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Yves Michel Fotso parle enfin !
(12/09/2008)
Depuis son éjection de la Camair en 2003 et singulièrement depuis quatre mois, son nom est abondamment cité dans la presse comme une potentielle proie de l’Epervier, du nom de cette opération d’assainissement des mœurs publiques.
Par Pius Njawé
Yves-Michel Fotso parle enfin de toutes les affaires dans lesquelles il est impliqué au Cameroun
Yves-Michel Fotso parle enfin de toutes les affaires dans lesquelles il est impliqué au Cameroun
Ces dernières semaines, on le disait même au bout du rouleau, réfugié au village natal sous la protection paternelle. Sur la sellette, Yves Michel Fotso l’est assurément. Blanchiment d’agent, détournement de deniers publics, tout y est passé. Après avoir longtemps résisté à la tentation de tout déballer, de peur de donner l’impression de vouloir régler des comptes, Yves Michel Fotso a enfin accepté d’accorder cette interview au Messager. Pour, au-delà de répondre aux attaques dont il est victime, donner sa version des faits. Dire ce qu’il pense des différentes affaires qu’on lui impute. Dans un entretien fleuve dont nous vous proposons ici la première partie (la seconde sera publiée dans notre édition de lundi prochain), il aborde particulièrement les aspects liés à la gestion de la Camair et ses contours, notamment le sort réservé au Boeing 747 Combi, l’affaire BBJ, ses relations avec Gia International…



Quel est l’état d’esprit de Monsieur FOTSO aujourd’hui, au moment où une partie de l’opinion publique le donne pour prisonnier potentiel en ceci que votre arrestation serait imminente aux dires d’une certaine rumeur. Comment vous sentez-vous ?

Je suis serein, comme du reste vous pouvez le constater. Quant à ce qui concerne la rumeur, si elle pouvait tuer je serai déjà un homme mort. Dieu merci la justice populaire n’a pas droit de cité dans un Etat de droit, et la justice, la vraie, fait fi de la rumeur.

Vous êtes plus régulier, semble t-il, dans votre résidence de Bandjoun ces derniers temps. Certaines de nos sources de Douala et Yaoundé disent d’ailleurs que vous avez fui la capitale économique et politique pour aller vous réfugier auprès de votre père afin de retarder le plus possible votre arrestation. Comment appréciez-vous cette compréhension de vos mouvements à l’intérieur du pays ?

Je pense d’abord que ces personnes sont très mal informées. J’ai passé quelque temps au village, à l’Ouest. Mais c’était beaucoup plus pour prendre du recul et préparer les éléments de réponses nécessaires aux enquêteurs. Sachez qu’au cours de ces quatre derniers mois, j’ai produit plus de 25 000 pages de documents fournis aux diverses autorités judiciaires et autres. Le faire nécessite beaucoup de temps et de concentration…
En ce qui concerne ma présence au village, quand j’y suis, je vis chez moi et non chez mon père. Du reste, je ne vois pas la différence si l’on envisageait de m’arrêter que ce soit à mon domicile de Bandjoun qu’à celui de Douala. Je suis convaincu que les autorités savent où me trouver. Comprenez donc que je ne me cache pas.

Il se trouve quand même que votre passeport vous a été retiré depuis quelque temps. Pourquoi à votre avis continue-t-on de le retenir? Est-ce qu’on veut restreindre vos mouvements ? Est-ce que cela ne justifie pas ce que les gens racontent depuis un certain temps sur votre compte ?

Je ne suis pas dans le secret de l’instruction. Mais, il est évident que si on a retiré mon passeport, c’est que les autorités ont estimé que c’était nécessaire pour aider à la manifestation de la vérité. Et si on continue de le retenir, c’est probablement parce qu’elles estiment avoir encore besoin de moi. Et de toute façon quand bien même on le conserverait encore deux mois, trois mois, si cela peut permettre de clarifier une bonne fois pour toutes toutes les interrogations qui demeurent, je suis tout à fait disposé à me soumettre à cela. Aucune tentative de fuite ne m’a effleuré l’esprit.

Certaines mauvaises langues disent que c’est pour vous empêcher d’aller vous installer à Singapour. D’autant que vous avez annoncé votre départ pour ce pays il y’a quelques années. Comment vous retrouvez-vous au Cameron empêtré dans ces procédures ?

Je tiens à préciser que lorsque j’ai annoncé que j’allais m’installer à Singapour, il y’avait déjà des rumeurs qui couraient. Il faut que ce soit clair pour tout le monde que je ne m’enfuis pas. J’avais des raisons purement professionnelles de déplacer ma base opérationnelle à Singapour, qui est l’une des principales, voire la principale place financière au monde aujourd’hui, bien sûr en dehors de New York. Je n’ai jamais dis que j’allais en exil et que je demeurerais désormais à Singapour. Et je pense d’ailleurs avoir averti tous mes collaborateurs que je serais, aussi souvent nécessaire que ce sera, au Cameroun. Non plus seulement au Cameroun, mais dans tous les pays, ne serait-ce que d’Afrique où nous avons nos activités.

A la suite des dénonciations du cabinet Sygma, votre nom est revenu ces derniers temps dans les affaires de blanchiment d’argent et autres crimes économiques. Et vous faites l’objet d‘une commission rogatoire initiée par la justice suisse. D’abord quelles sont vos relations avec ce cabinet et son Directeur Général, un certain Francis Nana ?

