"Des policiers violaient les filles et tapaient violemment sur les hommes", raconte-t-elle à un journaliste de l'AFP, affirmant que des prisonniers sont morts et persuadée elle-même d'avoir échappé au pire.
Selon les témoignages concordants de plusieurs Camerounais expulsés, la puanteur dégagée par les cadavres dans certaines cellules était devenue intenable.
A leur arrivée à Limbé (320 km à l'ouest de Yaoundé), des blessés ont été pris en charge par la Croix Rouge et les médecins locaux.
Après cinq ans passés à Malabo, Caroline Manoh est revenue jeudi au Cameroun sur une embarcation dangereusement surchargée, avec pour seul bien la chemise de nuit qu'elle portait le soir de son interpellation par la police équato-guinéenne. "Ils m'ont tout pris", dit-elle.
La Guinée Equatoriale a lancé le 6 mars une vaste opération de "contrôle des clandestins" et procédé à des arrestations en masse d'étrangers d'origine africaine.
Jeudi, quelque 300 Camerounais expulsés, vêtus pour certains d'un simple caleçon, étaient arrivés à Limbé entassés à bord de deux pirogues prévues chacune pour 50 passagers. Deux-cents environ séjournent encore dans cette ville côtière. Tous font état d'exactions généralisées de la part des forces de l'ordre équato-guinéennes.
Moïse Bessongo, un commerçant camerounais installé à Malabo depuis plusieurs années et dont les papiers, dit-il, étaient en règle, a le souffle court lorsqu'il raconte son expulsion.
"Les policiers m'ont interpellé un soir autour de minuit alors que je rentrais chez moi. Ils m'ont dépouillé de mes papiers d'identité et d'une somme de 150.000 francs CFA (230 euros environ)", raconte M. Bessongo.
Son passeport, sa carte de séjour, sa carte d'identité camerounaise et même ses diplômes ont été déchirés par les policiers, précise-t-il.
"Lorsque nous sommes arrivés à mon domicile, trois d'entre eux m'ont mis les menottes tandis que les quatre autres pillaient mon domicile. Ils m'ont gardé en cellule pendant trois jours avant notre rapatriement mercredi dans la nuit", poursuit-il.
Hans Ebot, originaire de Mamfé, dans la province camerounaise du Sud-Ouest, donnait des cours privés à Malabo depuis un peu plus d'un an, mais n'avait pas encore régularisé sa situation.
Les forces de l'ordre ont perquisitionné son domicile et mis la main sur ses économies, "qui dépassaient plusieurs millions de francs CFA". "Lorsque j'ai voulu regimber, ils m'ont fait savoir que je n'avais rien lorsque j'étais arrivé à Malabo et que l'argent et tous mes biens leur appartenait", raconte-t-il.
D'autres qui, à l'instar de Rodrigue Boda, informaticien, s'étaient associés à des Equato-guinéens ont vu leur partenaires récupérer totalement leur affaire.
Neuf Ghanéens (bien neuf), sauvés d'un naufrage au large de Limbé samedi matin par la marine camerounaise, disent avoir subi des exactions de même nature.
Contrairement aux Camerounais, ils ont voulu rejoindre eux-mêmes le Ghana, sur une embarcation de fortune, mais leur pirogue a chaviré dans la nuit de vendredi à samedi.
"Nous pouvons rendre grâce à Dieu parce que, sortis de l'enfer équato-guinéen, nous nous étions retrouvés dans un autre enfer sur les eaux", explique l'un d'eux.
Samedi, le préfet du port de Limbé avait annoncé l'arrivée à Douala d'un autre groupe de 300 Camerounais expulsés de Guinée Equatoriale, dont on était toujours sans nouvelles dimanche dans la capitale économique du Cameroun.
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