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Les affrontements sanglants au Nigeria paralysent l’Extrême-Nord
(30/07/2009)
Mora, Kousseri, Kolofata tournent au ralenti depuis le déclenchement du conflit armé dans l’Etat nigérian du Borno, frontalier au Cameroun. Le récit de notre envoyé spécial.
Par Dieudonné Gaïbaï (Quotidien Mutations)
Le Cameroun subit les dégâts collatéraux de la guerre au Nigéria.
Le Cameroun subit les dégâts collatéraux de la guerre au Nigéria.
Cet Etat fédéré nigérian frontalier avec le Cameroun est paralysé depuis quelques jours par une insurrection religieuse; les villes camerounaises en subissent les retombées, sans réaction des autorités.

Maiduguri n'a plus depuis quelques heures seulement, les attraits de cette ville commerçante qui dévoile les contours gargantuesques de nombreux shopping et autres magasins qui font généralement la fierté de l'Etat fédéré de Borno State dont la devise est la paix. " Land of peace " a tronqué ses atouts de messager de la paix dans un Etat nigérian populeux pour conforter des appréhensions qui s'étaient établies en 2004, au lendemain de l'attaque d'un poste de police par des "intégristes" nigérians, "Haram Boko". La cité capitale du Borno State s'est muée en un véritable cimetière. La populaire rue Babam line (lieu internationalement reconnu pour les changes) est restée déserte depuis lundi dernier ; à l'exemple de toutes les rues de Maiduguri. Une ambiance peu ordinaire en somme en ce lundi matin, mais qui contraste avec l'ambiance à Banki, le célèbre marché frontalier avec le Cameroun.

A Amchidé, portion camerounaise du marché située dans l'arrondissement de Kolofata dans le département du Mayo-Sava, l'ambiance est somme toute calme. Des transporteurs, des conducteurs de mototaxis vaquent normalement à leurs occupations. Des hommes et des femmes de Kolofata, dans une ambiance naïve, se résolvent à effectuer le déplacement de Maïduguri, "comme chaque lundi" révèle Isma Dariga. Curieusement cependant, le marché frontalier qui se tient au quotidien dans cette zone frontalière ne grouille pas de monde. Quelques échoppes sont ouvertes dans la partie camerounaise. Elles reçoivent en début de matinée des clients venus de la ville de Maroua, mais aussi de Mora, et de Kousseri. Aïssatou Moussa, couturière à Kolofata est elle aussi venue faire des emplettes. " Je suis venue acheter des pièces de pagne pour la teinture d'une de mes sœurs et des rouleaux de fil, des aiguilles...pour mon atelier " affirme t-elle.

Au poste de police frontière d'Amchidé, la sérénité est de mise. Les agents de faction enregistrent sans difficulté les entrées et sorties des personnes. Dans le hall de cette unité de police, c'est un téléviseur qui retient les attentions. Non pas que l'information occupe le haut du pavé, mais davantage parce que les musiques distillées sur Mtv sont dégustées par les usagers et les fonctionnaires de police. Les formalités de sortie du territoire étant achevées, le reporter de Mutations peut s'engouffrer en compagnie d'autres concitoyens dans une Golf qui tient lieu de taxi. Précision cependant du chauffeur Hassan " le Naira (monnaie nigériane) a chuté par rapport au Cfa depuis deux jours. 1.000 Fcfa qui s'échangeaient à 317 Naira, aujourd'hui, s'échange à 325 Nairas. " Confie t-il. L'arrêt dans le bureau de change de Banki permet de se rendre compte de cette évidence.

Kalachnikov

Mais alors personne n'évoque les raisons de cette chute subite de la monnaie locale. Selon Ousman, agent de change " cette chute ne nous est pas bénéfique. Parce que quand le Naira chute, nous sommes paralysés. Les gens rechignent parfois à venir faire des opérations. Parce que parfois nous avons échangé au prix fort et nous perdons lamentablement. C'est ce qui se profile en ce moment. " Les opérations financières étant achevées, cap sur Maïduguri, capitale du Borno State, à 140 kilomètres de la frontière camerounaise. Une frontière où aucun déploiement des forces de l'ordre camerounaises n'est observable en dépit des vives tensions observées chez le grand voisin. Les allées et venues de personnes se font sans commune mesure apparente de sécurité. Les véhicules entrent et sortent sans aucun contrôle. Seuls quelques agents des douanes sont immobilisés à un jet de pierre de la frontière nigériane, difficilement identifiables entre les nombreuses résidences dont le salon est parfois au Cameroun et les chambres logées au Nigeria. " C'est le quotidien ici " affirme Hassan pour qui "les Camerounais et les Nigérians sont des frères dans cette partie. On n'a pas besoin de passeport pour rentrer ici.

