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Vérités sur l'incarcération de Lapiro
(07/07/2008)
Cameroun: L’ordonnance de renvoi ne présente que des témoignages à charge. Le prévenu estime qu’il y a une cabale contre lui. Voici ses preuves.
Par Marlyse Sibatcheu et F.E
Lapiro de Mbanga, prisonnier politique au Cameroun
Lapiro de Mbanga, prisonnier politique au Cameroun
Prison de Nkongsamba: Un instant avec Lapiro de Mbanga

C’est ici, à la prison principale, qu’il purge une peine non encore prononcée. Pour de nombreux gardiens, c’est “ un prisonnier qui peut nous causer des problèmes à tout moment. ” Il a été transféré de la prison de Mbanga pour la prison de Nkongsamba, par le juge d’instruction du tribunal de première instance de Mbanga, selon une ordonnance de renvoi datée du 10 juin 2008. Se déclarant incompétent pour connaître des faits qui lui sont reprochés, le tribunal de première instance l’a renvoyé devant le tribunal de grande instance du Moungo qui devra désormais juger Lapiro. Copieusement surveillé, certaines visites, comme celles de journalistes et leaders d’opinion par exemple, lui sont interdites.

Ce dimanche, le campus carcéral qui date de l’époque coloniale affiche sa mine de désespoir. Les cagibis des gardiens tombent en ruines. Sous une tente recouverte de nattes perforées, des visiteurs attendent qu’on fasse venir “ leur prisonnier ”. Comme l’indique le gardien, “ il est interdit de voir quelqu’un dans sa cellule. On vous enregistre, on le fait venir à un point de rencontre, et là, vous pouvez parler. ” Quand le nom du prisonnier est prononcé, le visiteur se présente à la guérite. Un gardien famélique, amaigri, avec des traits de visage aussi durs que des billons sur sol granitique, exige de se faire corrompre pour entrer. 1000 ou 2000

Fcfa suffisent pour ceux qui n’ont pas le permis de communiquer.
Le hall de la prison est crasseux. Deux geôliers, arme au poing, sont assis sur une chaise de bois fantomale. Une table abritant presqu’une termitière leur sert de bureau. Le bois qui forme la charpente, noir au départ, est devenu marron et perforé à force de résister au temps. Sur le tableau d’affichage, on constate que 25 personnes sont en corvée. Le vestibule de cette maison qui compte quelque 480 pensionnaires peut s’écrouler à tout moment. Au fond, on entend quelques bruits discrets des prisonniers habitant une dizaine de cellules réparties dans deux quartiers : celui des prévenus et celui des condamnés. “ Mais comme les prévenus sont plus nombreux que les condamnés, certains se retrouvent dans le quartier des condamnés ”, explique quelqu’un dans le hall.

Derrière les barreaux

Impossible de voir entièrement le prisonnier. Seul son visage est mis à découvert derrière une grille qui fait penser au tétanos. La “ boule zéro ” de Lapiro de Mbanga apparaît du fond d’une antichambre peu éclairée. Des bouts de cheveux blancs tentent de prospérer sur son crâne. Les traits de visage restent les mêmes, sauf qu’ils ont perdu en épaisseur. “ Tara, je ne pèse plus que 65 kg alors que j’en avais 85 quand j’arrivais ici ”, lâche Ndinga Man. “ Ce n’est pas la prison ici, mais un camp de concentration ”, ajoute-t-il avec un peu d’humour. De temps en temps, des personnes avec qui il est désormais familier l’interpellent. “ Majestor ”, lancent-ils, et lui de répondre : “ Yè yèee ! ”

Il se renseigne sur l’état de santé de ses enfants, demande des nouvelles de ses amis, envoie des messages oraux à transmettre, … Son épouse, bien peinée, essaie tant bien que mal de répondre à ses attentes. Au moment où les gardiens de prison pressent les visiteurs de retourner, Tara continue de révéler ses misères à Nkongsamba. “ J’ai été enchaîné, avec une vingtaine d’autres prisonniers, comme du temps de Kounta Kinté, pour être présenté au procureur ”, affirme-t-il en secouant la tête. “Ce sera peut-être la même chose le 9 juillet, quand on nous amènera pour l’audience au tribunal ”, prédit-il. Cette situation touche bien Lapiro qui, en dehors du coup porté à son moral, paye aussi un tribut physique. Le pensionnaire de la cellule 2 est en effet malade.

