Il ne se passe plus un seul jour sans mort de présumés malfrats.
Les habitants de la Cité Sic de Bonamoussadi ont vécu le 27 mai dernier un spectacle odieux. Aux premières heures du matin, deux individus non identifiés gisaient, nus comme des lombrics sur le macadam, entre la vie et la mort. Ils mettaient leurs dernières forces à cacher leurs “ pendantifs ”. Deux gendarmes, un au volant d’une camionnette à l’arrêt et l’autre adossé sur le véhicule, veillaient au grain sur les derniers instants des deux présumés voleurs battus à mort par une foule en furie.
Selon un conducteur de moto-taxi témoin de la scène, “ ce matin, nous étions au carrefour maçon lorsqu’un homme à bord d’un taxi qui roulait à vive allure nous a fait signe de la main. Subitement nous avons interprété son geste comme un signe de détresse. Aussitôt de nombreux conducteurs se sont lancés à la poursuite du taxi, en alertant au maximum les riverains. Les secours ont donné courage à l’agressé qui s’est saisi du volant, obligeant le conducteur à braquer à droite. Le moteur de la voiture s’est arrêté. Constatant que nous venions en force, les malfrats, complices du conducteur, assis à l’arrière du véhicule ont tenté de s’enfuir dans la broussaille. L’agressé lui aussi est sorti de la voiture pour s’agripper sur un des gangsters. Nous sommes venus à la rescousse et avons pu les maîtriser. Mais le conducteur a réussi à prendre la clef des champs avec la somme de 75.000 frs Cfa et les deux portables arrachés à leur victime ”.
Transportés à l’hôpital Laquintinie, les deux présumés malfrats à l’article de la mort ont été abandonnés derrière le service des urgences. L’un, dont la tête a été fracassée à l’aide d’un vieux moteur de voiture va succomber à ses blessures, laissant son compagnon à l’agonie.
Ce même jour au lieu dit “ carrefour Ccc ”, non loin de Ndokotti, un autre malfrat qui tentait de dévaliser une maison n’a pas eu de chance. Il a été pris à partie par les riverains, lynché et brûlé. Samedi, du côté de Ndogbong, un autre malfrat est passé de vie à trépas, entre les mains des populations décidées à nettoyer la ville de ces hors-la-loi. “ C’est merveilleux de voir brûler un malfrat. Si chaque jour on pouvait en tuer, je parie que rentrer chez soi à toute heure de la nuit dans cette ville sera possible ”, jubile une jeune dame.
Un cortège funèbre perturbé par un conducteur de moto-taxi. Une bagarre rangée s’ensuivra. Bilan : plusieurs motos brûlées et des blessés.
Le dernier week-end aura été particulièrement chaud à Douala. Un cortège funèbre conduisant au cimetière de Deïdo le nommé Embola Frédéric est perturbé par un moto-taximan qui, très pressé comme ils en ont l’habitude, n’a pas trouvé mieux que de se frayer un passage dans les rangs. Il n’en fallait pas plus pour provoquer l’ire de ceux qui constituaient le convoi. Le geste du motocycliste étant interprété comme une provocation. Il sera grièvement blessé et conduit à l’hôpital.
Informés, nombre de ses collègues se rendent au cimetière pour tenter d’empêcher l’inhumation du mort. Il aura fallu l’intervention des éléments du commissariat de police du 9e arrondissement pour que Frédéric Embola soit enfin enterré. Mais ce ne sera que partie remise puisque les benskineurs se constituent aussitôt en bandes pour une expédition punitive au domicile du défunt au lieu dit Rue Kotto, au cœur du canton Deïdo. Les habitants ne s’en laissent pas conter. Ils organisent la riposte. Plus de 10 motos sont rattrapées et brûlées. Il aura fallu l’intervention rapide de la police dont les éléments du Gmi conduit par Joël-Emile Mbang pour mettre fin à cette bataille rangée aux allures d’un western.
Sur le qui-vive
Mais la nuit de samedi à dimanche ne sera pas de tout repos pour les habitants de la rue Kotto, les benskineurs et les policiers. Selon des témoignages recueillis sur les lieux, autour de deux heures du matin, des benskineurs se sont rendus au cimetière de Deïdo dont ils ont endommagé le portail, profané quelques tombes, et menacé d’exhumer le corps par lequel le litige est arrivé. Mais ils n’iront pas jusqu’au bout de cette macabre besogne. Il n’en demeure pas moins que des informations circulent selon lesquelles ils seraient en train de préparer une nouvelle offensive. Ce qui met les autorités administratives et traditionnelles de Douala 1er ainsi que les forces de l’ordre sur le qui-vive.
La menace des benskineurs est prise très au sérieux par les autorités qui se souviennent de la folle journée du 9 juillet 2003. Ce jour-là, à la suite d’une rumeur selon laquelle un des leurs aurait été tué par un policier, les benskineurs installent un blocus sur le pont du Wouri et prennent pratiquement la ville en otage. Depuis, à chaque moindre accident où un des leurs se trouve auteur ou victime, le scénario du 9 juillet se remet rapidement en place. Sans compter que la moto est devenue l’engin de prédilection des braqueurs et des voleurs à la tire. Pire, ces jeunes gens dont la plupart n’ont aucune notion du code Rousseau multiplient des désagréments et des rixes à Douala.
Dans la même journée du 28 mai, vers 16 heures à Kotto (camp Sic) une jeune femme sur une moto s’est retrouvée sous un camion de sable que son benskineur tentait de doubler. Au lieu de porter secours à sa cliente, le conducteur de la moto a enfourché son engin et a disparu dans la nature.
Jusqu’à hier soir, la tension était encore vive à Deido. Dans certains cercles, on craint une tribalisation de cet incident. Avec des conséquences difficiles à prévoir.
Source : Le Messager
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