On est en début d’après-midi ce 25 février 2008. Un groupe de jeunes enfants, dont la moyenne est de 16 ans, traverse le lieu dit Carrefour Maçon à Bonamoussadi. Armés de gourdins, de pioches et tout autre type d’armes blanches, ils marchent d’un pas décidé, en véritable maître des lieux. Ils se dirigent vers l’agence Aes-Sonel. L’immeuble abrite les bureaux de la société au rez-de-chaussée, et des maisons d’habitation au-dessus. Devant l’agence, trois véhicules de la société sont garés, un taxi et un véhicule de particulier. Le groupe casse les vitres, extrait soigneusement les véhicules de Aes-Sonel, les positionne sur la chaussée avant d’y mettre le feu. Le taxi est soigneusement évité. Les vitres du véhicule à usage personnel, une Toyota Carina E, sont aussi cassées, avant qu’une dame habitant au-dessus de l’immeuble ne vienne en courant se présenter comme propriétaire. Un des casseurs se confond en excuses. Ils pensaient que la voiture devait appartenir à un employé de Aes venu au bureau. “ Vous voyez que le taxi qui est à côté-là n’a pas été touché.
Nous ne visons pas les particuliers ”, dit-il.
Sur leur chemin, les affiches de l’opérateur de téléphone mobile Orange sont arrachés et brûlés, pendant que les affiches de Mobile telephone network (Mtn) sont évitées. Les kiosques du Pari mutuel urbain camerounais (Pmuc) passent aussi au feu, les locaux des auto-écoles “ Française ” et “ Européenne ” sont saccagés. Les manifestants expliquent que ce sont les symboles des Français. “ Ils nous pillent dans ce pays ”, affirment-ils. Les mêmes raisons sont évoquées pour mettre à sac les stations-service Total et Mobil, que les manifestants croient appartenir aux Français. A Mbanga, les manifestants sont arrivés à la Société des plantations de Mbanga, qu’ils attribuent aux Français. Là, ils ont taillé une bonne quantité de bananiers avant de détruire la station d’essence de la plantation. Dans la même ville, ils ont tenté une expédition punitive au dépôt de la Société anonyme des Brasseries du Cameroun, dont ils ne se doutent pas de l’appartenance d’une bonne partie du capital aux Français. Mais le responsable trouvé sur place a sauvé de justesse le dépôt, en proposant aux manifestants de boire ce qu’ils voulaient.
Aes Sonel, dont les bureaux ont été pillés à Bonamoussadi, paye le prix de son appartenance aux Américains, mais les manifestants se rappellent surtout la fameuse “ prime fixe ” et les délestages. Les stations Tradex sont aussi attaquées, et la raison avancée est qu’elles “ appartiennent à ceux qui volent l’argent de ce pays. ” Le gouvernement de Biya est également indexé quand ils pillent les locaux du centre des impôts de Bonamoussadi, la Snec à Maképé, et la sous-préfecture à Kotto. Ces locaux n’ont d’ailleurs échappé au feu que grâce à leur proximité avec des maisons d’habitations, qui n’étaient pas des cibles. Mais ce n’était pas le cas pour les locaux de la mairie de Douala V. Le feu mis ici était une “ réponse aux provocations de la maire Françoise Foning la veille sur une chaîne de télévision. ” Elle aurait en effet demandé aux conducteurs de motos taxis de ne pas s’associer au mouvement de grève, au cours d’une réunion avec des “ faux motos-taximen ”, selon les auteurs des flammes.
En définitive, les manifestants pilleurs pouvaient paraître désordonnés, mais au final ils n’étaient pas aussi dupes que cela, et chaque acte de vandalisme posé semblait être une réponse à une frustration précise.
Source: Le Messager
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