Alexis Dipenda Mouelle donne son point de vue sur la justice et ses lenteurs au Cameroun
Certes, les moyens de la justice sont limités. Ce n’est cependant pas l’apanage de quelques pays. En effet, tous les pays du monde ne réservent qu’une portion congrue de leur budget national au service judiciaire. Craignent-ils ou se méfient-t-ils des gouvernements de juges ? Dans l’affirmative, il faudrait autant qu’ils craignent et se méfient des gouvernements sans juges. Alors, que serait une société, fût –elle la plus puissante et la plus développée du monde, sans juges et sans avocats ? Ne serait-elle pas comparable à une société sans médecins ?
Les magistrats qui sont les plus sollicités parce qu’ils sont les animateurs en amont comme en aval du processus allant de l’enquête préliminaire, transitant par l’information judiciaire et le jugement pour aboutir à l’exécution de la peine devraient être conscients de la nécessité de l’affirmation de plus en plus accrue du pouvoir judiciaire. Il faudrait qu’ils sachent qu’ils exercent leur fonction au nom du peuple et que celui-ci attend une justice rapide, sereine, crédible, efficace et plus humaine ; qu’ils n’oublient jamais qu’à travers leurs décisions se jouent la considération, la dignité, l’honneur, le patrimoine, la liberté, voire la vie de leurs semblables qu’ils sont appelés à juger : comme de bons journalistes, ils devraient toujours se mettre en doute avant leurs décisions.
Ils devraient, en définitive, avoir à cœur ces mots de d’Alembert, philosophe, écrivain et mathématicien français du XVIIIe siècle, prononcés pour l’éloge du Président de Montesquieu, je le cite : « …Les magistrats dans quelques circonstances et pour quelque grand intérêt de corps que ce puisse être, ne doivent jamais être que magistrats, sans parti pris et sans passion comme les lois qui absolvent et punissent sans aimer ni haïr ». Les avocats, du mot latin Advocatus, celui qui est appelé au secours, sont nés le jour où s’est révélée une liberté à défendre devant le juge : pour l’essentiel leur fonction consiste à défendre devant le juge les droits des citoyens. Dans cette perspective, ils doivent être compétents, courageux, audacieux et indépendants, qualités qu’il faut allier à la dignité, à l’honneur, à la loyauté, à la délicatesse, au respect de leurs confrères ainsi qu’à celui dû aux juridictions : ils seront en quelque sorte la sentinelle de la bonne application de ce code.
Quant aux greffiers chargés d’assister les magistrats dans l’administration de la justice, ils doivent accomplir leur tâche avec célérité et éviter tout comportement sibyllin dans leur rapport professionnel avec les justiciables. S’agissant des Officiers de police judiciaire, ils doivent se départir des pratiques d’antan et respecter vigoureusement et fidèlement toutes les dispositions du code de procédure pénale qui les concernent. Pour les huissiers de justice, ils doivent agir avec célérité et disponibilité pour servir les actes qui leur sont confiés par les juridictions ; ils contribueront de cette manière à lutter contre les lenteurs judiciaires. Enfin que dire des justiciables ? Il est temps qu’ils apprennent à accepter les décisions judiciaires rendues souverainement au nom du peuple camerounais ; qu’ils sachent qu’ils ont le droit de les critiquer et que la meilleure façon de le faire est d’exercer les voies de recours que leur ouvre la loi. Par conséquent, rien ne sert de commander dans la presse des articles indécents relatifs aux affaires jugées, articles qui travestissent souvent les faits.
Source: Le Jour Quotidien
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