Voici là où les grèves m’ont finalement conduit ”, dit-il. Après les villes mortes du début des années 1990, “ je me suis retrouvé en exil forcé. Maintenant, c’est la prison… Tout ça alors que je n’y suis pour rien. Lapiro de Mbanga est convaincu que de gens tapis dans l’ombre, certainement jaloux de sa notoriété, et définitivement décidés à en découdre avec lui, montent de toute matière des pièces d’un puzzle qui pourra se détruire au grand jour. “ Il n’ont aucune preuve contre moi ”, martèle-t-il.
Ça y est. Maintenant les gardiens n’en veulent plus. Il faut partir. Son épouse lui fait un bizou central à travers les bars de fer. Et lui fait un geste d’au revoir de la main. Fin d’entrevue. Rendez-vous au tribunal de grande instance après demain, mercredi 9 juillet 2008 !

Selon nos sources, le commandant de la compagnie de gendarmerie de Mbanga est arrivé aux environs de 23h au domicile de Lapiro de Mbanga, dans la nuit du 02 au 03 mars 2008. Accompagné d’une vingtaine d’hommes armés, ils ont tenté d’enlever le leader d’opinion. La ville était enveloppée dans une épaisse couche de ténèbres, du fait du délestage de l’électricité. Sentant que sa sécurité était en danger, Lapiro est allé à la Semil à Yaoundé pour se faire entendre.

Il confesse n’avoir jamais été à la Société minérale des eaux du Cameroun, encore moins à la Société anonyme des Brasseries du Cameroun lors des émeutes, contrairement à ce qu’affirme l’ordonnance de renvoi. Par contre, soutient-on dans son entourage, Me Bebey Makembe, conseil juridique de la Spm et Pierre Moulima, son directeur des ressources humaines, l’ont appelé pour lui demander de les aider à négocier avec les grévistes afin que leurs installations soient sécurisées. Selon certaines sources, Laurent Trigalaut, responsable financier de cette entreprise, a envoyé des SMS invitant Lapiro à passer à son domicile parce qu’il se sentait menacé. Son listing téléphonique des 25 et 26 février pourrait être communiqué au tribunal mercredi aux fins de vérification de ses déclarations sur le sens et la réalité des échanges téléphoniques.

Sa caméra détruite pas les casseurs

Pour solutionner le problème à lui posé, Lapiro a proposé à Me Makembe de donner 03 litres de carburant aux conducteurs, sachant que le carburant était la raison pour laquelle le mot d’ordre de grève était lancé, histoire de les caresser dans le sens du poil et obtenir la sécurisation de la Spm. La proposition a été faite au domicile de M. Trigalaut, en présence de plusieurs personnes dont le commissaire de sécurité publique, Martien Assoa Assoa. Aujourd’hui, les proches de Ndinga Man se demandent comment les autorités n’ont pas pu l’interpeller à cet instant puisqu’ils étaient tout le temps ensemble, si les faits qui lui sont reprochés étaient vrais. Ils se demandent aussi pourquoi les sociétés désignées qui le connaissent bien ont préféré porter plainte contre inconnus, plutôt que contre lui.

