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Lettre ouverte à Paul Biya : " les camerounais n'en peuvent plus ! "
(27/02/2008)
Après trois jours d'émeutes, de pillages et de scènes de chaos dans diverses villes du Cameroun, le Président Biya a enfin fait sa sortie. Remarquée, mais inutile, non constructive et inconséquente.
Par Rédaction Bonaberi.com (Yann Yange)

Monsieur Le Président, cher compatriote,

C’est avec une bonne part de tristesse, de mécontentement et de colère que l’on a accueilli votre sortie de Mercredi. Les évènements de ces derniers jours dans notre pays ont en effet beaucoup affecté le moral des camerounais, qu’ils soient de Paris ou de partout ailleurs au sein de la diaspora et l’on attendait sincèrement de vous des signes ostentatoires d’apaisement lors de cette allocution. Des signes clairs.

Malheureusement, et comme à votre habitude, vous n’avez pas entendu l’appel des Camerounais. N’étiez-vous pas avisés, M. Le Président, du fait que les émeutes récentes n’étaient que l’expression d’un profond malaise qui couvait déjà depuis cette annonce hasardeuse de projet de modification de la constitution ? Il aura fallu la mort d’un jeune compatriote samedi dernier à Douala, la fermeture d’une chaîne de télévision privée et une grève de transporteurs jumelée à un excès de zèle de vos courtisans pour que les choses dégénèrent en casses, pillages, vols et agressions ; car les Camerounais n’en pouvaient plus.

Les Camerounais n’en peuvent plus M. le Président.

Ils n’en peuvent plus d'être nargués par des gouvernants opulents qui ignorent les réalités les plus fondamentales du citoyen. Ils n’en peuvent plus d’être asphyxiés par une flambée des prix de produits dont la production est assurée dans leur propre pays. Ils n’en peuvent plus d’être moqués par une télévision nationale partiale et inféodée au pouvoir que vous vous évertuez tant bien que mal à incarner. Ils n’en peuvent plus de la répression et des privations systématiques de liberté. Les Camerounais n’en peuvent tout simplement plus, M. Le Président. Qu’ils soient femmes, hommes ou enfants !

Quand on a une police, une gendarmerie et une armée qui opposent des balles réelles aux réclamations contre la vie chère ; quand on a un Ministre de l’information, un « Kontchou » des temps modernes, qui oppose des fermetures de chaînes à des critiques vertement adressées à l’endroit de votre régime; quand on a un gouverneur zélé, à l'image de Faï Yengo, qui oppose à des velléités de revendications contre la modification de la constitution des interdictions de manifester arbitraires et des bavures policières, à quels résultats vous attendiez-vous concrètement ?

Excusez-nous de vous le dire, M. le Président, vous avez encore manqué là une occasion de vous distinguer.

Comme tant d’autres fois, vous avez répondu aux abonnés absents en plein cœur de la tourmente. Comme tant d’autres fois, vous vous êtes gaussés des camerounais en recevant pompeusement en audience des diplomates de seconde zone pendant que de jeunes compatriotes mourraient sous les balles de vos policiers. Aucune sortie publique, aucune déclaration, rien. Il aura fallu attendre ce Mercredi pour vous voir enfin éclore de vos dorures.

Et pour dire quoi ?

Rien de nouveau sous le soleil : un discours de quelques minutes, vide, menaçant et aussi inconséquent que condescendant. Aucune solution, aucune compassion, aucune perspective. Que nenni ! En lieu et place d'une allocution, vos scribes, M. le Président, vous ont pondu une injure en guise de réponse aux cris de détresse de tous les camerounais. Une mini déclaration de guerre en direct au peuple souverain. Que du dédain. Et une réaffirmation de cette prétendue autorité de l’Etat que vous pensez incarner depuis un quart de siècle. Nous rappelant ainsi à de vieux souvenirs, entre un « Me voici donc à Douala », « La conférence Nationale est sans objet » et un « Tant que Yaoundé respire le Cameroun vit ». La même arrogance et le même mépris que vous affichiez déjà dans les années 90. Comme quoi, on ne change pas les vieilles habitudes. Vous ne changez pas de fusil d'épaule.

