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Quotas dans le football français : de qui se moque-t-on ?
(05/05/2011)
Une lecture simple du verbatim de la réunion entre Laurent Blanc et ses acolytes permet de voir que ce n'est ni plus ni moins qu'un plan vigipirate contre les noirs et les arabes qui était évoqué.
Par Rédaction Bonaberi.com
Il y a quelques jours, Mediapart a publié le Verbatim d’une réunion entre Laurent Blanc, sélectionneur de l’équipe de France de football et certains décideurs de la Fédération, discutant des problèmes de la formation française et entre autres, des noirs et des arabes.

Pour recentrer le débat avant d’analyser les balles que s’est tiré l’ancien champion du monde dans le pied, il faut définir clairement ce dont il est question. En effet, on a parlé de racisme, de discrimination, de simple projet pour l’avenir de la France…

Pour résumer la position de l’entraîneur français, il y a en France deux problèmes : tout d’abord celui de la qualité de la formation, mais aussi du nombre d’internationaux français issus des centres de formation. Concernant le premier point, cette formation a baissé parce que les critères de recrutement sont trop orientés sur le physique, qui avantage donc de facto les « grands Blacks ». Il faut donc pour lui changer ces critères pour filtrer un peu plus cette population et avantager les gabarits plus petits et de fait plus techniques.

Sur le second point, le plus problématique pour Laurent Blanc, trop de joueurs formés par les centres français disent au revoir à l’aube de la carrière internationale pour aller embrasser les couleurs africaines : Frédéric Kanouté, Gaëtan Bong, Ben Saada, qui ont joué en espoirs avec la France. Une situation inacceptable pour l’ancien capitaine de l’Olympique de Marseille.

Pour régler les problèmes de la formation française, qui n’a plus son rayonnement d’antan avec les si bons crus cannois ou nantais, il faut donc mettre des quotas sur les noirs et les arabes. D’une pierre, on ferait deux coups : on améliorerait la diversité des personnes formées en filtrant les « grands blacks », et on aurait moins de joueurs allant au final jouer pour d’autres pays.

Rien de bien méchant donc. Seulement, si de prime abord les problèmes soulevés par Blanc sont réels, les solutions ont un réel relent de racisme, de discriminations et de préjugés indignes d’un entraîneur voulant ramener en France les valeurs du sport après le désastre de l’épopée sud-africaine.


Le problème des binationaux exprime l’égocentrisme à la Française dans toute sa splendeur, ainsi qu’une ignorance du fonctionnement du sport à la Française. Pour remonter à 1998, et la victoire en coupe du monde dont Laurent Blanc a fait partie, Marcel Desailly, Patrick Vieira, ne sont pas nés Français. Ces illustres noms de l’équipe de France font donc partie d’une politique claire de la France d’importation des talents. On pourrait citer après Claude Makélélé, Patrice Evra, Jean Alain Boumsong...

Il faut donc porter des œillères pour se réveiller en 2011 et se prétendre choqué de voir des joueurs rejoindre des pays avec lesquels ils ont des liens de filiation, lorsque depuis plusieurs années on a eu des flux dans le sens inverse de personnes naturalisées. Si l’on dépasse le cadre du football, on pourra penser à Vencelas Dabaya, médaillé en 2008 aux J.O. de Pékin en haltérophilie avec la France après avoir concouru en 2004 sous les couleurs camerounaises. Françoise Mbango, double championne olympique avec le Cameroun, pourrait bien défendre son titre en 2012 en bleu-blanc-rouge. La position de Blanc, compréhensible toutes autres choses mises à part, n’est pas pertinente et semble dangereusement exprimer le fait que la France peut se servir en Afrique, mais que l’inverse n’est pas vrai.

Pour se défendre, l’ancien coach de Bordeaux a précisé qu’il se voyait choqué de voir des gens jouer en espoirs pour la France et rejoindre l’Afrique en équipe A. Une connaissance superficielle du football et quelques statistiques montrent bien qu’il s’agit d’un réel problème de riches. En effet, en général dans le football français et même ailleurs, les bons joueurs jouent directement en équipe première : Thierry Henry, Nicolas Anelka, Patrice Evra, Zinedine Zidane, David Trezeguet et de nombreux autres ont joué en équipe A dès 17, 18 ans.

Et plus que de voir des espoirs confirmer en équipe première, c’est plutôt l’inverse qui se produit souvent, à savoir que les jeunes de l’équipe A viennent dépanner les espoirs. D'ailleurs, de l’équipe des U-17 champions du monde en 2001, un seul a joué en équipe de France : Sinama Pongolle qui a eu… une seule sélection. Les autres qui le pouvaient sont allés jouer pour des pays africains, et ceux qui n’avaient pas d’autres choix n’ont pas eu de carrière internationale.

Ce n’est un secret pour personne, les personnes qui rejoignent l’Afrique au « détriment » des sélections européennes sont en général des joueurs sachant très bien qu’il n’y aura aucune place pour eux en équipe dans les autres sélections, plus que des traîtres non reconnaissants des investissements de leur pays sur eux. Et c’est là où se pose le problème dans la position de Laurent Blanc, pour qui un joueur formé par la France devrait lui appartenir à vie, pour le principe ou au cas où. Pour ne citer qu’un exemple, pour qu’un Gaëtan Bong se voie accorder une chance, il devrait prendre la place d’Eric Abidal, de Patrice Evra ou de Gaël Clichy.

Deuxièmement, sans en avoir l’air, cette position est parfaitement raciste et discriminatoire. En effet, le racisme ne consiste plus aujourd’hui à pointer le noir du doigt en lui jetant des bananes et en imitant des cris de singe, mais réellement à discriminer sur des préjugés raciaux une personne de race différente.

