Aujourd’hui encore, à chaque fois qu’un accident de la circulation sur l’axe routier Douala – Yaoundé endeuille quelque famille, la question revient sur plusieurs lèvres : était-ce judicieux de construire une route ordinaire entre les deux métropoles du pays, au lieu de lancer une autoroute comme on en voit dans certains Etats modernes? Et souvent, cette question appelle quelques discussions. Qui finissent régulièrement par une "information" que certains tiennent pour vérité d’évangile : "Au départ du projet de création de la route entre Douala et Yaoundé, disent en substance ceux-là, il était question d’une autoroute. Le projet a fait l’objet de détournements de fonds, ce qui a réduit son exécution à cette route à une voie qui tue tant", déclarent-ils avec conviction. Dans un pays où la rumeur est reine, une telle opinion est plus que répandue.
Est-ce la vérité, pour autant ? Il n’est pas aisé de répondre par la négative, lorsque certains évoquent, pour appuyer leurs allégations, des déclarations qu’on attribue à feu Samuel Eboua, secrétaire général de la présidence de la République à l’époque où l’idée de construire la route fut arrêtée. Ce dernier, dit-on, avait déclaré au début des années 90 à Actualités Hebdo, émission d’entretien de la Crtv, que l’option prise par le président Ahidjo pour relier Douala et Yaoundé était d’ériger une autoroute… Difficile d’interroger Samuel Eboua sur la question, aujourd’hui qu’il est disparu.
Un élément met cependant en déroute cette opinion répandue. Il s’agit du témoignage de Thomas Dakayi Kamga, ministre de l’Equipement entre 1980 et 1985 (de A. Ahidjo puis de P. Biya), qui eut la charge de gérer le chantier. Voici ce qu’il déclara à nos confrères de Africa International, en mars 2003, à la suite de l’accident d’Ebombé : "Il y avait eu des débats houleux, aussi bien au sein du gouvernement qu’avec les partenaires étrangers, sur l’opportunité même de construire une route entre Yaoundé et Douala. Beaucoup de gens estimaient qu’un tel projet ouvrait une concurrence directe avec le chemin de fer et menaçait ainsi l’équilibre financier, voire la survie de l’ex-Régie nationale des chemins de fer […].
Donc, ce fut déjà une victoire que d’obtenir l’accord des diverses parties pour le bitumage de cette route. C’est à ce moment-là que certains responsables ont demandé si l’on ne pouvait pas construire directement une autoroute. Mais le projet parut prématuré pour des raisons financières et techniques […]. Il ne fut même pas possible d’obtenir, à défaut d’une autoroute, une route à double voie."
Et cet ancien ministre se veut plus clair encore : le président Ahidjo faisait partie, dit-il, de ceux qui redoutaient la concurrence que la route allait faire au chemin de fer…
Source : Mutations
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