Un caporal camerounais tué à Bakassi
Il s'est soldé, d'après Radio France internationale (Rfi), par le décès d'un caporal de l'armée camerounaise, dans la nuit de vendredi à samedi dernier. Tandis qu'un adjudant des mêmes forces, a été blessé et évacué à Douala où il a été admis dans un hôpital à la suite des tirs d'obus effectués sur un poste de sécurité camerounais, par les militaires nigérians.
A Abuja, après l'incident, les autorités ont choisi de ne pas faire de commentaires sur les raisons de cette attaque dont ces deux soldats sont les premières victimes humaines. La reprise des tirs nigérians ont en effet été enregistrés le 5 juin dernier. Jusqu'alors, les forces armées nigérianes n'avaient occasionné dans le camp camerounais que des dégâts matériels, rapporte Rfi. Mais avant ce regain de tension meurtrier dans la péninsule de Bakassi, le Nigeria a particulièrement traîné les pieds ces derniers temps pour finalement refuser de retirer ses troupes qui y séjournent depuis 1993, malgré le prononcé de l'arrêt de la Cour internationale de justice d'octobre 2002 qui reconnaissait au Cameroun, la souveraineté sur Bakassi.
Ce verdict survient après 8 ans de procédure qui concrétisaient la volonté du Cameroun de régler pacifiquement ce différend, n'a pas empêché le Nigéria de garder ses troupes sur place, et de ne pas se montrer pressé dans les négociations qui encadrent les opérations de retrait entamées dans la partie nord du millier de kilomètres qui sert de frontière aux deux pays. Ainsi, le 15 juin dernier, la reprise des travaux de la Commission mixte Cameroun -Nigeria pour la mise en oeuvre de l'arrêt de la Cour internationale de justice sur l'affaire de la frontière terrestre et maritime, n'avait pas pu se faire.
Responsabilités
Ahmedou Ould Abadallah, le président de la Commission et représentant spécial en Afrique centrale du secrétaire général des Nations unies, qui avait annoncé la tenue de cette réunion, serait, d'après l'agence de presse Chine nouvelle, "en contact avec les délégations camerounaise et nigériane pour trouver une date susceptible de rallier toutes les parties". Pour ce faire, le diplomate de l'Onu aurait eu besoin d'un délai de deux semaines pour préparer le prochain rendez-vous, que la même source situe "probablement à la fin du mois de juin". Hier, sur Rfi, au sujet des incidents de la semaine dernière, ce diplomate a indiqué qu’il fallait calmement établir les responsabilités, sans rien exagérer.
Le premier rendez-vous avait pourtant été arrêté à la suite de la quatrième rencontre tripartite du 11 mai dernier à Genève, entre Olusegun Obasanjo, le président du Nigeria, Kofi Annan, le SG de l'Onu et Paul Biya. Pour rattraper le retard pris dans le processus de restitution de Bakassi au Cameroun, qui aurait dû s'achever le 15 septembre 2004, les deux chefs d'Etat avaient même, à travers le communiqué final de la rencontre, marqué leur engagement à remettre sur les rails les travaux de la Commission.
La guerre latente
" En ce qui concerne la région du lac Tchad, le Cameroun expose qu’au cours des dernières décennies, des pêcheurs nigérians se sont progressivement installés en territoire camerounais au fur et à mesure de l’assèchement du lac. Selon le Cameroun, l’armée nigériane aurait, à partir du milieu des années quatre-vingt, violé à diverses reprises le territoire camerounais sur lequel ces pêcheurs s’étaient établis. A ces incidents aurait succédé une véritable invasion à partir de 1987 et, au total, en 1994, dix-huit villages et six îles auraient été occupés par le Nigéria et le seraient encore.
Pour ce qui est de Bakassi, le Cameroun expose qu’avant 1993, l’armée nigériane s’était à plusieurs reprises infiltrée temporairement dans la presqu’île et avait même tenté en 1990 d’établir une "tête de pont" à Jabane. Toutefois, à cette époque, le Nigéria n’aurait disposé d’aucune présence militaire à Bakassi. A l’inverse, le Cameroun avait établi à Idabato une sous-préfecture avec tous les services administratifs, militaires et de maintien de l’ordre qui y sont attachés.
Puis, en décembre 1993, les forces armées nigérianes auraient lancé une attaque sur la presqu’île dans le cadre d’une invasion soigneusement et délibérément planifiée. Le Nigeria aurait ensuite maintenu et élargi son occupation, établissant une seconde tête de pont à Diamond en juillet 1994. En février 1996, suite à une attaque des troupes nigérianes, le poste camerounais d’Idabato serait tombé aux mains du Nigéria. Des postes camerounais situés à Uzama et à Kombo a Janea auraient ultérieurement subi le même sort. Ces territoires camerounais seraient encore occupés.
(…)Le Nigéria expose, quant à lui, qu’il exerçait une possession paisible du secteur du lac Tchad et de la région de Bakassi, non seulement au moment des prétendues invasions, mais depuis l’indépendance. Ses déploiements de forces auraient eu pour objet de régler des questions d’ordre intérieur et de réagir à une campagne d’empiétements systématiques du Cameroun sur le territoire nigérian. Le Nigéria aurait agi en état de légitime défense. Aussi bien, même si la Cour estimait que ces zones relevaient de la souveraineté du Cameroun, la présence nigériane y était-elle la conséquence d’une "erreur raisonnable" et d’une "croyance sincère". De ce fait, le Nigeria ne pourrait être tenu pour internationalement responsable d’un comportement qu’il avait tout lieu, au moment où il l’avait adopté, d’estimer licite.
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