Jusque votre carte d'identité et un document délivré par les services "immigration" en contrepartie de 500 Nairas à la frontière vous sert de document de transport. Nos véhicules partent du Cameroun au Nigeria sans problème." Il révèle même qu'il est des jours où il fait toute une journée sans être interpellé par une unité de police. Mais ce lundi est somme toute peu ordinaire sur cet axe tortueux où le bitume alterne avec la latérite. Les nombreux nids de poule dans ce paysage exotique se multiplient et donnent du tournis aux passagers. Mais l'ambiance sur la route détonne quelque peu. Aucun véhicule en provenance du Nigeria n'est observable. Du moins jusqu'à une trentaine de kilomètres de la frontière camerounaise. Un imposant contrôle est tenu ici par des hommes armés de kalachnikov. De leur accoutrement vert surplombé par des gilets de couleur noire, les hommes de faction, la mine grave, exigent une fouille du véhicule. Les passagers sont passés sous contrôle, la malle arrière du véhicule est ouverte, le capot est inspecté. Suffisant pour donner le feu vert au véhicule Golf de Hassan.

Un privilège auquel n'ont pas droit quatre véhicules immobilisés par les forces de sécurité nigériane. De ces véhicules sont extraits six personnes enturbannées. " Ce sont des membres de Haram Boko ", lance un des officiers au chauffeur en langue haoussa. Lequel nous rapporte qu'ils vont être conduits à Maiduguri pour juger ; il leur est reproché certains actes non connus de nous. De là, l'ambiance dans le véhicule devient un plus tendue. Puisque cinq kilomètres plus loin, c'est un autre poste de contrôle qui se dévoile. La mine des éléments ici est grave. " Où allez-vous ", lance en anglais un agent de police Les explications se font en langue haoussa avec le chauffeur visiblement nerveux. La fouille du véhicule est systématique, les passagers aussi. Le véhicule peut s'ébranler vers Maiduguri.

Le chef de l'unité a le temps de rendre compte au moyen de sa radio de commandement de la nature des passagers venant de franchir le poste de contrôle. Le scénario se répète quatre fois sur le chemin dans les localités de Konduga, Bama et Kaweni.
Suffisant en tout cas pour mettre le pied à Maiduguri. A l'entrée principale de la ville, le bureau du syndicat des transporteurs (Nutw) est ouvert et reçoit sans commune mesure les visiteurs qui viennent verser pour chaque voyage, la quotte part de leur organisation professionnelle. C'est visiblement, le seul point de la ville où des personnes marchent et devisent sans gêne. Puisque fois dans le cœur de la cité capitale, ce sont les coups de feu qui s'enchaînent. Les échoppes sont fermées, les véhicules sont rares. Quelques jeunes font la haie devant leur résidence. " Chacun est resté chez soit aujourd'hui, parce que la situation est grave " affirme Suleyman un chef de famille habitant Baba Line square.

Afghanistan

Sur ce qui s'est exactement passé, les témoignages divergent. Mais une évidence perdure, les évènements se sont déclenchés dans la nuit de dimanche à lundi dernier autour de trois heures du matin. Un officiel nigérian des "Governor's offices" nous confie que, " les Islamistes ont attaqué d'abord le commissariat de Maiduguri, apparemment comme ils avaient procédé à Bauchi il y a quelques jours. Les forces nigérianes régulières ont réagit énergiquement. Et comme ils étaient bien préparés, les hostilités se sont engagées. " Un policier nigérian ajoute pour sa part que " c'est pendant l'attaque du commissariat qu'un de nos chefs a été égorgé par les Talibans. Comme l'a été quelques heures plus tôt un pompiste dans des conditions identiques. Un de mes collègues a pour sa part été brûlé vif à Potiskum. "