Leader d’opinion très connu, il bénéficiait de quelques privilèges dont les autorités contre lesquelles les populations se rebellaient ne pouvaient pas jouir. Sur une convocation du sous-préfet, il est sorti le 26 avec son véhicule, empruntant les rues du quartier, la nationale n°5 étant barricadée. Après avoir discuté avec le chef de terre, il a d’ailleurs dû le garer au commissariat pour le sécuriser. Le reste du temps, il est allé soit à pied, soit à moto là où le sous-préfet avait besoin de ses services de médiateur social, comme au lycée de Mbanga. C’est ainsi que certains services ont été épargnés. Quand les casseurs – en réalité des jeunes qui avaient peur que leurs images soient communiquées après – ont vu Lapiro filmer à la direction de la Spm, ces derniers l’ont copieusement menacé. Il a alors donné son caméscope au commandant de compagnie. Intimidé par des jeunes armés de gourdins, couteaux et machettes, le commandant a remis l’appareil qui, selon nos sources, a été immédiatement cassé.

Un dynamisme gênant pour certains

C’est clair, les proches de Lapiro soutiennent qu’il n’a pas demandé de l’argent à la Spm. Fils de feu Sandjo Blanchard, propriétaire terrien dont la Spm loue 120 hectares, Lapiro aurait plutôt tout intérêt à aider la Spm à sécuriser ses installations pour garantir les recettes du contrat de bail de sa famille. C’est probablement pour cela qu’il s’est retrouvé à la direction générale de Spm le 26 février. Sur les lieux, il a éteint un début d’incendie avec l’aide du moto taximan qui l’accompagnait. A en croire certains témoignages, s’il n’avait pas été sur les lieux, toute la direction serait partie en fumée. Les films faits par Lapiro, confesse-t-on, devaient servir le moment venu à la Spm pour retrouver les pilleurs et casseurs.

Enfin, la réunion dont on parle a eu lieu au domicile de Lapiro. Ce dernier estime qu’il n’avait pas à demander une autorisation préalable, son domicile étant aussi la chefferie du quartier 12 de Mbanga où il lui arrive souvent de régler certains problèmes du quartier sans avoir besoin d’autorisation. Ainsi, de nombreux observateurs croient dur comme fer que Lapiro est victime de conspiration, son dynamisme gênant certaines personnes. Comment le tribunal recevra-t-il les arguments de cet homme de 51 ans qui, en fin d’année 2007, a chanté la Constitution constipée – un single dans lequel il prenait clairement position contre la modification de la Constitution du Cameroun ?

Accusé de complicité de crime…

Lapiro doit répondre de complicité de crimes et autres délits consécutifs au mouvement populaire de revendications sociales de fin février dernier. L’ordonnance de renvoi l’accable suffisamment.
Le juge d’instruction noie Lapiro

Par une ordonnance de renvoi datée du 10 juin 2008, le juge d’instruction du tribunal de première instance de Mbanga, Souaïbou Youssoufa, assisté de Mes Edouard Sabo et Delphine Metha, greffiers, ont renvoyé ce qu’il est désormais convenu d’appeler “ l’affaire Lapiro ”, devant le tribunal de grande instance du Moungo, statuant en matière criminelle. Pierre Roger Lambo Sandjo, plus connu sous son nom d’artiste Lapiro de Mbanga, est “ inculpé de complicité des délits d’attroupement, d’obstacle à la voie publique, d’incendie volontaire, de dégradation de biens publics ou classés, de destruction de biens ainsi que de crime de pillage en bande. ” Placé sous mandat de détention provisoire à la prison de Mbanga le 09 avril 2008, il a été transféré à la prison principale de Nkongsamba le vendredi 27 juin 2008 pour y être jugé par le tribunal de grande instance. La première audience s’ouvre après-demain, mercredi 09 juillet.

Les faits qui lui sont reprochés remontent à fin février 2008. Les 25, 26, 27 et 28 de ce mois-là, une bonne partie du Cameroun méridional est secoué par un mouvement populaire de revendications sociales.

