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Problèmes et problématique des langues maternelles au Cameroun
(03/10/2009)
Parmi les aspects négatifs de l’héritage colonial en Afrique, se trouvent en bonne place les résultats de la « politique de la table rase ». La culture a payé le prix fort de cette politique impérialiste. L’abandon, voire le rejet des langues locales, fait partie de ce triste bilan.
Par Benjamin Guifo

«  Dans moins de dix ans, les Africains parleront anglais, la technologie qu'ils emploieront sera américaine,
leurs élites seront éduquées aux États-Unis, nous resterons quant à nous coupés
de nos racines africaines, recroquevillés sur une Europe frileuse, incapables alors d'être une puissance écoutée. »
(Pr Bernard Debré Ancien Ministre français de la Coopération) [1]

Au Cameroun, les ravages de cet impérialisme ont été et continuent d’être catastrophiques .Le constat est amer : plus les générations s’écoulent, plus le ciment identitaire s’écroule. Ce qui est plus choquant c’est que, face à cette phase de substitution, voire de décomposition de notre culture, les peuples et les pouvoirs publics semblent peu conscients. Ces derniers qui devraient être les avant-gardistes et les locomotives de l’intégrité et de l’identité culturelles du pays semblent avoir démissionné. Dans le pays, il n’existe pas vraiment de politique culturelle. A la place de la culture proprement dite, telle que vécue au quotidien par les populations, et des industries culturelles bien pensées et mises sur pied, on assiste de part et d’autre et de façon sporadique à des manifestations folkloriques d'une portée limitée dans l’espace et dans le temps.




Genèse et quelques raisons de l’effondrement

La décadence des langues maternelles au Cameroun ne fait plus l’ombre d’aucun doute. A partir des observations dans les familles, à la lecture des articles et autres ouvrages des spécialistes de la question, on se rend compte, et ceci sans effort particulier, que les langues de nos ancêtres sont en voie de disparition. La question qui nous vient à l’esprit est celle de savoir pourquoi ?

Nous pouvons considérer la colonisation comme la première cause de l’abandon et de la négation de nos langues. En effet, avec sa politique impérialiste (avouée et non avouée), l’ « Homme blanc » dès son arrivée sur les berges du wouri (littoral du Cameroun) s’est donné pour première mission d’imposer sa langue aux « peuples primitifs ».Des allemands aux anglais, sans oublier les français, tous, à des rythmes et stratégies différents et variés, ont laissé leurs marques, linguistiquement parlant, sur le peuple camerounais.

Une fois l’indépendance (du moins politique) acquise en 1960, le virus de l’impérialisme a continué ses ravages au Cameroun. Les nouveaux administrateurs locaux ont poursuivi, voire amplifié la colonisation, histoire sans doute de montrer à leurs « patrons blancs» qu’ils sont dignes de la confiance placée en eux et  qu’ils peuvent en toute efficacité perpétuer leurs œuvres et leur volonté.

Ainsi, les administrateurs locaux n’ont pris aucune initiative pour rétablir et promouvoir les langues locales. Sur le plan officiel, on assiste à ce qu’il convient d’appeler un « génocide des langues locales » car le Cameroun est défini comme étant un pays bilingue où sont officiellement reconnus le français et l’anglais.
A l’école, haut lieu de la diffusion des connaissances et de la fabrication de la conscience, les langues locales sont simplement inexistantes
La reconnaissance des deux langues (officielles) au Cameroun, signifie l’inexistence de toute autre langue. Nous nous retrouvons là dans un pays linguistiquement extraverti. L’identité linguistico-culturelle va alors se chercher dans un ailleurs qui ne prend pas (toujours) en compte les spécificités socio-psychologiques locales.

Comme si cela ne suffisait pas, depuis les années 1990, le Cameroun se noie de plus en plus dans les images diffusées par des télévisions occidentales. Très vite, le jeune enfant, qui résistait jusque là à l’invasion linguistique occidentale, n’a plus eu besoin d’aller à la rencontre du français et/ou de l’anglais, mais il l’a trouvé jusque dans sa maison, voire dans sa chambre. Ainsi, l’enfant de Metet, de Makak de Bandjoun, de Ngaoundal,, de Lolodorf de Mamfé ou de Wum qui passe le plus clair de son temps à regarder des programme de Disney Channel, Tiji, Teletoon, Ciné cinéma, sera alors plus proche des langues occidentales. Il sera inconsciemment amené à réfléchir et à exprimer sa pensée en ces langues. Et même à voir et à percevoir le monde comme les autres. L’Internet et les autres outils des Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication, sont venus enfoncer le couteau dans la plaie. Sur les milliers de pages web que visitent les internautes tous les jours, y en a-t-il en nos langues locales ? Combien traitent-ils de nos langues maternelles ?



Conséquences de l’extraversion linguistique

Il nous semble inutile de rappeler que la négligence des langues maternelles a des conséquences graves et profondes. Il serait présomptueux de faire un inventaire exhaustif des conséquences de l’abandon de nos langues locales.

La relation qui existe entre la langue et la culture, est indéniable. Tous les linguistes sont d’accord que la langue véhicule une culture. Ainsi, on n'est pas surpris de constater que ceux qui ne parlent pas ( ou qui parlent peu) leur langue maternelle s’éloignent également des musiques, des mets, des habitudes agricoles... etc... de chez eux. Ils affectionnent les produits venus d’ailleurs et surtout de l’occident. C’est malheureusement le cas au Cameroun. Comme nous l’avons évoqué plus haut, de telles personnes sont au quotidien plus proches des autres que d’elles-mêmes. Elles auront alors tendance à réfléchir, à penser et à exprimer leurs pensées comme le font les autres. Avec un cerveau ainsi formaté, comment ne pas trouver une solution Y alors que le problème est X ?  nous sommes là au cœur d’une inadéquation doublée d’une incompatibilité problème-solution. Inadéquation dont les conséquences s’étendent à des domaines variés : politique, économique, social, éducatif, culturel, ...etc...

Ceci expliquant cela, on peut aisément déduire la raison pour laquelle le Cameroun a si mal à son développement. Une étude comparative entre l’Afrique centrale et l’Afrique de l’Ouest laisse voir que cette dernière est plus en avance sur l’autre (du point de vue démocratique, développemental…) car leurs langues locales ont une attention particulière et sans le principal instrument de communication.

Au vu des conséquences assez graves que provoque (ou peut provoquer) la décadence de nos langues maternelles, il nous semble important, voire urgent de mettre en place une politique de sensibilisation des citoyens sur la nécessité d’utiliser les langues locales, de les transmettre aux générations suivantes et de diffuser celles-ci dans les médias et autres moyens de communication.

[1] Bernard Debré. "Plaidoyer pour l'Afrique". Le Figaro. 9 février 1998.




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