Je vais vraiment vous surprendre. Mais, je n’ai rencontré jamais ce monsieur. Je ne le connais ni d’Adam, ni d’Eve. Et je suis vraiment surpris qu’il ait trouvé en moi son cheval de Troie, comme on dit, pour porter des coups et tenter de déstabiliser le Groupe Fotso. Donc, Monsieur Nana est seul à connaître les objectifs qu’il poursuit par cette cabale contre ma personne. Pour ce qui est de la commission rogatoire suisse, il ne faut pas que vos lecteurs pensent qu’il y’a une affaire suisse autre que l’affaire camerounaise me concernant. Il n’y a aucune infraction que j’aurais commise sur le territoire Suisse, bien que le groupe ait des activités dans ce pays. Il s’agit tout simplement de la même histoire des 31 millions de dollars que M. Nana est allé transposer en Suisse. Il s’agit des mêmes surfacturations supposées de location d’avions. C’est d’ailleurs pourquoi la justice suisse a été obligée de revenir à la base des supposés délits commis pour être mieux éclairée. Donc, il n’y a pas d’affaire suisse en tant que telle. C’est une affaire camerounaise. Quant à ce qui concerne le fameux Francis Nana, je tiens à préciser, bien que ce ne soit pas l’objet principal de mon propos, qu’il est inconnu en France en la qualité d’expert comptable et commissaire aux comptes français qu’il revendique si pompeusement. Sur la base d’éléments que je vous fournirais, je puis affirmer qu’il est inconnu dans la profession ainsi que me l’a confirmé le président de la Commission des experts comptables en France qui en a été saisi et nous a remercié de lui avoir signalé qu’il y’aurait un imposteur qui se servait de ces titres.

Quelle est votre compréhension de la démarche de M. Nana qui se serait levé un matin sans vous connaître et se serait cru obligé de vous dénoncer ?

Comme je vous l’ai dit, je ne le connais pas. Et ce n’est pas seulement des juges qu’il aura saisi. Il a également saisi sans mandat aucun les ministres de la justice de France et du Cameroun bien sûr, de Singapour, des Etats-Unis, toutes les chancelleries occidentales basées au Cameroun, la Beac, etc. Est-ce que vous pensez vraiment qu’il s’agisse de l’attitude d’un expert financier au professionnalisme avéré ? Mais, il me semble tout de même que sa démarche révèle une méconnaissance manifeste et particulièrement grave des règles déontologiques et éthiques propres à ce corps de métier ! Je le dis sans risque de me tromper, ce monsieur n’a pas agi comme un expert, mais plutôt comme un exécuteur de basses besognes, allant jusqu’à engager la Camair, toujours sans mandat, dans des procès aux Usa pour lesquels la compagnie a perdu beaucoup d’argent !

S’agissant de ses motivations, au vu de l’acharnement qu’il manifeste à mon encontre, je suis obligé de constater qu’en dehors de l’aspect pécuniaire (il ne faut pas oublier qu’il a envoyé une facture de 4,5 milliards Fcfa à l’Etat camerounais, à la Camair et qu’il menace d’enclencher une procédure pour se faire payer pour le travail qu’il aurait fait), il aurait sans doute cru devenir riche et célèbre grâce à un coup de baguette magique, persuadé d’avoir gagné le jackpot au Cameroun, pays dont il se revendique uniquement lorsqu’il y va de ses intérêts égoïstes, puisqu’il est bien Français ! Je suis désormais convaincu qu’il n’est que la face visible d’un iceberg chargé de la déstabilisation du Groupe Fotso, au-delà de ma bien modeste personne. Des bras beaucoup plus puissants sont sûrement tapis dans l’ombre !

Puisque vous évoquez la Camair, il semble que Monsieur Nana a géré un mandat à la Camair pour des expertises sur votre gestion. Et sur la base de cette affaire de surfacturation, de location des avions de la Camair à la présidence de la République du temps où vous étiez administrateur directeur général, il y a eu une commission rogatoire vous impliquant. De quoi s’agit-il exactement ?

La dernière information que j’ai eue ici à Douala est que la justice a rendu, après deux ans d’instruction, une décision qui annule le mandat qui lui avait été délivré par mon successeur à la tête de la Camair, Monsieur Dakayi Kamga. Un mandat dont l’illégitimité et l’illégalité aurait été constatées par le juge. De source judiciaire, non seulement ce mandat a été annulé, mais la décision de justice rendrait logiquement nul et de nul effet tous les actes posés par M. Nana en rapport avec ledit mandat. S’agissant dudit mandat, quelle expertise avait M. Nana ? Son fameux cabinet Sygma Finance a-t-il eu un seul autre client que la Camair ? Est-ce qu’il a jamais eu à expertiser quoi que ce soit pour le compte de qui que ce soit ? Eh bien, je vous dis non pour avoir mené des investigations sur la question !

Vous savez que le domaine du transport aérien est très complexe. Comment est-ce que quelqu’un qui n’a jamais eu à faire une expertise pour qui que ce soit peut-il s’ériger en expert financier dans l’aéronautique civile ? Je vous fournirai également un document venant de la justice française où il déclare qu’il est impératif qu’on condamne la Camair, qu’il y ait une saisie conservatoire parce que la Camair représente 99,9% de son chiffre d’affaires. Je crois qu’il n’a pas eu le courage de dire 100% !

On a beau ignorer le mandat de M. Nana, mais il reste tout de même qu’il a mené des investigations qui démontreraient votre implication dans la surfacturation, dans des opérations de blanchiment d’argent. J’aimerais que vous donniez votre version des faits. Y a-t-il eu surfacturation ? Y a-t-il eu tentative ou effectivité de blanchiment d’argent ?

