Située en bordure de route, juste en face de l'entrée principale de l'Université de Douala, une plaque publicitaire sous forme d'un grand tableau noir porte l'écriteau " Téléphonez à l'étranger ". Vers le bas du tableau, une flèche indique le couloir à emprunter. Le chemin conduit dans la salle de " Oxygène Express ", où est installé un dispositif pour des appels à l'étranger via Internet. En cette matinée de la fin juin, et malgré la pluie battante, plusieurs personnes semblent s'être données rendez-vous à cet endroit. Francis Ngangoum, le gérant de la boîte, se frotte les mains car comme d'habitude, à cette période de l'année, les clients se bousculent. "Les gens, surtout des étudiants, appellent beaucoup à l'étranger pour accélérer le processus d'inscription dans les universités", explique-t-il. A peine a-t-il fini ses explications qu'une cliente se présente. Elle s'adresse à Francis : " Je voudrais appeler au Gabon, mais je ne sais pas combien cela va me coûter". Et lui d'expliquer qu'il faudra débourser 255 Fcfa pour chaque minute d'appel. Quelques minutes plus tard, la demoiselle paie sa facture et s'en va, l'air satisfaite.
Une douzaine de kilomètres plus loin, à Akwa, le centre commercial de la capitale économique du Cameroun, l'activité est fort connue. Ici, des dizaines de cabines téléphoniques situées pour la plupart dans des cybercafés, permettent aux Camerounais de communiquer avec l'extérieur tous les jours. L'affluence y est grande. C'est que les prix pratiqués sont bas et la méthode ne manque pas d'efficacité. " Les Camerounais ont adopté le Net Phone ", affirme Claire Kede, la gérante de l'un de ces cybercafés. "Ce sont surtout le coût des appels et la rapidité de la méthode qui ont favorisé l'essor du Net Phone", précise-t-elle.
Le processus du Net Phone
Le Net Phone s'est d'abord implanté à Yaoundé et à Douala, les deux grandes métropoles du pays, puis progressivement dans les autres provinces. " Au début, ça coûtait très cher. La tarification allait de 600 à 1000, voire 1500 francs CFA la minute ", témoigne Hervé Ndongo, un utilisateur du Net Phone à Yaoundé. Aujourd'hui, les prix ont baissé de manière considérable. La téléphonie via l'Internet s'est développée au rythme de l'implantation des Ntic dans le pays. Ce business du IIIème millénaire doit sa réussite à la vulgarisation de l'outil informatique et à l'ingéniosité de certaines personnes. Le circuit de communication utilisé pour effectuer un appel à l'étranger est complexe, mais la technique assez simple. Claire Kede explique :
"Il faut d'abord avoir un ordinateur complet qui soit connecté sur le réseau Internet." Cet ordinateur doit être relié à un poste de téléphone à partir duquel on compose le numéro de son correspondant. Mais en plus, ces deux équipements doivent avoir une interconnexion avec le câble réseau qui alimente la communication. Celle-ci se fait ensuite grâce à une liaison par satellite. Parfait Ndongmo, technicien des télécommunications et propriétaire d'une cabine téléphonique au quartier Mvog Mbi à Yaoundé, connaît assez bien le processus : "Le client compose le numéro, celui-ci est relayé par l'ordinateur qui fait transiter l'appel via le réseau Internet. Un 2e relais est ensuite effectué à travers le satellite qui renvoie l'appel vers le réseau interne du pays où se trouve le correspondant". Quelques secondes plus tard, on peut alors entendre la sonnerie à l'autre bout du fil, quelle que soit la distance.
Mais cela n'a pas toujours été ainsi dès le début. " On achetait des crédits de communication sur le Net que l'on revendait aux gens qui voulaient appeler ", témoigne Francis Ngangoum, le gérant d'Oxygène Express. Seul problème : la communication n'était pas toujours de bonne qualité. Il a donc fallu passer par des fournisseurs d'accès Internet dont les services incluent la téléphonie. Non seulement ils font du Net Phone, mais en plus ils vendent des crédits de communication aux propriétaires des cabines téléphoniques. Grâce à un système automatique de comptabilisation du temps, le provider (fournisseur d'accès) est à mesure d'évaluer le coût total de l'appel. Le temps est généralement prépayé par les propriétaires des cabines. Ce qui leur cause parfois des désagréments. " Il peut y avoir une rupture de connexion dont les fournisseurs peuvent ne pas tenir compte ", relève Parfait Ndogmo. Autre difficulté dans cette activité et non des moindres, des clients revanchards qui refusent de payer la facture après l'appel.
Des appels bon marché
Pourtant, comme le souligne Hermann Azonfack, un gérant de cybercafé à Akwa à Douala, "les prix sont aujourd'hui à la portée de tout le monde. " De manière générale, les appels vers les pays les plus développés sont très bon prix. Pour appeler la France par exemple, on débourse 100 Fcfa par minute pour un appel sur le fixe et 200 Fcfa s'il s'agit d'un numéro de téléphone portable. Le contraste au niveau de la tarification est assez évident : un appel à destination de Libreville au Gabon situé à quelques centaines de kilomètres de Douala, coûte environ 250 Fcfa la minute contre seulement 150 Fcfa par minute pour le Canada ou les Etats-Unis, deux pays situés à plus d'une dizaine de milliers de kilomètres.
Mais pour mieux comprendre, il faudrait prendre en considération une chose : "Lorsque le fournisseur de la connexion est par exemple français, l'appel transite par la France avant d'être acheminé vers le Gabon ou un autre pays plus proche ", explique Francis Ngangoum. Les tarifs du Net Phone sont conçus en fonction des relais satellitaires par lesquels passe l'appel avant d'arriver à destination. Raison pour laquelle les appels pour l'Océanie ou l'Asie depuis l'Afrique sont facturés à des prix très élevés, atteignant parfois 500 Fcfa la minute. Cela est loin de freiner l'élan des Camerounais, de plus en plus attirés par la téléphonie sur Internet.
Source : Le Messager
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