Paul Biya et les émeutes de Février 2008
Pourtant, l’artiste condamné à 6 mois de prison n’était pas totalement heureux hier 20 mai. A la prison de Kondengui à Yaoundé où il ne lui était pas possible de recevoir les visiteurs qui se pressaient là pour partager sa joie, ceux qui ont tendu la main pour Joe et ses compagnons de misère débattaient dès lors sur la suite à donner à leur engagement. Si l’idée de demander une amnistie générale des faits et des condamnés de février s’est imposée, c’est bien parce que pour beaucoup, le goût d’inachevé du décret signé par Paul Biya hier rendait amers les " amis " des condamnés. " Qu’en sera-t-il des autres ? ", interrogeaient les visiteurs, alors qu’au téléphone Joe la Conscience se demandait si la décision ne concernait que les personnes condamnées à moins d’un an de prison ferme.
Il s’agissait bien de tous les condamnés de février qui sont élargis dès lors que leur peine ne débordait pas un an, ou qui ne supporteront plus que le tiers de leur sanction. Pour Okala Ebode et Mouafo Djontu, deux membres du collectif Main tendue, il est en effet fort possible d’estimer que les premières fournées des condamnés avaient écopé de plus d’un an de prison. Un rapport du collectif établi le 10 mars 2008 (l’insurrection populaire s’étant achevée le 28 février) indique par exemple que sur 57 personnes condamnées à Yaoundé, aucune n’avait écopé d’une peine inférieure à 12 mois de prison ferme. " Les condamnations se situaient entre 12 mois et 3 ans de prison ", explique Okala Ebode.
Pour le ministre de la Justice Amadou Ali qui publiait le vendredi 4 avril le bilan judiciaire officiel des journées sanglantes de février : "Contrairement à ce que certains ont assuré ", les droits de la défense " ont pleinement joué " et la justice rendue n’a pas seulement été " équitable " mais aussi " clémente ".
Pourtant, plus de 1600 personnes avaient défilé devant les tribunaux déjà engorgés. Un mois plus tard en effet, 729 personnes arrêtées avaient déjà été condamnées à des amendes et à des peines de prison allant de trois mois à six ans, selon le décompte du ministère de la Justice.
En attendant de déterminer les quotients des libérés et des personnes qui devront encore séjourner en prison, le collectif Main tendue ne s’est pas cependant empêché de "féliciter les autorités de la République, en particulier le chef de l’Etat, pour l’exceptionnelle attention et la compréhension dont ils ont fait montre s’agissant de cette délicate question aux implications sociopolitiques diverses. "
Mais, souligne ce regroupement, la poursuite de l’opération Main tendue va permettre d’assister les autres détenus qui ne recouvreront pas leur liberté et qui souffrent de maladies et de malnutrition. " Le plus important, c’est bien le fait que nous attendons que cet acte du chef de l’Etat soit prolongé par une amnistie générale des condamnés de février. Ce que nous avons pu faire jusqu’alors va-t-il enfin permettre de mobiliser nos compatriotes autour de cette question ?", s’interrogeait Mouafo Djontu, un brin désabusé par l’indifférence qu’il mesure autour de cette affaire.
Source: Quotidien Mutations
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