Accusé d’être le commanditaire

Mbanga, petite ville d’arrondissement, n’échappe pas à la furie des jeunes. L’ordonnance de renvoi révèle que “ les dégâts les plus importants ont été enregistrés dans les locaux de la Société des eaux minérales du Cameroun, de la Société des plantations de Mbanga, du Centre divisionnaire des impôts, et du centre de distribution de la Société anonyme des Brasseries du Cameroun ”. Les autorités affirment que ces services ont été pillés ; leurs biens meubles et immeubles détruits. Certains, selon elles, ont même fait l’objet d’incendie. La route nationale n°5 qui traverse Mbanga a été dégradée “ à tous les 50 mètres ”. Le commissariat de sécurité publique a vu ses vitres brisées et les véhicules administratifs et de certains particuliers détruits.

Une enquête générale est immédiatement ouverte par la compagnie de gendarmerie de Mbanga. Le 03 mars, la Société des eaux minérales dont le produit-phare est Tangui saisit le commandant de compagnie d’une plainte contre inconnus. Deux jours après, le 05 mars, la Société des plantations de Mbanga (Spm) dépose également auprès de cet officier de police judiciaire une autre plainte, toujours contre inconnus. Au cours de son investigation, la gendarmerie établit que de “ multiples témoignages ont mis en exergue le nommé Lambo Sandjo Pierre Roger comme l’un des instigateurs sinon le principal commanditaire des faits déplorés dans la ville de Mbanga et ses environs. ” Interpellé, Lapiro refuse d’abord de s’expliquer à la gendarmerie, renvoyant ainsi l’enquêteur à la Sécurité militaire (Semil) où il a déjà fait une déposition. Par la suite, il affirme que tous les faits mis à sa charge sont faux.

Les arguments du magistrat

Dans son ordonnance de renvoi, le juge d’instruction qualifie les déclarations de Lapiro comme étant des allégations qui “ ne sont que de simples élucubrations destinées tout simplement à se frayer à tout prix une issue de secours ”. Le magistrat le désigne donc complice des faits perpétrés à Mbanga lors du mouvement populaire de revendications sociales de fin février. Le complice étant, au sens de la loi, celui soit qui provoque l’infraction, soit qui donne des ordres pour la commettre, soit en facilite la préparation ou la commission, ou tout cela à la fois.
Le magistrat s’appuie sur trois arguments principaux pour défendre ce point de vue. Premièrement, Lapiro a circulé dans la ville à bord de son véhicule, était à divers endroits (dont les trois sociétés sus citées) où se passaient les casses, incendies et pillages, a pu filmer avec sa caméra, etc. sans être inquiété ; alors les autorités et les forces de l’ordre avaient des difficultés à se mouvoir du fait des barricades et l’intransigeance de leurs auteurs. Deuxièmement, il a saisi par téléphone les responsables de la Spm pour réclamer “ une forte somme d’argent ” avant le lendemain midi en vue d’acheter trois litres d’essence à chaque conducteur de mototaxi pour que la société ne soit pas attaquée. Et puisque ces derniers n’ont pas réagi, la direction de cette société a été attaquée le lendemain. Troisièmement, le leader d’opinion a tenu une réunion nocturne le 25 février après avoir contacté les responsables de la Spm, avec environ 70 personnes, sans autorisation préalable du sous-préfet. A côté du “ constat ” du juge d’instruction, environ huit personnes témoignent contre Lapiro dans l’ordonnance de renvoi et leurs déclarations viennent illustrer ces arguments. Parmi ces témoins, le sous-préfet de Mbanga, le maire de la commune rurale, les responsables de société, …
Mais pour Lapiro de Mbanga, tout cela n’est que du bluff, l’objectif étant de salir sa notoriété en trouvant des boucs émissaires à une malgouvernance contre laquelle des jeunes ont saisi l’opportunité de la grève des transporteurs pour s’élever. Comment défend-il cette manière de percevoir ce qui se passe ?



Source: Le Messager


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