M. Nana m’accuse non pas seulement de blanchiment d’argent et de détournement de fonds publics, mais également d’association à une organisation criminelle économique. Vous savez très bien que depuis les évènements du 11 septembre 2001, la chasse à tout ce qui est financement occulte déclenche aussitôt une réaction dans les pays occidentaux. C’est ce qui peut rendre compréhensif le fait que la justice suisse se soit intéressée à cette grave accusation. Pour ce qui est des commissions, on a là encore affaire à un expert qui affirme beaucoup de choses et qui n’apporte aucune preuve de ce qu’il avance. Avez-vous un seul document de M. Nana qui prouve qu’il y a eu surfacturation ? Il affirme que les prix étaient surévalués. Sur quelle base ? Je vous donne un document pour prouver sur la base de la liste de location de la société Uba mondialement reconnue pour sa rigueur dans l’évaluation des coûts des avions. Compte tenu de la situation financière de la Camair et du nombre d’aéronefs - qui n’est pas comparable à celui d’Air France - les prix étaient plutôt bien négociés. Je vous le dis : il n’y a jamais eu de surfacturation.
Je vais plus loin. M. Nana est un expert qui affirme qu’il y a eu des surfacturations. Tout n’est pas d’affirmer ; encore faudrait-il qu’il en donne le montant. De combien de milliards s’agit-il, puisque l’on parle toujours en terme de milliards quand il s’agit de Fotso ? C’est simple. Si j’ai surfacturé auprès d’Ansett ou Gia, qu’on lance une commission rogatoire auprès de ces sociétés. Je vous rappelle que la justice américaine a sorti exactement la situation des comptes Gia. Ce document est disponible et il retrace la totalité de l’utilisation de ces fameux 31 millions de dollars. Je puis vous l’assurer, pas un seul de ces dollars n’est arrivé ni dans mes poches, ni dans celles d’une personne qui aurait été d’une manière ou d’une autre proche de moi. Je mets donc au défi ce « grand expert » qui n’a jamais traité aucun dossier autre que celui de la Camair de le prouver. Je le redis, il ne faut pas qu’affirmer. On devrait pouvoir apporter des preuves.

Qu’est-ce qui d’après vous, aurait poussé votre successeur, que vous connaissez, à mettre pour ainsi dire à vos trousses ce cabinet cité plus haut ? Est-ce qu’il avait des raisons de commettre un cabinet pour suivre votre gestion exclusive ?

Je pense qu’il faut replacer les choses dans leur contexte. A supposer que mon successeur ait eu besoin d’une assistance, le mandat dont on parle stipulait l’assistance à la renégociation et à la sortie des appareils de la flotte. Il n’a jamais été question d’aller chercher à savoir quoi que ce soit, du moins, si l’on s’en tient aux stipulations du contrat telles que libellées. M. Nana s’est arrogé le droit, sous le prétexte fallacieux de l’étendue de son mandat, d’outrepasser ses missions. Quand bien même mon successeur M. Dakayi Kamga aurait eu besoin d’une assistance par un cabinet, il aurait dû aller chercher un cabinet qui a une expertise certaine ! Comment peut-il aller signer de gré à gré un contrat qui porte sur 4,5 milliards Fcfa avec un cabinet qui n’est même pas capable de produire une seule lettre de référence. Est-ce que vous ne trouvez pas qu’il y a quelque part quelque chose d’anormal ; ce d’autant que les procédures internes de la Camair relatives aux marchés ne le permettaient guère ?

L’on s’en tient tout de même à ces dénonciations, à ces audits qu’on dit avoir été effectué par le cabinet Apm qui affirme que vous vous êtes énormément enrichi sur le dos de la Camair. Comment réagissez-vous à ce genre d’accusations ?

Je voudrais premièrement rectifier quelque chose. J’ai quitté la Camair le 3 novembre 2003. La période qui me concerne avec le cabinet Apm va de fin avril 2002 à novembre 2003. Deuxièmement, compte tenu du secret de l’instruction, je ne peux que vous affirmer que le cabinet Apm n’était pas ce qu’il laissait croire. Là aussi, c’était un cabinet londonien, mais qui n’avait de Londres que le nom. Et une fois de plus, ce cabinet Apm avait outrepassé ses missions. Donc le cabinet Apm est très mal placé aujourd’hui pour critiquer quoi que ce soit parce qu’il y aurait beaucoup à redire sur ses propres actions. Je réfute de manière très énergique toutes ces accusations portées par ce cabinet qui, encore une fois, n’apporte aucune preuve de ses allégations.

Je reviens sur l’affaire qui intéresse la justice suisse. Pour parler des relations que vous auriez avec ce monsieur Fouquet, vous reconnaissez vous-même que c’est un dangereux criminel…

Je vais vous interrompre tout de suite. Je ne reconnais pas en monsieur Fouquet un criminel. On dit que c’est un criminel. Mais, il n’y a jamais eu de décision de justice le condamnant en tant que tel. Mais, il a été accusé, me semble-t-il, d’avoir été en relation avec des gens peu recommandables. Allez en Suisse le voir dans les banques. Quand un monsieur Fouquet vous amène voir le vice-président du Crédit agricole, le directeur général de la Société générale à Genève et à Zurich, vous allez voir au Crédit Lyonnais ou l’Ubs. Toutes ces personnes lui ouvrent grandement les portes et il y en a même qu’il tutoie. Si aujourd’hui, on dit qu’il est criminel, moi j’attends de voir le résultat des décisions suisses. Si on prend ce que certains médias disent depuis un certain temps, je suis le plus dangereux criminel du Cameroun. Sinon, on ne parlerait pas de cette histoire de blanchiment. Je vous assure, j’ai laissé des plumes dans cette affaire de la Camair.

Vous êtes nommé à la tête de la Camair en juin 2002. Quelle Camair trouvez-vous à l’époque ? Dans quel contexte vous avez été nommé ? Et comment avez-vous piloté cette entreprise jusqu’à votre débarquement en novembre 2003 ?

Vous êtes journaliste. Vous dirigez l’un des principaux organes de presse au Cameroun. Et je pense qu’il faut vous référer à vos archives, ce qui a été dit dans votre journal qui est un journal sérieux. Faites ressortir ce qui a été dit quelques semaines avant ma nomination, vous saurez vous-même quelle était la situation. Elle était catastrophique. Je suis nommé le 20 juin. Et je trouve un avis de sommation de rétrocession des deux Boeing 737 dont la date limite est fixée au 21 juin. Le Boeing 747 était séquestré depuis plusieurs mois dans les ateliers techniques en France et on n’arrivait pas à payer pour le libérer. Il y avait un avion loué par mon prédécesseur qui volait. J’ai dû payer 3 millions de dollars pour les pénalités. Sans oublier que j’avais déjà payé trois mois d’arriérés de salaires, et les découverts bancaires, etc. Voilà la situation que je trouve. Prenons même le cas de l’image de la compagnie. Quand j’arrive, la Banque mondiale, le Fonds monétaire international (Fmi), les Nations Unies m’appellent pour me demander de relever la Camair.

