Les dessous de l'arrestation de Liman Oumaté
Assis devant son verre de limonade, Liman Oumaté attend un membre de sa famille qui avait préalablement pris langue avec les dignitaires de l'Extrême Nord. Ils veulent acheter son silence contre 300 millions de francs Cfa négociés. Dans les parages, apparemment distraits mais vigilants, les éléments du State Security Service( Sss) observent comment les services camerounais opèrent. Ils attirent l'attention de Liman sur une mallette bourrée de pain et de billets de banque, avant de lui verser une drogue à l'effet immédiat dans son verre ; Liman Oumaté s'effondre aussitôt dans un sommeil involontaire. Le mou rappel des Sss du non respect de la Convention de Genève sur la protection des réfugiés s'estompe face aux liasses de Cfa qui leur sont remises.
Actuellement en détention dans les locaux de la direction générale des Recherches extérieures (Dgre) à Yaoundé, a déclaré non sans embarrasser les autorités autour de lui, qu'il " sera président du Cameroun en 2011. Si je ne le suis pas, ce sera un de mes éléments qui va l'être parce que tous ont été préparés et ils vont devoir agir… ". Si cette sortie fait l'objet de différentes interprétations en ce moment dans divers services spécialisés de la République, elle fait partie des éléments qui laissent interrogateurs sur l'état mental de celui qui se présente lui-même comme le chef du Mouvement de libération des Monts Mandara.
Quelques jours après son arrestation, par une mission mixte camerouno-nigériane soutenue par le vice-Premier ministre chargé de la Justice Amadou Ali et le président de l'Assemblée nationale, Djibril Cavaye Yeguié des langues se délient sur les incoordinations de cette opération. L'on sait par exemple que " l'état major de monsieur le préfet constitué des autorités judiciaires et des responsables des forces de maintien de l'ordre attendaient à la préfecture qu'on leur apporte Liman Oumaté pour qu'il soit entendu. " Ce qui n'a visiblement pas été fait. Puisqu'une fois au Cameroun, Liman Oumaté Malloum Boukar a été conduit dans la résidence du maire de Mora, Abba Boukar. Un état de choses qui a irrité le préfet du département du Mayo-sava et ses proches.
Amadou Ali
Pour les autorités de administratives, judiciaires et militaires du département, " quelque soit l'affaire en question, les autorités judiciaires du département devaient d'abord au moins entendre le mis-en cause. C'est de la compétence territoriale des juridictions du département. Comment comprendre que pendant de nombreux mois, nous ayons mené des opérations sur le terrain en vue de rechercher Liman Oumaté et qu'il ne soit pas mis à notre disposition aussitôt après son arrestation? ", s'est interrogé un proche collaborateur du préfet du Mayo-Sava. Ce d'autant que les tractations conduites par le commandant sortant de la compagnie de gendarmerie de Mora au niveau de Amchidé à l'endroit des "convoyeurs du colis" ont échoué.
D'après nos sources en effet, le commandant de la compagnie de gendarmerie aurait reçu des instructions du ministre de la Défense, tenant au contrôle des opérations de transfert de Liman Oumaté Malloum Boukar à Yaoundé. Ce à quoi les membres de la mission spéciale constituée des membres de la garde conjointe de Cavaye Yeguié et d'Amadou Ali ont répondu par la négative. Parce que selon un officier qui a pris part à l'arrestation du chef rebelle du Mlpc, " on ne pouvait pas prendre le risque après toute cette opération de laisser entre les mains de la gendarmerie Liman Oumaté. Ce n'était pas normal. Et puis, le président de l'Assemblée du nationale a dû recourir à la présidence de la République pour la conduite à tenir".
C'est ce qui semble avoir justifié le fait que Liman Oumaté ait été mis à la disposition de la direction générale de la Recherche extérieure pour exploitation sur instruction, dit-on, de la présidence de la République. Des éléments déjà postés dans le département du Mayo-Sava ont ainsi pris le contrôle des opérations. Le transférant de Mora à Maroua, où Liman Oumaté a passé la nuit dans un service public; ceci faute de cellule, à l'antenne locale de la Dgre. Avant d'être conduit à Yaoundé par vol par vol militaire jeudi dernier. Un transfert qui a été suivi d'après nos sources, par l'interpellation toujours au Nigeria vendredi dernier, de Brahim Blama, ancien maire du Local Government de Bama. Ce dernier est selon toute vraisemblance, un personnage central dans l'interpellation de Liman Oumaté Malloum Boukar.
Présenté comme ayant des parents au Cameroun, il aurait contribué à monter l'opération qui a permis de cueillir Liman Oumaté à Maïduguri. De ce fait, des observateurs et des sources proches du dossier remettent en cause l'effectivité de la collaboration entre les éléments de la mission camerounaise et les services spéciaux nigerians. Ils pensent en effet que sur simple délation, Liman Oumaté a été cueilli. Toujours est-il que, sur un air de jubilation, Amadou Ali, au cours du séminaire du Rdpc organisé dimanche dernier à Mora, a affirmé faisant allusion à l'interpellation de Liman Oumaté que, " nous nous félicitons de ce que nous apportons. Surtout que nous savons remporter des victoires. Et surtout les victoires les plus délicates. "
Source: Quotidien Mutations
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