Dans ce discours, M. le Président, vous n'aviez raison que sur un point : les pillages, les casses et les violences sur les personnes et les biens publics sont à condamner fermement. Mais pas parce que vous l’avez demandé ou parce que vous le suggérez, mais tout simplement parce que ce sont les camerounais, les vrais, qui ont le plus à y perdre dans cette affaire. Personne ne souhaite à notre pays, vous comme nous, ce qu’on a pu voir ailleurs en Afrique ces dernières années : il faut donc rapidement que les actes de vandalisme cessent sur toute l'étendue du territoire. Néanmoins, ce qui est tout aussi condamnable, et vous auriez peut-être dû le signaler, c’est l’inexpérience de vos forces de l’ordre qui, tels des cowboys en plein far west, tirent et balancent des bombes lacrymogènes à tout bout de champ sur de jeunes compatriotes pour la plupart sans défense. Dans des écoles, dans des maisons, dans les rues, partout. Tout cela est inacceptable. Inconcevable, M. le Président, pour toute personne éprise de liberté et de justice.

Que plusieurs jeunes camerounais meurent dans ces conditions, pour vous, c’est tout au plus « regrettable ». Que des jeunes se déchaînent sur les symboles de nos institutions et il ne faut bien évidemment y voir que des manipulations de ceux que vous appelez insolemment « apprentis sorciers ». Ne voyez-vous donc en ces révoltes, M. le Président, aucun message subliminal ? Aucune attente sociale ? Aucune aspiration populaire au mieux-vivre ? Pis, êtes-vous incapable de présenter des condoléances dignes de ce nom aux familles éplorées lors de ces émeutes ?

Non, tout cela vous est impossible. C’est impossible pour vous de faire preuve d’humilité. Normal, puisque tout va bien au Cameroun. La vie est belle, la démocratie suit son cours et tout le monde est content. Le Cameroun est un « Etat de droit » : merci, on ne le savait pas. Sincèrement, M. Le Président, de qui vous moquez-vous ? De quel « paix » parlez vous quand la majorité des camerounais n'a pas la paix du ventre et croupit sous les pesanteurs d'une misère grandissante ?

Le 11 février dernier, à l’occasion de la fête de la Jeunesse, vous nous ressortiez d’ailleurs la vieille rengaine, éculée, de cette jeunesse qui serait selon vous « l’avenir du Cameroun » et pour laquelle l’Etat se battrait corps et âme depuis des lustres. Cette jeunesse que vous vous targuez de connaître depuis 25 ans déjà mais que vous avez abandonnée, générations sur générations, de Senfo Tokam à Mouafo Djontu, sans que cela ne vous émeuve ou ne vous fasse sourciller de honte.

Depuis quelques jours donc, si vous n’en aviez pas connaissance, sachez que cette jeunesse vous envoie un signal fort de détresse et d'exaspération depuis Douala, Yaoundé, Kumba, Limbé, Bamenda, Bafoussam et même depuis Paris à travers ce texte. Le peuple camerounais est fatigué. Fatigué de l'arbitraire et des privations. Fatigué du mépris et de l'arrogance. Fatigué de 25 ans d'illusions et d'incuries. Et il ne compte plus se laisser sacrifier sur l'autel de la mal gouvernance et de l'immobilisme. Il serait salvateur que vous l'intégriez une fois pour toute, M. le Président.

Car comme disait déjà Célestin Monga, que vous deviez bien connaître en son temps, « ne vous méprenez pas sur la patience manifestée par les camerounais jusqu'à présent, ils sont capables du meilleur comme du pire. »

Nous commençons petit à petit à en être tous convaincus.




Découvrez l'intégralité de l'allocution du Président : Discours de Paul Biya à la Nation





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