Maintenant, sur le plan intérieur, c’était un vol par semaine, quand on réussissait à le faire. Et surtout, il n’y avait pas de comptabilité depuis près de cinq ans. Or, comment voulez-vous qu’on dirige la compagnie si vous n’avez pas de tableau de bord de l’entreprise. C’est exactement comme un pilote qui décolle et se rend compte qu’il n’a pas de boussole. Il n’y avait pas de comptabilité. Cela veut dire que lorsque j’arrive à la Camair, on ne savait pas ce qui avait déjà été payé ou pas. L’endettement s’élève à plus de 72 milliards Fcfa. Je trouve donc une Camair sinistrée. Et je me mets au travail.

Mais, je pense qu’il faut remettre les choses dans le contexte de ma nomination. Je suis nommé à la tête de la Camair par le président de la République pour aider à redresser la Compagnie. Je ne suis pas fonctionnaire. C’est d’ailleurs la première fois, dans toute l’histoire du Cameroun, qu’un pur produit du secteur privé est nommé à la tête d’une société paraétatique et, qui plus, est une société stratégique. En plus, on ne me demande pas de me démettre de mes autres fonctions. Cela veut dire que durant mon séjour à la Camair, je suis vice-président de la Cbc, je suis vice président de la Commercial Bank Centrafrique, etc. J’ai beaucoup d’autres postes de responsabilité. Mais, l’Etat accepte cela. Je pense, à mon humble avis, que les gens ont compté sur cette force « financière » qui m’accompagnait pour pouvoir redresser la Camair. Il faut encore une fois mettre les choses dans leur contexte. Ce n’est pas que l’Etat n’avait pas d’argent. Dans le programme d’ajustement structurel, la Banque mondiale interdit une quelconque subvention aux sociétés qui étaient sur la liste des entreprises à privatiser. Donc, il est évident que l’Etat me demande de faire tout ce qui est en mon pouvoir pour redresser la barre. Mais, contrairement à certains directeurs généraux qui sont nommés sans savoir comment cela a été décidé, je suis allé voir le président de la République. Et quand le Président de la république me parle, il me dit ce qu’il ambitionne. Il me dit comment est-ce qu’il voit le futur de la Camair. Et quand ce monsieur vous parle, vous buvez ses paroles et vous êtes convaincu, vous êtes prêt à vous battre pour accomplir les missions qu’il vous confie. J’ai été subjugué par la volonté manifeste du chef de l’Etat de tout faire pour sauver la Camair.

Avec cette garantie de la plus haute autorité de l’Etat et avec tous les moyens que vous déployez dans votre mission, comment pouvez-vous expliquer ce que l’on peut qualifier aujourd’hui d’échec à la Camair ? Comment expliquez que vous n’ayez pas pu apporter satisfaction au Chef de l’Etat au point que l’on vous débarque ?

Dans le contexte camerounais, il se passe une chose : ce n’est pas parce que moi, j’adhère aux ambitions du Chef de l’Etat que cela implique que toutes ses troupes lui sont fidèles. Je pense que le Chef de l’Etat a donné des directives. Et je crois que les mêmes orientations qui m’avaient été données l’ont été à ses plus proches collaborateurs. Mais apparemment, certains n’ont pas été aussi fidèles qu’ils auraient dû l’être. Ils ont dû profiter de leurs positions pour assouvir d’autres ambitions. Voilà ce qui, d’après moi, peut justifier certains dysfonctionnements. Parce qu’il aurait dû y avoir une certaine unité pour atteindre les objectifs qui avaient été fixés par le Chef de l’Etat.

Autrement dit, vous croyez qu’il y aurait des groupuscules ou des individus qui se sont constitués pour vous mettre les bâtons dans les roues ? Si oui, dans quel intérêt ?

Je ne le crois pas, je l’affirme. Et comme à l’accoutumée, contrairement à certains experts londoniens qui affirment des choses sans jamais en apporter la preuve, j’ai bien les preuves de ce que certains groupes, de très hauts commis de l’Etat, proches du président de la République, se sont constitués pour me mettre les bâtons dans les roues. Dans quel but, je ne le sais pas. Cela fait quatre mois que je fournis des éléments à la justice camerounaise et ils sont probants. Contrairement à cette personne très adulée par certains journalistes, Francis Nana.

Vous nous citez quelques noms de personnes qui auraient empêchées la Camair de voler ?

Globalement, je ne me permettrais pas, en cette phase de l’instruction de la justice, de citer des noms de particuliers. Je vous ai parlé des cabinets Sygma et autres. Il n’y a qu’à voir qui se trouvait derrière cette société.

Il vous est reproché entre autres, dans votre gestion de la Camair, d’avoir abusivement sorti de la flotte le fameux Boeing 747 Combi, que les Camerounais adulaient tant ? Vous l’auriez bradé. De quoi s’agit-il en fait ? Pourquoi avez-vous pensé qu’il était important de sortir le Combi de la flotte de la Camair ?

