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Science sans conscience et âmes en ruine au Cameroun
(19/11/2013)
En septembre 2013, le professeur Narcisse Mouelle Kombi a fait paraître La démocratie dans la réalité camerounaise: Libertés, légitimité et modernité politique sous Paul Biya chez Dianoia.
Par Eric Essono Tsimi

En l'absence de toute évocation critique dans la presse internationale ou la presse nationale indépendante, je vais me limiter à une critique destructrice, réservant pour une sortie ultérieure des impressions plus détaillées, que je peux aussi fournir sur demande. Jacques Fame Ndongo, Nguélé Abada et toutes les éminences grises qui s'extasient en lisant leur confrère, ont dit tout le bien qu'ils pouvaient et se sont opportunément retrouvés à l'Hôtel Hilton pour des critiques constructives. Au menu: célébrations, concélébrations et éloge de la médiocrité.

D'entrée de jeu, le titre vous dit qu'il est urgent de ne pas ouvrir cet ouvrage. Et si vous voulez vous rendre plus loin que l'intitulé kilométrique. Si, par obstination, vous allez à la quatrième de couverture, vous vous heurterez à un condensé des insuffisances de ce pavé parfois mal écrit de 371 pages. En deux paragraphes, on a fait le tour, les incorrections ortho-typographiques (comparez l'alignement du premier paragraphe par rapport au second qui réussit, lui, l'exploit de ne tenir qu'en une phrase alambiquée) sont consternantes.


L'obsolescence des "connaissants"

L'incontestable savant campe dans cet ouvrage le rôle d'un chasseur de lieux communs, qui se fait de sa science un prétexte et un artifice d'égale valeur que des plumes de paon. Il nous rappelle tous ces courtisans qui prennent une durée géologique pour produire une œuvre mais nous fournissent à la fin un résultat indigne à jamais de figurer dans google scholar.

Écrire sur le président Biya, en des termes aussi déconnectés de la réalité palpable, c'est se moquer de sa propre réputation posthume, c'est comme vivre dans une cage de Faraday ou au fond d'un tonneau d'où on est protégé de tout.

Le professeur Kombine ne s'est pas intéressé à réécrire son propre mythe, celui de Narcisse, il essaie juste d'entrer dans la joie de son maître, d'assurer avec assiduité ses fonctions d'ouvrier des dernières heures du biyatisme. Ouvrier de la dernière heure, c'est-à-dire en des termes ni bibliques ni catholiques, croque-mort et fossoyeur.

La courtisanerie constatée, dénoncée et raillée in limine litis, les autres faiblesses de cette publication semblent avoir été résumées dans le même élan. Il nous suffit donc d'énoncer une vérité générale qui la disqualifie. Ceux qui n'ont pas souffert le fer ou le feu, les privations, les frustrations, les abus ou la misère, ceux qui ne savent pas ce que c'est que de manquer du strict minimum ne peuvent rien écrire de grand sur notre cher Cameroun, Ppte et Pmsm: pays qui, dans mon lexique personnel, manque du strict minimum.

Faut-il être un chroniqueur déprimé pour le lire? Ou bien un camarade complaisant? Le maigre peuple de ses lecteurs sait que l'ouvrage en question n'a aucune pertinence académique, aucune crédibilité scientifique malgré ses atours, aucun intérêt littéraire, c'est tout juste s'il pouvait en faire une pièce de théâtre.

Plus griot que poète, l'auteur est aussi plus dramaturge que scientifique. Il a le génie de la célébration du ridicule. À sa manière de machiner les petites réalisations Paul Biya, deus ex machina ad hoc, on se demande de quelles "unité nationale", "démocratie", "paix", "gouvernance" le ministrable en quête de ministère veut-il parler?

Son talent dans ce livre est essentiellement dramatique! Cette impression d'art inattendu est encore visible du fait de sa logique de cautionnement du burlesque reviré du pathétique (le Rdpc est présenté comme une formation démocratique, le Cameroun comme un État moderne, il n'y a pas de prisonnier politique au Cameroun, les femmes sont impliquées dans la gestion du pouvoir).

Seul l'art s'accommode aussi bien de la transgression de la vérité et de la torsion du réel. Le dramaturge (suppléant?) qui est à l'œuvre dans ce bouquin nous livre des scènes d'un comique exécrable. Ses illustres confrères n'ont pas hésité à surenchérir en affublant Paul Biya du titre de "Emmanuel Kant de la politique ", à quoi on aurait ajouté "le Copernic de la démocratie, le Keynes de la gouvernance, le Will Kymlicka de l'unité nationale."

Les Camerounais veulent des œuvres de dissidents, des cris de Spartacus, pas simplement les marafades de ceux qui ont été déclassés par les jugements de la Cour, même si au passage on adore les gesticulations tourmentées de l'ancien ministre tombé en disgrâce. Les Camerounais veulent des élites qui les défendent et qui s'indignent.

Mauvais génie de l'art dramatique et généalogiste honteux de la dictature, Narcisse Mouelle Kombi écrit une motion de soutien éclairée qu'il fait publier chez un éditeur qu'on croyait à peu près sérieux parce que l'étymologie grecque de sa dénomination (Dianoia) est un si bel espoir pour le lecteur, et parce qu'il a par exemple, dans son catalogue, Le Sacre des Indigènes de Janvier Onana.

