Le marché de l'abattoir a été rasé
Le marché de l'Abattoir sis non loin de l'usine des Brasseries du Cameroun,
ressemblait à un véritable champ de ruines hier mercredi 8 octobre après le
passage de "l'engin destructeur" de la Communauté urbaine de Yaoundé (Cuy) dans
la matinée. Des monceaux de lattes, tôles et parpaings et des victuailles
écrasées jonchaient le sol. Au grand désarroi des commerçants dont la plupart
n'a pas réussi à sauver leurs marchandises des étals ou à les extraire des
bâtiments avant le passage de la pelle mécanique. En effet, si l'affliction se
lisait sur le visage de ces commerçants ayant l'impression d'avoir tout perdu,
un large sourire barrait le visage des jeunes et autres badauds. Ces derniers
s'étaient rués sur le site sitôt le cordon de sécurité levé après le départ des
gendarmes venus s'assurer du bon déroulement des opérations, amassant les tôles
qu'ils pliaient et empilaient dans un sac ou transportant des lattes.
Au grand dam des commerçants qui revendiquaient lesdits matériaux de
construction. Une vieille commerçante, sa sacoche autour des reins, farfouillait
entre les décombres pour récupérer ce qui pouvait l'être, lançant des injures
aux "pilleurs". Non loin d'elle, une dame, apparemment chargée de la collecte
des taxes dans ce marché, ne se privait pas pour ramasser du riz s'échappant
d'un sac éventré. Un jeune d'une vingtaine d'années, transportait un sac de
tapioca sur la tête et un poulet caché dans une sacoche accrochée à sa ceinture,
un couteau à la main pour dissuader un éventuel propriétaire qui reconnaîtrait
son bien. Dans cette ambiance ponctuée de cris, d'insultes et de coups de
marteau répétés, il était impossible de savoir pourtant à qui appartenait telle
ou telle chose.
Bien que plusieurs commerçants disent avoir été avertis de la destruction du
marché, tous disent avoir été surpris. "Nous avions été prévenus qu'on allait
casser, mais on ne savait pas qu'ils allaient le faire aujourd'hui [mercredi]",
affirme Marie Mba, qui dit vendre des légumes ici depuis quinze ans. Cette
situation a suscité le courroux de plusieurs commerçants pour qui, nonobstant la
soudaineté de cette opération, estiment que le délai à eux accordé était court.
"Nous n'avons pas été avertis pendant longtemps. Ils auraient dû nous donner aux
moins six mois, le temps pour nous de nous préparer à partir", a lancé, hors de
lui, un commerçant dont les propos ont aussitôt été approuvés par d'autres. "On
ne doit pas nous chasser comme des animaux. Le délégué devait venir dialoguer
avec nous car nous sommes des êtres humains et nous avons des responsabilités.
Maintenant, on nous envoie à Nsam où on dit que c'est la brousse. Est-ce que le
site est aménagé où c'est à nous de le faire ?", s'est écrié la dénommée Maman
Sita.
En outre, "il faut payer à Nsam pour avoir une place. Je vais prendre cet argent
où ?", avance une autre. D'après un agent de la Cuy rencontré sur les lieux, un
site de recasement a été trouvé à Nsam pour ceux-ci. Soulignant que cette
opération rentre dans le cadre de l'assainissement de la ville, il a laissé
entendre que le site sera aménagé pour la construction de "bâtiments pour
utilité publique" et pour la "construction du canal de Mfoundi afin que l'au
coule facilement". Au moment où nous quittions les lieux, certains commerçants
avaient installé leurs marchandises sous le passage à piétons construit
au-dessus des rails. "Nous n'allons pas partir d'ici. On va vendre par terre",
ont-ils lancé, en guise de défi.
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