Le continent africain veut parler d’une seule voix dans le débat sur la réforme de l’Organisation des Nations unies (Onu). C’est du moins ce qu’ont affirmé les chefs d’Etat et de gouvernement – une quarantaine -, qui ont pris part du 4 au 5 juillet à un sommet extraordinaire de l’Union africaine (Ua) dans la cité balnéaire de Syrte, en Libye. L’Ua a profité de ce sommet pour appeler au “ renforcement du leadership de l'Assemblée générale des Nations unies pour lui permettre de jouer pleinement son rôle en tant qu'organe le plus représentatif et démocratique du système des Nations unies et de parlement du monde ”. Le continent noir plaide aussi pour “ le renforcement du secrétariat dans le sens d'une plus grande efficacité et d'une représentation accrue de l'Afrique ”.
On s’attendait à un sommet houleux en sol libyen, au vu des rivalités que suscite sur le continent l’élargissement du Conseil de sécurité de l’Onu. Huit pays sont ouvertement candidats aux deux sièges de membres permanents qui sont promis à l’Afrique dans le meilleur des cas : les trois poids lourds que sont l’Afrique du Sud, l’Egypte et le Nigeria, mais aussi l’Angola, la Libye, le Kenya, la Gambie et le Sénégal qui se veut le candidat des pays francophones d’Afrique. Mais à Syrte, l’Ua a su éviter de mettre la charrue avant les bœufs. La désignation des pays appelés à siéger au Conseil de sécurité se fera plus tard. Pour l’heure, l’Union va se battre afin d’obtenir “ l'attribution à l'Afrique de deux sièges de membres permanents avec tous les privilèges y compris le droit de veto et de cinq sièges de membres non permanents au Conseil de sécurité ”, ainsi que le sommet de Syrte l’a décidé à l’unanimité des participants. Une résolution devrait d’ailleurs prochainement être présentée dans ce sens aux Nations unies.
Avec le G4
L'Afrique dispose actuellement de trois sièges non permanents tournants, sur un Conseil de 15 membres. Elle souhaite avoir plus de place et de pouvoir au sein de ce conseil : 2 sièges permanents avec droit de veto et 5 sièges non permanents. L’Union africaine reste donc constante et ferme sur cette revendication commune qui avait été formulée le 22 février dernier à Ezulwini, au Swaziland, par les ministres des Affaires étrangères de 15 pays africains, puis adoptée à l'unanimité début mars par les 53 Etats membres de l'Union. La réforme proposée par le secrétaire général de l’Onu, suggère un Conseil de sécurité à 24 membres, laissant le soin aux Etats d’indiquer les détails de l’élargissement : combien de permanents ? Avec ou sans droit de veto ?
Beaucoup se seraient attendus à ce que l’Ua soit séduite par la proposition du groupe "Unis pour le Consensus", mené par l'Italie et le Pakistan, qui a l’avantage de ne pas susciter de rivalités entre Africains, puisqu’il prévoit seulement l'accroissement du nombre de sièges non - permanents avec une rotation. Mais, l’Afrique a manifestement choisi d’épouser la proposition des pays du G4 (Allemagne, Japon, Inde, Brésil) qui proposent l’élargissement du Conseil de sécurité à 25 membres, soit 10 nouveaux membres dont 6 permanents et 4 non permanents. Les 6 permanents étant les pays du G4 et deux Etats africains. A la seule différence que les pays africains exigent le droit de veto pour leurs sièges permanents, un droit auquel les pays du G4 ont accepté de renoncer pour rendre acceptables leurs candidatures qui sont combattues par de vieilles jalousies régionales et des intérêts nationaux de l’Italie, de la chine, du Pakistan et du Mexique notamment.
Contre les Etats-Unis
En formulant ainsi fermement leur exigence de deux sièges permanents et surtout d’attribution du droit de veto, les Africains se heurtent de front à la position des Etats-Unis. Washington propose en effet de porter le Conseil de sécurité à 20 membres, dont 2 nouveaux permanents et 3 non-permanents. Les Etats-Unis énoncent une série de critères stricts pour apprécier la capacité d'un pays à accéder à un Conseil de sécurité élargi, comprenant une certaine capacité militaire, un poids économique et un engagement en faveur des droits de l'homme et contre le terrorisme. Dans ce sens, Washington soutient chaudement la candidature du Japon pour accéder au statut de membre permanent, ainsi qu’un pays en développement qui, vu les critères édictés, pourrait difficilement être un pays africain. Dans tous les cas les Américains ne sont pas prêts à accepter que les nouveaux membres permanents soient dotés du droit de veto exercé par les 5 anciens membres (Etats-Unis, Russie, Grande-Bretagne, Chine, France).
En exigeant le maximum (droit de veto), l’Afrique vise peut-être le minimum dont elle se contenterait bien : deux sièges de permanents et cinq sièges de non permanents. Consolidé par son alliance avec le G4, le continent noir semble pour une fois avoir pris la pleine mesure de son importance et de sa force au sein de l’Onu. C’est elle qui va arbitrer la partie entre les grandes puissances rivales, autour de l’élargissement du Conseil de sécurité. Si les différentes propositions formulées par le G4, le Groupe ‘’Unis pour le consensus’’ et les Etats-Unis devaient être départagées par un vote, il serait difficile de l’emporter sans le soutien de l’Afrique. Chaque camp aurait en effet besoin d’une majorité de deux tiers, soit 128 voix sur 191, pour imposer sa proposition. Or, avec 54 voix, l'Afrique représente près de la moitié de cette majorité requise.
C’est dire de quel poids l’Afrique pèse à l’Onu si elle reste unie. Les chefs d’Etat réunis à Syrte ont réaffirmé leur “ ferme détermination à faire triompher, dans l'unité et la solidarité, notre position commune afin que l'Afrique puisse choisir ses représentants au Conseil de sécurité pour agir en son nom et pour son compte ”.
Source: Le messager
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