Là encore, je pense que c’est un manque d’information qui amène les gens à pencher vers ce genre d’analyse. En fait, il y a un accident. Ce n’est pas une sortie de piste comme on le croit. L’avion s’est déporté de la piste pour aller se « fracasser » contre une buse d’évacuation d’eau en béton armé. L’avion est donc cassé, il est très endommagé. L’assureur dit qu’il faut qu’on sache le montant de la réparation. Et pour réparer un avion comme celui là, vous avez besoin de trois avis : celui du motoriste ; et celui de Rach&Ring qui sont les principaux fournisseurs de tout ce qui est matériel électronique. Les techniciens de Boeing estiment, après leur expertise, qu’il faut à peu près 48 millions de dollars (environ 30 milliards Fcfa) pour la réparation et compter un minimum de 24 mois d’immobilisation. Tout cela, sous réserve de ce que diront les parties concernées par le moteur et les parties électroniques. Plus tard, pour le moteur on a estimé à 11 millions de dollars pour le réparer et près de 24 millions de dollars pour la partie électronique. Donc, il fallait à peu près 70 millions de dollars pour réparer cet avion. Mais il n’est assuré que pour 45 millions de dollars. L’assureur doit payer et il faut en plus qu’il remplace l’avion par un autre pendant la durée de l’immobilisation. Et pour ce type d’avion, il faut aller chercher dans les 6 millions de dollars au minimum par an. Vous devez ajouter à tout cela tous les frais de levage, de parcage, et de parking. Ce qui revenait à environ 6 millions de dollars. Voilà donc la situation!
Certains disent qu’il fallait le réparer. L’assureur dit : si je dois payer les frais de levage et autres, nous faisons la différence et je vous donne le reste. Et ce sera à vous de trouver les sommes nécessaires pour réparer cet avion. Je rappelle que le Cameroun est sous ajustement structurel, quand bien même l’Etat aurait voulu le réparer. Et ensuite il y a une question de bon sens : cet avion vaut au plus 18 millions de dollars sur le marché. Vous n’allez pas dépenser 70 millions de dollars pour un appareil qui n’en vaut que 18. C’est comme si vous avez votre voiture qui vaut 2 millions de Fcfa, elle est assurée pour 2 millions et après un accident de la route, on vous dit de débourser 8 millions Fcfa pour le réparer. C’est cela qu’il fallait expliquer au Camerounais. Et dire encore aux gens que la décision n’incombait pas au Directeur général.

Et cet avion qui vous appartiendrait et qui volerait en Colombie, est-ce que ce n’est pas le Combi qui a été racheté par Fotso ?

Vous m’informez ou vous me posez une question ?

Est-il vrai monsieur Fotso que vous êtes propriétaire d’un avion qui, actuellement servirait de liaison dans les lignes aériennes colombiennes.

Je peux vous fournir le certificat de radiation du Combi par Boeing, cela veut dire qu’il n’existe plus. Je peux également vous donner les photos de destruction de cet avion. Et quand bien même il existerait, il ne m’appartiendrait pas et vous pourriez mettre tous les services secrets du monde derrière moi que vous n’aboutiriez à rien. Maintenant, sur un avion qui volerait quelque part et qui m’appartiendrait, là encore je mets au défi tous les services secrets y compris le Fbi.

Et vous lancez un défi pour investiguer tous les comptes que vous avez à l’étranger pour savoir si vous n’avez pas détourné de l’argent de la Camair ?

Je vais aller plus loin. Je ne lance pas seulement le défi pour rechercher, mais je suis disposé à délivrer une procuration en bonne et due forme pour autoriser soit l’Etat du Cameroun ou une ambassade dans les pays occidentaux qui estime que j’aurais peut-être de l’argent planqué chez eux qui proviendrait des activités illicites. Je suis prêt à délivrer une telle procuration. Il faut quand même repréciser qu’avant d’être nommé, je n’avais jamais occupé un poste dans la fonction publique. Que ce soit avant 2000, que ce soit après, je n’ai jamais eu de transaction avec l’Etat camerounais. En plus, je n’ai jamais soumissionné ou gagné un marché public. Toutes les accusations dont je fais l’objet se jouent sur mon passage à la Camair. Je permets de contourner la difficulté du secret bancaire en proposant cette procuration. De telle sorte que si la banque ne communique pas mes relevés bancaires alors que j’ai donné mandat, elle est passible de poursuites.

Je vais plus loin, si on m’accorde un minimum de bonne foi car, jusqu’en fin juin 2006, j’étais le premier contribuable camerounais, je fournirai la liste de tous mes comptes pour qu’on aille fouiller dedans. Mais, je précise bien qu’on recherche de l’argent public camerounais qui serait détourné soit directement du Trésor, soit de la Camair, soit de toute société qui aurait eu une quelconque transaction avec la Camair. Je suis prêt à délivrer ce mandat et j’espère qu’en ce moment là, la vérité finira par rejaillir. Et j’espère aussi que tous ceux qui m’accusent feront la même chose.

A vous entendre parler, on a l’impression, monsieur Fotso que votre gestion à la Camair a été des plus saines et des plus transparentes. Nous sommes tentés de vous poser la question de savoir quel bilan vous faites de votre passage?

Je vous donne quelques grandes lignes. Je vous le redis, quand j’arrive, il n’y avait pas de comptabilité, donc pas de tableau de bord, donc pas d’outils de travail. Je fais certifier les comptes des années 95/96, 96/97, 97/98, 98/99 et 99/2000. Et j’établis les miens, ceux de 2000/2001 et 2001/2002. Et la comptabilité disparaît à peine que je suis parti. Je ne vais pas revenir sur les négociations des loyers à la baisse que j’ai eu à faire. J’ai fait économiser plus de 400 millions Fcfa mensuels à la société sur des contrats que j’ai trouvés. Quand j’arrive, la Camair a un Boeing 737-200 qu’elle loue auprès de Ansett à 484 000 dollars que j’ai revus à la baisse à 295 000 dollars. Cela fait une réduction d’environ 200 000 dollars, soit environ 150 millions Fcfa à l’époque. Or, ce n’est pas moi qui ai signé le contrat. Le Boeing 737-300 qui a été retiré de la flotte, faisait l’objet d’une demande d’indemnités de 10 millions de dollars, soit environ 7,5 milliards Fcfa à l’époque. Je négocie et je réussis à obtenir que cette pénalité soit ramenée à 3 millions de dollars, c’est-à-dire au tiers. Alors que mon prédécesseur avait déjà commencé à payer. Cela fait donc 6 milliards et quelques millions de francs Cfa que je fais économiser à l’entreprise. Mais je pouvais négocier cela et mettre en poche puisque c’était déjà accepté par tout le monde. Les Boeing de Ansett, qui sont venus à 325 000 de dollars chaque année, je réussis à réduire de 60 000 dollars chacun de ces avions. Celait fait quand même 45 millions Fcfa mensuels de gagner, et pour les deux, 90 millions Fcfa. Là encore, j’aurais pu demander qu’on me les reverse personnellement. Mais, ce n’était pas mon but. Je voulais réussir et je me battais pour cela.