En effet, imposer un quota aux Français qui ont une ascendance africaine consiste ni plus ni moins à les différencier des autres Français, ou plus simplement des personnes de race blanche, des Français dits pure souche. Et cela, c’est renier tous les concepts d’intégration que prétend défendre la France depuis 20 ans. Un premier rappel des choses est à préciser : de nombreux pays africains n’autorisent pas la double nationalité ; toute personne naturalisée ou née avec une nationalité étrangère ne peut être Camerounaise. Bong, Mboma, Assou-Ekotto, Bassong ou Job n’ont donc jamais été binationaux : ils ont été des Français à part entière naturalisés Camerounais ensuite. Plus généralement, en Afrique, une dizaine de pays tout au plus autorise la double nationalité.

Une autre question, plus subtile mais non moins intéressante peut-être posée : de nombreux joueurs français ont des ascendances belges, suisses, luxembourgeoises. Est-ce qu’ils font partie du fameux lot des binationaux ? Et pour aller plus en profondeur, sur quels critères expliquera-t-on à un jeune Français d’une dizaine d’années né en France qu’il n’y a plus de place pour lui en centre de formation ? Lui dira-t-on que c’est parce qu’on n’est pas sûrs de son allégeance ? Ou parce qu’il y a déjà trop de noirs dans le football français ? Dans la même lignée, on pourrait dans les universités et écoles publiques, diminuer ces quotas, puisqu’on n’est pas sûrs qu’un jour les personnes formées n’iront pas travailler à l’étranger.

Le second point soulevé par Laurent Blanc, c’est la qualité technique des joueurs. Pour Laurent Blanc, le football français perd en qualité technique. Avant d’analyser cette position, on notera que le football français est peut-être au niveau qu’il mérite. En effet, il est intéressant de noter que des quatre joueurs français ayant obtenu le ballon d’or, 3 avaient une ascendance étrangère : Michel Platini avec l’Italie, Raymond Kopa né Raymond Kopaszewski d’origine polonaise, et enfin Zinedine Zidane d’origine algérienne.

Pour revenir sur la qualité technique des joueurs, s’agit-il réellement d’un problème de grands blacks ? Il s’agit plutôt d’une politique à la Française qui préfère les grands gabarits aux petits techniciens. En effet, en faisant un parallèle rapide avec l’Angleterre, on verra Ian Wright, Shaun Wright Phillips, Ashley Cole, Kieran Gibbs, Kieran Richardson, Keron Dyer, Aaron Lennon, Jermaine Jenas, Kieron Dyer… Autant de joueurs formés en Angleterre et ayant portés les couleurs de leur pays, des « Blacks » plus connus pour leur technique, leur capacité à dribbler et à perforer les lignes adverses que pour leur carrure de blacks grands et costauds.

Les Pays-Bas ne sont pas différents puisqu’on peut penser à Kluivert, Edgar Davids, Clarence Seedorf, Markus Babel, Jimmy Floyd Hasselbaink, de nombreux joueurs dont le bagage technique n’est plus à démontrer. Pour peu qu’on regarde un peu au-delà de l’exemple français, on peut se rendre compte que considérer que le niveau technique des joueurs français est en baisse parce qu’il y a plus de noirs, c’est faire preuve d’une rapidité de jugement décevante pour le pays des droits de l’homme et de l’intégration.

En effet, en y regardant de plus près la mentalité à la Française, on se rendra compte que la décrépitude du football ne fait que refléter le pays, où l’on préfère les petites voitures faciles à garer aux belles berlines bien voyantes. Dans le football, un entraîneur français préfèrera un joueur plutôt sobre, facile à gérer qu’un technicien capable de dynamiter une défense. Et ce n’est pas un hasard si des joueurs comme Cantonna, Ginola, Ben Arfa, Menez, et d’autres ont été soit les enfants terribles du football, soit ont du s’exiler pour exploser au plus haut niveau.

Pour régler le problème donc, il suffirait de changer les critères de recrutement, les mentalités et conception de jeu, et les effets s’en feraient sentir à moyen et long terme. Assimiler un phénomène profondément ancré dans les mentalités à la simple présence d’une communauté raciale est un amalgame dangereux, répréhensible.

Les conséquences de tels amalgames, au-delà des connotations réellement racistes, pourraient d’ailleurs être désastreuses pour une communauté pour laquelle le sport en général et le football en particulier est un gros facteur d’intégration. Des effets à priori non décelables et qu’il serait difficile de corréler à la mise en application du « plan vigipirate pour les noirs et les arabes », mais qui seraient bien réels.

Vouloir relativiser le débat en affirmant que Laurent Blanc n’est pas raciste, c’est déplacer la question réelle et finalement faire un pas en arrière dans le combat pour l’intégration de cette autre France qui se cherche. Tout comme il est difficile de démontrer combien de personnes issues des communautés noires ou arabes ne trouvent ni emploi ni logement à cause de leurs traits, il est tout autant difficile de parler de racisme dans les propos ou dans les pensées du sélectionneur.

Mais dès lors que les propos de Laurent Blanc, responsable d’une institution en France, traduisent des préjugés, ont pour but de volontairement établir des discriminations sur des personnes issues d’une communauté, il y a donc racisme, à savoir différenciation de personnes sur le seul critère de la race. Et en ce point, la démission de Laurent Blanc est nécessaire.

Et cela d’ailleurs, le sélectionneur le savait parfaitement, car il a bien précisé que toute décision devait être officieuse : « On peut s'organiser, en non-dit, sur une espèce de quota. Mais il ne faut pas que ce soit dit ».


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