À quoi pourrait-on comparer cet ouvrage ?

À du mauvais cacao. Jetez le au feu et je le réécrirai en trois jours. Matériellement, c'en est un, mais en réalité ce livre n'est pas un livre. C'est un monstre scientifique, un bâtard culturel, un objet à déconseiller à toutes les âmes sensibles à la misère de leur prochain et éprises de morale publique. La décence aujourd'hui c'est d'attendre que Biya ne soit plus là pour en dire du bien. Il ne veut pas ne plus être là, alors on ne veut pas en entendre du bien.

On ne peut aimer en lui aucun mérite. Il a un bilan chevillé au corps. C'est dans les trente années passées à ne rien faire qu'on retrouve la plénitude de ce qu'il a pu apporter à ses chers compatriotes. Appeler Paul Biya un démocrate, c'est pencher à tous les amours aveugles et se moquer de la gueule du monde.

L'Église elle-même ne béatifie ni ne canonise les vivants: il faut au minimum être mort. Remettre sans cesse le président Biya au centre de toutes les attentions, sous le couvert de la science, est, dans le contexte actuel, à la fois une basse courtisanerie envers le sommet et une provocation contre la base. La démocratie dans la réalité camerounaise du conseiller technique doit être comparée à une femme au collier duquel on retrouve de jolies perles.

Sa science est une prostituée en tenue d'artiste et parfum bon marché. Sa réflexion ne vaut que si elle est un appel subtil à mettre le président Biya en condition minimale d'être béatifié. Dans l'esprit de l'hagiographe, santo subito veut peut-être dire succession illico. Allons savoir!

Où le peuple est le pion de la religion (Marx revisité)

Entendons-nous pour appliquer enfin la peine de mort, toujours prévue dans notre code pénal, au prochain homme de science qui voudra nous faire son Pangloss, et nous écrire que tout au Cameroun va pour le mieux sous le meilleur des dirigeants possibles.

Grâce aux Brasseries et aux Églises (fermées il y a peu par décret et rouvrant depuis peu par l'opération du Saint-Esprit), grâce à la religion et à une espèce de syndrome de Stockholm, la souffrance, le malaise et le retard palpables, que nous accusons à chaque seconde qui passe sous Biya, nous paraissent choses naturelles et peu honteuses.

La science ne peut encore rien nous dire de Paul Biya, elle fait une faute (thématique, axiologique, méthodologique) en s'intéressant de la sorte à l'homme-dieu d'Etoudi. Qui règne à partir d'un îlot de luxe, un palais pourvu de toutes les commodités possibles et imaginables, mais à quelques mètres duquel, l'eau courante ne coule qu'au compte-gouttes. On se ravitaille dans les rivières!

À Emana et à Etoudi proprement dit, c'est tout le monde qui dîne aux chandelles, l'énergie alimente comme elle peut. La sécurité y est ce qu'elle est: il y a quelques mois un journaliste du quotidien Le Jour a été sauvagement assassiné dans les environs du palais, sans que cela ne trouble le sommeil du souverain. Qu'on imagine se reposant en permanence sur les lauriers tressés par ses conseillers spécieux. Dormant sur ses deux oreilles. Du sommeil des justes.

On sait que souvent universitaire ou chercheur ne sont encore au Cameroun que des catégories administratives. Dans l'Administration de ce peuple de fonctionnaires, l'élément le plus intègre ne résisterait pas à quelques millions bien placés.Et pour cause, quand on vit dans un pays promoteur des fiefs et protecteur des serfs, tout le monde n'aspire plus qu'à s'asservir volontairement, à se prostituer, à s'esclavager, au point que le Walk Free Foundation et la Fondation Mo Ibrahim nous ont distingués comme un peuple d'esclaves.

Où l'on perpétue l'habitude du malheur (Remember Mongo Beti)

Où en est-elle, qu'est devenue au juste la décentralisation, qui devait anémier tout ce qu'il y a de central dans ce régime? Enterrée avec pères, maires et conseillers municipaux dans des fosses communes? C'est à vous rendre sympathique d'avoir eu la plus mauvaise idée politique formulée et défendue depuis la démission d'Ahidjo: fédéraliser le Cameroun.

Non, non, professeur... Alfred Jarry! Si, si, la seule politique réussie depuis trois décennies est celle de la non-assistance à une jeunesse sinistrée et sans cesse vieillie, celle de la mise en danger de la vie de cette même jeunesse, par la pérennisation d'un pouvoir vampire, suceur de sang et buveur de vies. La paix n'est ici qu'un slogan et une modalité de l'accaparement du pouvoir.

La morale? Voici un livre inutile qui mérite un zéro pointé, parce qu'il n'apporte rien aux Camerounais et n'ajoute rien à la gloire déjà éternelle de Paul Biya. Il y a une expression proverbiale qui énonce avec beaucoup de bon sens que: quand on n'a rien à dire, on se tait. Dans un accès de rage scientifique, l'illustre professeur a dû surinterpréter et comprendre: quand on n'a rien à dire, on écrit !


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