Nous pouvons poursuivre avec le Boeing 767-300, « Le Dja ». Quand j’arrive, le contrat est déjà signé par mon prédécesseur à un taux de 795 000 dollars mensuels et un acompte a déjà été versé. Lorsqu’il y a l’accident du 747, je réactive cela mais je renégocie et je le ramène à un taux de 690 000 dollars, soit une économie de 100 000 dollars le mois. Là encore, si je voulais le voler, il suffisait qu’on me reverse cette somme là.

Une fois que je remets la comptabilité en place, et il m’a fallu faire appel à sept experts-comptables de mon Groupe pour appuyer ceux qui étaient en place, nous découvrons qu’il y a des dettes fictives.

Qu’en est-il de mon bilan ? Mon bilan est que j’ai réduit la dette de la Camair. Quand j’arrive, cette dette est à peu près de 72 milliards FCfa et je laisse la compagnie avec une dette d’environ 49 milliards Fcfa. Nous avons d’abord travaillé, parce que la Camair n’a jamais autant travaillé que quand j’y étais. Nous sommes passés d’un chiffre d’affaires de 56 milliards Fcfa quand j’arrive en 2000 à 92 milliards Fcfa, soit 64% d’augmentation. Ce qui ne s’est jamais vu. C’était une première dans l’histoire de la Camair. Nous travaillons donc, et améliorons les recettes de la société, puis nous identifions les dettes fictives.

Qu’entendez-vous par dette fictive ?

Souvenez-vous du conflit avec Mobil Oil, par exemple. On s’est rendu compte qu’on nous facturait bien plus de carburant que tout ce que nos avions auraient pu prendre pour effectuer leurs vols. Comme il n’y avait donc pas de comptabilité puisque cela arrangeait tout le monde, il suffisait donc, pour certaines personnes, d’apporter des factures que l’entreprise payait parce que la comptabilité ne pouvait pas vérifier, puisqu’elle-même n’existait pas. Et les gens touchaient des commissions.

Vous me demandez pourquoi on m’en veut tant. J’ai dû fermer beaucoup de robinets. Les billets gratuits, c’était dans tous les sens. J’ai moi-même supervisé des vols à l’aéroport pour montrer à mes collaborateurs qu’il était possible de faire décoller et atterrir nos avions à l’heure. Les statistiques ont montré qu’en 2002, l’année la plus faste de la Camair, au départ de Paris pour le Cameroun et au départ du Cameroun, la Camair est plus ponctuelle que la principale compagnie de transport aérien en France qui est Air France. Est-ce que ce n’est pas quelque chose de significatif. Le drapeau du Cameroun, dont nous sommes si fiers, a flotté, par sa compagnie et à travers sa « onzième province », partout dans le monde. Nous avons établi que justement ces avions querellés comme on dit, ont contribué pour beaucoup au succès dont je vous fais part. Nous avons donc regagné la confiance des principales institutions, et nous avions eu des contrats avec les Nations Unies pour transporter les troupes. Figurez-vous que l’avion du Cameroun se posait chaque mois, à quatre reprises, à Montevideo en Amérique du Sud. Il repartait avec 400 casques bleus, il atterrissait à Douala. Et les deux Boeing repartaient avec certains à Kananga et d’autres à Kinshasa en fonction de ce que les Nations Unies avaient décidé. Et le manège était effectué dans le sens inverse. Un autre exemple. Lorsque les Miss Monde sont coincées à Abuja au sein d’une émeute religieuse, qui appelle-t-on pour les évacuer ? La Camair. C’est le Boeing 747 qui est allé les prendre pour les ramener à Londres. Ce qui était impensable avant. Et c’est cet avion qui aurait présenté des doutes sur la qualité de la maintenance ? Je dis non.

Qu’en est-il de la question des salaires ?

Quand j’étais là, les salaires étaient payés. Et nous avons pris sur nous le parti de mener certaines taches dévolues aux Adc (Aéroports du Cameroun, Ndlr). Si je n’avais pas fait cela, je vous assure que la rotation des avions aurait été impossible au niveau de l’aéroport de Douala. C’est grâce à moi que cet aéroport a continué de fonctionner parce que j’ai essayé d’anticiper. Comme Adc ne voulait pas assurer son rôle, nous avons pris en charge ce rôle. Nous avons établi des ponts aériens entre le Nigeria, le Tchad, le Bénin, le Cameroun bien sûr et la Mecque. Ce qui n’avait jamais été fait avant. Nos pilotes peuvent vous dire qu’ils n’ont jamais autant travaillé. Nous avons transporté vers la Mecque plus de 40 000 pèlerins. L’avion faisait deux rotations par jour. Pendant ce temps, quand j’étais là, l’argent entrait. Ce sont autant de choses que j’ai faites qui se sont malheureusement dégradées dès que je suis parti.

J’ai également découvert, entre autres, le trafic des billets d’avions. Quelqu’un achetait un billet pour partir du Cameroun jusqu’à Hong-Kong. Ce billet coûtait 650 000 Fcfa. Mais quand il se retrouvait en France, Air France prenait le coupon et le retournait au Clearing House pour la compensation. Mais en faisant les calculs, cette compagnie se disait que la Camair a pris 600 000 Fcfa, mais le billet coûte normalement 2,5 millions Fcfa. On redressait donc de 1,9 million Fcfa et vous constatez donc que nous subventionnons les billets d’avions de certaines personnes qui faisaient ce trafic. J’ai certainement empêché certaines personnes de vivre de manière lucrative.

Un bilan financier pour terminer sur ce chapitre?

