La Cameroon Airlines a mis la clé sous le paillasson
Le 11 septembre dernier, au cours d'une sortie médiatique en direct sur trois
chaînes de télévision privées, Yves Michel Fotso s'est présenté comme un
homme propre au sujet de sa gestion de la Camair, la défunte compagnie aérienne
nationale. L'ancien administrateur directeur général de cette entreprise, encore
en proie à des dénonciations dans sa conduite des affaires de cette société à
capitaux publics (entre 2000 et 2003), s'est même présenté comme une sorte de
messie qui a sauvé la Camair de la banqueroute à cette époque-là : "Lorsque
j'arrive, le chiffre d'affaires est de 56 milliards. Il n'y a pas de
comptabilité. Les trois années qui ont précédé, les pertes cumulées s'élèvent à
33 milliards, par rapport au chiffre d'affaires. Ça fait 60% qui est perdu. Je
le fais passer de 56 à 92 milliards. J'institue une qualité de service telle que
les Nations Unies, la Banque mondiale, nous recherchent (…) ", a-t-il
déclaré devant les téléspectateurs de Canal 2, Equinoxe Tv et Stv.
Mieux encore, ces "performances" réalisées à la tête de la Camair, le fils du
milliardaire de Bandjoun les a obtenu grâce à la magnanimité du groupe
d'entreprises familiales qu'il dirige : les comptables du groupe Fotso ont été
mis à contribution pour mettre en place une comptabilité à la Camair, la
Commercial Bank of Cameroon, le bras financier du groupe Fotso, a, apprend-on de
Yves Michel Fotso, plusieurs fois effectué des virements (non remboursable?) au
profit de la Camair, afin de la maintenir en vie. Bref, à en croire M. Fotso,
son passage à la tête de la Camair a été marqué du sceau du succès. Sans plus.
Une thèse que réfute totalement Thomas Dakayi Kamga, successeur de
Yves Michel Fotso à la Camair, qui, dans une interview accordée à Mutations
au lendemain de la sortie télévisée de son prédécesseur, soutient qu'il a
"hérité d'une entreprise très endettée".
Confusion totale. Surtout dans la mesure où, selon le liquidateur de la Camair,
Emile Bekolo (lire interview ci-dessous), qui corrobore la thèse de
l'endettement excessif de la Camair, la défunte compagnie aérienne cumule des
dettes qui s'élèvent à ce jour à 100 milliards de Fcfa, contre 10 milliards
seulement d'actifs. Conclusion : il faut aujourd'hui trouver 90 milliards de
Fcfa pour payer tous les créanciers de la Camair. Au demeurant, à supposer que
Yves Michel Fotso a laissé une compagnie performante -ce que lui conteste son
successeur- l'on peut être fondé à penser que ce lourd endettement a été
contracté pendant la gestion de Thomas Dakayi Kamga, nommé à la tête de la
Camair après Yves M. Fotso, d'une part ; et de Paul Ngamo Hamani, désigné
administrateur provisoire de l'entreprise après le limogeage de Dakayi Kamga,
d'autre part./p>
A ce propos, on se souvient qu'au mois d'avril dernier, l'ancien administrateur
provisoire de la Camair avait été sommé par le ministre des Finances, Essimi
Menyé, de rendre un rapport sur sa gestion dans un délai de trois mois. En plus
d'éclairer la lanterne du gouvernement sur la gestion des fonds décaissés par le
Trésor public pour maintenir en vie une entreprise alors agonisante, ce rapport
est susceptible d'apporter des précisions -si ce n'est un autre son de cloche-
sur le niveau d'endettement de la Camair et les origines de cette situation,
avant la cessation des activités de la compagnie en mai dernier. Selon nos
informations, ledit rapport a été bel et bien remis au Minfi à date, lequel n'a
rien laissé filtré sur son contenu jusqu'ici. Bien qu'il ait été envisagé,
apprend-on de sources proches du chef de ce département ministériel,
l'organisation d'une cérémonie solennelle de présentation dudit document.
A en croire les mêmes sources, après avoir été transmis au ministre délégué au
Finances chargé du Budget pour appréciation, le rapport Ngamo a été transmis à
la Commission technique de privatisation et de liquidation des entreprises
publiques et parapubliques (Ctpl). A la demande du procureur de la République
près le tribunal de grande instance du Mfoundi, lequel a saisi le ministre des
Finances par écrit, une copie de ce document se trouve actuellement aux mains
des enquêteurs de la direction de la police judiciaire, qui mène depuis quelques
mois une enquête sur l'affaire Albatros dans laquelle la Camair a, à un moment,
joué un rôle prépondérant. Est-ce ce qui justifie le mystère entretenu autour du
contenu de ce rapport ?
Voir aussi :
Emile Bekolo : la Camair a 100 milliards de dettes
Source : Mutations
|