Urbain Olanguena Awono n'est pas un quidam à Emana dans la banlieue de Yaoundé. Aussi, depuis l'annonce de son arrestation ce lundi au petit matin, le ballet des automobiles et des piétons qui passent au devant de la belle et immense résidence de l'ancien ministre de la Santé publique au bord d'une route asphaltée qui dessert cette zone résidentielle, jettent tantôt un coup d'œil furtif, ou encore un sourire au milieu de fausses interrogations au voisinage: "On l'a pris?"
"[i Ça c'est passé peu avant 7h du matin. Il devait être 6h45 je pense. Le ministre [Urbain Olanguena Awono] était en compagnie de son épouse. Les policiers qui étaient là s'y sont opposés. Ils ont demandé à tout le monde de descendre, puis ils ont fouillé la voiture. C'est finalement leur fils, le grand garçon de la maison, qui a pris le volant et conduit ses parents tandis que les policiers les accompagnaient ]", explique, Richard, un taximan, qui a vécu la scène.
La "maison du ministre", comme les taximen à moto agglutinés à l'orée du quartier l'appellent, était donc plutôt triste hier. Et la peinture blanche défraîchie du duplex surmonté d'une espèce de tourelle encastrée au milieu d'une plate-forme, semblait en rajouter à la mine déconfite de la cuisinière du maître des lieux,comme l'explique la vendeuse de beignets aux haricots frits à l'angle opposé de la demeure de la famille Olanguena.
Comme l'un des boys occupés à faire le ménage, les habitants de la demeure ne sortent que pour saluer sur le pas de la porte les rares visiteurs qui viennent aux nouvelles, ou vider les poubelles. Les deux policiers du Groupement spécial d'opérations (Gso) postés aux entrées pour surveiller les lieux imposent une discipline relativement passive aux allées et venues. Et quelquefois, comme les voisins, ils se laissent aller à blaguer avec quelque connaissance alentour.
Sous la frêle baraque qui sert aux mangeurs de beignets, l'on commente encore l'événement du jour. Si la vendeuse pense au sort de la cuisinière des Olanguena qui était prostrée les deux mains sur la tête comme "s'il y avait un deuil dans sa famille", elle n'en conclue pas moins que les histoires du gouvernement "ne sont pas bien." Un de ses clients, moins choqué, s'étonne qu'elle ne comprenne pas la peine de la cuisinière, "son tapioca peut finir". Manière de dire qu'elle peut perdre son travail.
Mais le sujet revient vite à la cause de l'arrestation. "[i La vérité va sortir. Où sont donc les gens qui assistaient à la réunion mensuelle chez lui hier soir [dimanche]]", dit un homme entre deux gorgées de bouillie de maïs. "Mais c'est pareil partout. Même si Biya part demain matin, plus personne ne se réclamera de lui et tout ce qu'il cachait sera su", juge la vendeuse. Notre taximan, sentencieux, a déjà conclu: "dans ce pays, dès que l'on te nomme, tu prends ta part." "Regardez, indique-t-il, en désignant une immense villa en construction. C'est l'ancien ministre des Travaux publics qui a commencé ça. Dès qu'on l'a limogé tout s'est arrêté! Heureusement il nous a prolongé la route avant." La première partie de la desserte du quartier aurait en effet été bitumée grâce à l'entregent du ministre en difficulté…
Urbain Olanguena est en effet un haut fonctionnaire qui avait déjà été au gouvernement du 7 décembre 1990 comme secrétaire d'Etat aux Finances. Peut-on reprocher quelque manquement dans sa gestion au ministère de la Santé publique durant cinq ans? Cet administrateur civil ne s'est pas encore vu signifier quelque charge. Bien que la Crtv indique que son domicile pourrait être perquisitionné. Mais trouvera-t-on chez l'enfant de Polo près de Sa'a dans la Lékié où il vit le jour il y a 53 ans, autre chose que quelques exemplaires de L'activité créatrice, contre la crise et la pauvreté (1995, Edi'Action, Yaoundé) et Le Sida en terre d'Afrique (Privat, 2007, Toulouse), ces ouvrages qu'il a rédigés pour vanter son engagement dans la lutte contre la maladie et pour le Rdpc, son parti ?
Source: Quotidien Mutations
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