Sur le plan financier, les trois années qui précedent mon arrivée à la tête de la Camair (99/98, 98/99, 99/2000) la perte cumulée est de 33 milliards de Fcfa. Cela fait plus de 60 pour cent du chiffre d’affaires de l’année 99/2000. Après avoir en 2001 les baromètres de l’entreprise, je rattrape les comptes grâce à la comptabilité mise en place et obtiens un résultat positif de près de 2 milliards de Fcfa de bénéfice pour un chiffre d’affaires de plus de 58 milliards de Fcfa. L’année suivante, mon équipe et moi réalisons un résultat historique avec un chiffre d’affaires record de plus de 90 milliards de Fcfa. J’ai donc été limogé lundi le 3 novembre [2003 Ndlr] non pas parce qu’on me reprochait une quelconque faute de gestion, mais en fait parce que j’ai refusé de laisser voler des avions sans assurances. L’Etat devait plus de 22 milliards à la Camair et voulait que je continue à me débrouiller à colmater les brèches. Ce qui n’était plus possible parce qu’après 12 milliards que la Cbc a bien voulu octroyer à la Camair, ce qui a entraîné de graves protestations de la Cobac, il n’était plus possible de continuer de cette manière là. Donc, il y avait une volonté du gouvernement de paralyser ma gestion. On m’a demandé (je pourrais vous dire qui) de faire voler des avions ce fameux week-end sans qu’ils ne soient assurés alors qu’on avait déjà reçu une note de résiliation des assureurs qui rappelaient que si vendredi à 18 heures, vous n’avez pas réglé les frais des assurances, vous n’êtes plus couverts. Malgré cela, certaines autorités me demandent de faire voler les avions. Je ne pouvais pas le faire. A cette époque la Camair était une vraie compagnie. Il y avait des avions qui partaient pour Abidjan, Paris, Johannesburg et bien évidemment, les passagers étaient bloqués. Quand c’est des compagnies étrangères, cela n’émeut personne. Quand il s’agit de la Camair, un ramdam est vite organisé. Rfi et les autres médias relaient cette situation. Le samedi, on me redemande de faire décoller les avions. Je m’y oppose. Le dimanche, la pression monte. Cela fait 48 heures que les passagers sont bloqués. Je m’y oppose toujours en m’appuyant sur le fait que tant que la question des assurances n’est pas réglée, je ne peux pas prendre ce risque. D’abord pour l’intérêt des passagers eux-mêmes et ensuite il y avait des choses qui ne tournaient pas rond. Lundi, l’Etat n’a pas pu toujours débloquer les fonds qu’il devait, même pas le nécessaire pour payer les assurances. Des hautes personnalités qui constituaient un bloc occulte contre ma personne, ont pu obtenir ma tête par décret du chef de l’Etat et c’est comme cela que mon successeur arrive. Je ne suis pas limogé de la Camair parce qu’elle était mal gérée mais tout simplement parce que j’ai refusé de faire voler les avions dans certaines circonstances inacceptables pour moi en tant que gestionnaire. La Camair que je laisse est assainie sur le plan social. Il n’y avait aucun litige avec le personnel. Sur le plan de la bonne gouvernance de l’entreprise, j’ai les paramètres qui montrent que sur le plan comptable par exemple, il y avait de la clarté dans le contrôle des opérations, preuve que je ne cherchais pas à dissimuler quoi que ce soit. Dès mon départ, il n’y a plus eu de comptabilité. Sans oublier le fait qu’avant moi, il n’y avait pas cette comptabilité. J’ai les rapports du commissaire au compte, les résolutions du conseil et les certifications des comptes. Je peux les fournir. Demander à mon successeur d’apporter les siens. Ne serait-ce que pour cela, je pense mériter des félicitations au lieu qu’on me livre en pâture comme l’a fait une certaine presse, peut-être sous contrôle, dès mon départ et bien au-delà. Voilà la situation que j’ai laissée et je pense avoir fait une gestion bien meilleure que celle que j’ai trouvée.

Au regard de tout ce que vous venez de décrire, avez-vous le sentiment d’avoir été piégé ce 20 juin 2000 lorsque le chef de l’Etat vous nommait à la tête de la Camair ou vous continuez à penser que c’était une confiance acquise du chef de l’Etat ? Quel est le sentiment qui vous habite aujourd’hui face à toute cette cabale?

A partir du moment où je ne regrette pas mon passage à la Camair, à partir du moment où je reconnais et remercie le Chef de l’Etat pour l’opportunité qu’il m’a offerte de mieux connaître mon pays, de mieux connaître les hommes qui le composent et d’acquérir cette expérience dans le domaine de la gestion civile en particulier et de la gestion globale en générale, je ne saurais penser que j’ai été piégé. Par contre, au vu de l’acharnement de certaines personnes, qui sont commanditées par des hauts commis de l’Etat ou par ce fameux Francis Nana qui, lui aussi, est rentré dans des manœuvres de déstabilisation et, apparemment, ne cherche pas une quelconque manifestation de la vérité, mais plutôt, aurait été mandaté par je ne sais encore qui pour l’instant, pour essayer de déstabiliser tout le Groupe. Je ne pense pas qu’il faudrait faire un amalgame. Il est fort probable que certaines hautes personnalités ont usé de leur fonction pour faire échec à ma mission. Ce n’est pas parce que quelques individus se comportent de cette manière au sein de l’appareil de l’Etat qu’il faut jeter l’anathème sur l’ensemble. Je ne regrette pas. Je ne pense pas qu’au moment de ma nomination, il y ait un piège. J’estime que certaines personnes ont utilisé ce seul passage d’Yves Michel Fotso dans une structure de l’Etat pour en faire désormais une obsession consistant à me tuer.

L’acquisition d’un avion présidentiel entre 2001 et 2003 semble être l’un des points sur lesquels vous êtes régulièrement entendu par la police, sur instruction de la justice camerounaise. On vous reproche de vous être organisé avec des sociétés intermédiaires pour détourner d’énormes sommes d’argent. Comment vous retrouvez-vous dans cette affaire ?