Des actes qui ont conduit à la riposte cinglante qui a fait perdre aux Islamistes de nombreux militants. Lesquels sont véritablement déterminés à aller jusqu'au bout de leur logique, puisqu'ils ont par la suite incendié la prison de Maiduguri, de laquelle se sont évadés de nombreux prisonniers. Une situation qui a suggéré mesures d'urgence. Mandat a ainsi été donné aux forces de défense de retrouver "vivant ou mort" à tous les prix, Mahamat Youssouf, le leader du mouvement "Haram Boko". Ce qui n'a pas empêché que les Islamistes mettent à feu des églises à Maiduguri, "au nom de l'Islam". Ceci, au mépris de l'appel lancé par le Gouverneur du Borno State, Ali Modu Sherif. "Djihad has been launch" pouvait-on lire sur un des multiples tracts rédigés pour la plupart en arabe et disséminés dans la ville. De ces tracts, les "djihadjistes" exigent que l'arabe soit consacré comme seule langue officielle et que l'enseignement de l'anglais et des autres langues soit proscrit.

Taliban

Au commissariat de Maiduguri, où on est loin de panser les plaies, il faut montrer patte blanche avant de s'introduire dans le majestueux mur qui entoure l'unité de police. Appareils photos et caméras sont interdits dans toute la ville. Les patrouilles sillonnent les artères. Il faut parfois jouer sur la vigilance des policiers et sur les capacités du téléphone portable pour réussir à avoir une image. Dans la cour de l'institution policière, de nombreux corps gisent dans le sang Ils sont comme abandonnés. " Ce sont des Islamistes ", explique un responsable qui reçoit des membres de sa hiérarchie de l'Etat. Ils ont été tués au terme des affrontements, d'autres ont été traqués dans les quartiers. Face à la brièveté de l'occasion, difficile de faire le décompte. Dans un autre compartiment, ce sont des hommes et femmes qui appartiennent au groupe des insurgés qui sont immobilisés à l'aide de menottes. Personne ne veut parler, moins encore répondre à une question. Ils ne disent mot.

Mais on peut apprendre ici et là que ce mouvement islamiste, composé essentiellement d'étudiants ayant abandonné leurs études, a pris naissance en 2002 à Maiduguri et s'est fait connaître en janvier 2004 en établissant son campement baptisé "Afghanistan" dans le village de Kanamma, dans l'Etat de Yobe à la frontière avec le Niger. Au moment des séances de prêche dans les mosquées, ils ont engrangé de nombreux militants désormais déterminés à faire respecter "leurs" principes de l'Islam autour de leur leader Mahamat Youssouf. Malgré la traque menée par les forces nigérianes de défense, les "Haram Boko" ont décidé de casser la baraque et de donner du tournis aux autorités, pourtant musulmanes qui ne veulent pas du discours "taliban". Ils ont monté la garde toute la nuit autour d'une mosquée et de la résidence de leur leader spirituel à Maiduguri. Ceci pendant que la tension est tombée d'un cran dans les Etats de Bauchi et Yobe.

Le couvre-feu décidé par les autorités fédérales de 19h00 à 06h00 à Maiduguri, n'a pas encore permis de mettre un terme à l'ambiance délétère qui y règne. Les réseaux de téléphone en dehors de Mtn ne sont pas fonctionnels dans une ville où l'électricité et l'eau sont des denrées précieuses. L'université de la ville est fermée. La nuit tombée, le reporter s'engouffre dans le véhicule de Hassan après une journée difficile. Les contrôles sont encore au rendez-vous côté nigérian. Mais au Cameroun, aucune mesure n'est encore prise pour au moins contrôler les entrées sur le territoire. " La frontière est vaste. On ne peut pas le faire " confie un inspecteur de police dans ce poste de frontière finalement impuissant, et sans moyens de mobilité. Entre temps, la question de la prolifération des sectes musulmanes dans les principales villes du Septentrion est un sujet qui mérite la plus grande attention, si jamais…


Source: Quotidien Mutations


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