remarquable dont il a mené les consultations sur cette question particulièrement délicate. C'est aussi pour moi l'occasion d'exprimer mon appréciation au Secrétaire Général des Nations Unies, M. Kofi ANNAN pour la qualité et la densité des rapports qu'il nous a soumis.
S'agissant d'abord de la réforme du Conseil de Sécurité, nous savions que les discussions seraient difficiles. Personne ne conteste que la composition du Conseil de Sécurité doit refléter la configuration du monde d'aujourd'hui et qu'il est nécessaire de perfectionner ses méthodes de travail. Mais, force est de constater que les positions des uns et des autres restent encore assez éloignées. Le Cameroun, pour sa part, demeure solidaire de la position de l'Union Africaine.
Il va de soi que, quelle que soit la solution retenue, les pays qui aspirent à la qualité de membre permanent du Conseil de Sécurité devront avoir manifesté une ferme adhésion aux principes et aux décisions des Nations Unies et des organes qui en dépendent.
Le Cameroun considère également que la réforme envisagée devra garantir un juste équilibre entre les différents organes de l'ONU. Dans cet esprit, la revitalisation de l'Assemblée Générale et le renforcement du Conseil Economique et Social doivent être vus comme des priorités.
Il me paraît également que la Cour Internationale de Justice devrait occuper une place centrale dans le dispositif institutionnel de notre Organisation. Je suis en effet convaincu que le règlement des différends ou des conflits par le droit demeure le plus sûr moyen de garantir la paix et la sécurité internationales.
De toute évidence, la mise en oeuvre de la réforme envisagée nécessitera beaucoup de patience et d'esprit de compromis. C'est le lieu, me semble-t-il, de citer ce penseur contemporain (Jean Jaurès) qui estimait que «l'histoire enseigne aux hommes la difficulté des grandes tâches et la lenteur des accomplissements, mais elle justifie l'invincible espoir (fin de citation)».
Je veux croire que tous ceux qui placent leur confiance et leurs espoirs dans les Nations Unies – le Cameroun en fait partie – et qui sont guidés par un idéal de solidarité et de justice, auront à coeur que la réforme aboutisse dans des délais acceptables.
Je vous remercie de votre attention !
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