Ce projet existait avant mon arrivée à la Camair. Mon prédécesseur avait commencé à étudier les possibilités. Un Boeing avait été déjà retenu. J’ai poursuivi sur cette lancée. Mais il fallait trouver des mécanismes pour faire financer l’achat de cet avion. C’est ainsi que Gia International a eu à apparaître. Je tiens à préciser que je ne connaissais pas cette société avant la transaction. C’est quelqu’un qui l’a reconnu et qui a été entendu. Il a donc présenté Gia à la Camair. Nous nous sommes rencontrés, Gia avec un expert français, d’Air France détaché auprès de la Camair, Michel Villoingt. C’est sur la base de l’avis de cet expert, qui confirme que le montage de Gia était viable, que j’informe la présidence de la République de ce qu’il y aurait une solution fiable sur cette commande. Gia a été crée en 1996, à une époque où je n’avais jamais rêvé un jour approcher la Camair de quelque manière que ce soit, sinon en tant que passager. Il ne peut pas y avoir eu conspiration de ma part. Les autorités camerounaises décident de mettre en place un déposit, (dans le jargon, quand on veut un aéronef, il faut déposer un acompte pour qu’on fabrique l’avion) de 31 millions de dollars (environ 21 milliards Fcfa à l’époque) qui représentaient à peu près 40% de la valeur de l’appareil et le reste était un montage financier avec hypothèque de l’appareil qui devait être livré. Cet appareil était un avion flambant-neuf, un Boeing Business Jet, BBJ II. La procédure a été respectée, l’avion fabriqué par Boeing et réceptionné par l’équipe technique de la Camair et de l’état major particulier du président de la République. Les clefs sont encore en leur possession jusqu’aujourd’hui. Tout avait été fait et il ne restait plus qu’à la présidence de la République et au ministère des Finances de signer l’acceptation des traites. Coup de théâtre, la Présidence (je préfère parler de la présidence de la République pour ne pas citer des noms) décide de plus réceptionner l’avion. Pourtant dans les clauses, il était clairement indiqué que c’était un déposit remboursable. En anglais c’est bien écrit « refoundable ». Bien évidemment, si la société Gia n’arrivait pas à performer. Permettez-moi une illustration pour une meilleure compréhension de l’affaire. Vous commandez un véhicule que vous voulez à votre dimension, vous mesurez deux mètres. Vous voulez une Renault Clio, il faut des aménagements pour que vous puissiez y entrer. Vous versez un acompte. Si le véhicule vaut 10 millions, vous versez 3 millions pour la fabrication de l’engin. Au moment où l’appareil est prêt avec vos désidératas et qu’on est prêt à vous le livrer, vous vous rétractez et dites que vous voulez maintenant une Mercédès. Le fabricant est en droit de vous demander de payer les compléments parce qu’il a dépensé plus d’argent que prévu. Voilà ce qui se passe dans ce cas là. C’est le Cameroun qui dit, je ne veux plus de cet avion, sans se soucier de la pénalité encourue. Je n’avais aucun contrôle sur l’utilisation de ces 31 millions de dollars. Je ne suis pas partie prenante dans Gia et je n’ai perçu aucune commission de cette structure. Je mets au défi quiconque, que ce soit le Fbi, que ce soit l’ambassade des Etats-Unis, je dis solennellement que je n’ai pas touché un dollar de cet argent. Si quiconque veut affirmer le contraire, quand bien même ce serait l’ambassade des Usa, quand bien même ce serait le Fbi, je porterai plainte contre cette personne dans le pays en question pour qu’on me le prouve. Je ne sais pas quelles autres preuves vous voulez, sinon encore réitérer ma proposition, celle de délivrer cette fameuse procuration légalisée par l’ambassade des Usa elle-même pour que quelqu’un aille fouiller et voir si un seul de ces 31 millions de dollars, (permettez-moi de dire que ces sommes n’ont pas été transportées en cash, mais par virement) réside dans mes comptes. La traçabilité est perceptible. J’autorise qu’on fouille mes comptes. Je ne sais plus quoi dire de plus pour arrêter les affabulations mensongères de ce fameux faux expert visant une déstabilisation du Groupe pour des raisons que je cherche encore à comprendre.

Dans l’ensemble du processus, votre rôle a donc été celui de facilitateur…

De par mes fonctions, oui. En fait, on a utilisé la Camair comme facilitateur.

Vous avez évoqué tantôt la présidence de la République qui, à un moment donné, a renoncé au projet. Avez-vous une idée de ce qui a bien pu l’amener à se rétracter alors que de l’argent, 31 millions de dollars du contribuable Camerounais, étaient en jeu ?
31 millions de dollars, environ 21 milliards de Fcfa à l’époque et aujourd’hui représentent à peine 14 milliards de Fcfa. Je pense que les responsables de la présidence de la République ne voulaient pas voir aboutir ce projet croyant que j’ai agi comme ils l’auraient fait à ma place, c'est-à-dire que j’aurais sûrement pris des commissions. A partir de ce moment, ils ont tout fait pour torpiller le projet. Je pense que l’idée était qu’il n’était pas possible que Fotso ait pu commander ce montage de 31 millions de dollars sans pour autant « s’essuyer la bouche » comme on dit. Je crois qu’il ne leur est pas venu à l’esprit qu’il pouvait y avoir des Camerounais qui peuvent le faire simplement parce qu’ils ont été subjugués par les convictions du chef de l’Etat qui voudrait que les choses aillent de l’avant. Apparemment, ces personnes étaient convaincues de ce que j’ai fait ce qu’elles auraient fait à ma place. Il fallait mettre un arrêt pour pouvoir déclencher une autre procédure afin de voir clair dans l’utilisation de ces 31 millions de dollars. Il pourrait avoir une autre hypothèse. Peut être que pour des raisons inavouées, il fallait recommencer un nouveau processus. En tout cas, pour cette autre étape, je n’étais plus là.

Cette étape qui conduira à l’acquisition de l’Albatros. M. Yves Michel Fotso, nous en reparlerons dans la seconde partie de notre entretien, lundi prochain.



Source: Le Messager


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