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Le livre "Kamerun, une guerre cachée aux origines de la Françafrique (1948-1971)"
(18/03/2011)
Co-écrit par 3 personnes (Thomas Deltombe, Manuel Domergue et Jacob Tatsitsa), le livre "Kamerun" est un document puissant (plus de 600 pages) sur la période post-coloniale et la rebellion au Cameroun.
Par Rédaction
Le livre « Kamerun », une encyclopédie



N’y allons pas par quatre chemins.

Le livre « Kamerun » est un livre historique, dans tous les sens du terme.

Historique parce que jamais un livre n’aura avec autant de détails, autant d’éléments, autant de recueil d’archives, décortiqué la période sombre qu’a vécu le Cameroun juste avant et après la colonisation.

Historique enfin, parce qu’on peut légitimement conférer à ce livre, le statut de livre d’histoire. La période 1948 – 1971 y étant analysée avec un maximum de contemporains de l’époque, de nombreux témoignages, et de nombreux écrits. Si on s’intéresse à une période donnée, il suffit d’ouvrir le livre au bon chapitre et on y trouvera certainement son bonheur.

Co-écrit par 3 personnes (Thomas Deltombe, Manuel Domergue et Jacob Tatsitsa), le livre « Kamerun » est le fruit d’un travail remarquable. De très nombreux fonds d’archives du Cameroun ont été consultés, une bonne centaine de contemporains a été interrogée, et des lettres, notes, courrier, télégrammes, etc… permettent de donner à ce livre une base solide.

Si l'ouvrage n'apprend rien de fondamentalement nouveau, il a le mérite de pouvoir être pris comme une encyclopédie, car il compile les informations tirées de quelques grands livres importants de l'histoire du Cameroun (des ouvrages comme « Le mouvement nationaliste au Cameroun : les origines sociales de l’UPC », de Richard Joseph,« La naissance du maquis dans le Sud-Cameroun » de Achille Mbembé ou encore le remarquable « Main basse sur le Cameroun » de Mongo Beti ) et les complètent avec une foule de documents inédits et interventions de nombreux témoins de l'époque.


De la soif d'indépendance à la destruction de l'UPC...

Le général De Gaulle en visite au Cameroun (image du livre)
Le général De Gaulle en visite au Cameroun (image du livre)

Dès l’introduction du livre (de plus de 700 pages !), le ton est donné. Les auteurs sont chez Jean Lamberton, un officier français ayant joué un rôle majeur dans la répression de la rébellion au Cameroun dans les années 50-60. L’officier est mort, mais les auteurs sont chez lui pour interroger ses souvenirs, sa femme, et ses notes. Décédé en 2004, il semble que personne ne soit jamais venu interroger cet officier sur la période trouble qu’a vécu le Cameroun, à l’époque où il y a officié.

Les auteurs continuent en faisant un bref résumé de la période concernée, de la période de néo-colonisation qui a succédé au rêve brisé de liberté des camerounais, et surtout, du bilan meurtrier, très difficilement chiffrable de cette époque.

Dans le corps du livre proprement dit, le livre parlera de la montée de la soif d’indépendance, magistralement incarnée par l’UPC vers la fin des années 40, le début de la rébellion lorsque Roland Pré, haut commissaire du Cameroun à l’époque, réprime sévèrement des émeutes (1955) et interdit l’UPC, obligeant ses membres à entrer dans la clandestinité.

On y découvre (ou redécouvre) comment, Um Nyobe, leader charismatique du mouvement nationaliste, a tout tenté, tout essayé pour garder les revendications de l’UPC sur les rails de la légalité. Et comment, petit à petit, inexorablement, alors qu’il avait longtemps freiné l’ardeur de ses troupes, il est contraint de rentrer dans la rébellion armée à partir de 1956.

On verra comment, après son assassinat e 1958, l’UPC essaye tant bien que mal de survivre, malgré des tensions internes assez violentes, et les coups de l’armée camerouno-française, de plus en plus violents. Jusqu’à l’exécution de Ernest Ouandié en 1971, dernier leader de l’UPC de l’époque, après la disparition de Felix Moumié (assassiné par les services secrets en Suisse), et de Abel Kingué (mort en exil en Egypte en 1964).

Une focalisation particulière sur la guerre "psychologique" et la guerre "subversive"...

Têtes coupées de combattants nationalistes exposées en public  (Image du Livre)
Têtes coupées de combattants nationalistes exposées en public (Image du Livre)

Surtout, ce que le livre explique de manière remarquable, c’est la façon dont l’armée camerounaise (en réalité la main visible de la volonté française), c’est comment la France a usé et abusé de la guerre subversive et psychologique, pour manipuler et terroriser les populations, de manière à détruire la rébellion et décourager les camerounais d’apporter une quelconque aide aux rebelles.

Arrestations sommaires, délation encouragée, camps de « redressement » pour inculquer aux individus les valeurs de la république, déplacement forcées des foules éloignées de leurs maisons, puis endoctrinement dont l’objectif est de diaboliser les rebelles, et redorer l’image d’Ahidjo et de la France.

Le livre regorge de documents de l’armée française, des hauts commissaires, et même des membres du gouvernement ou de l’armée camerounaise, expliquant clairement l’utilité d’une telle doctrine de manipulation de foules.

D’ailleurs, on verra par exemple, en page 627, lorsque le Colonel Ndjock répond aux questions des auteurs (il était en 1970, président du tribunal militaire qui a condamné et exécuté Ernest Ouandié), que la justice et la démocratie n’était vraiment pas le but ultime du Cameroun dirigé par la France et Ahidjo à cette époque. On peut notamment lire : « C’est expéditif, vous voyez, on ne rentre pas dans le fond ! Nous-mêmes, militaires, étant déjà entre ce genre de gens (sic), comprenez bien qu’on ne peut pas avoir beaucoup de faveur pour eux »…

Puis, page 637, on peut lire, une note officielle de l’ambassadeur de France à sa hiérarchie à propos de l’exécution de Ouandié :

« Certes, l’instruction d’affaires aussi complexes laissait visiblement à désirer, mais le déroulement des audiences n’a pas donné une mauvaise impression de la justice militaire camerounaise aux observateurs étrangers. Le président Ahidjo peut, semble-t-il, se féliciter de la manière dont les procès qui le préoccupaient vivement ont été conduits »

Ou comment, dans la même note, avouer que l’instruction laissait à désirer , et conclure en disant que Ahidjo peut se féliciter de la manière dont tout s’est déroulé…

En effet, après un procès éclair, Ernest Ouandié sera exécuté…

Rien ne manque.

Un livre à posséder


On trouvera aussi dans le livre les actions, décisions de personnages célèbres au Cameroun tel que le Général Semengue (dont l’ascension est assez bien racontée dans le livre) ou le chef du service de renseignement d’alors (le SEDOC, devenu le CENER), le très craint Jean Fochivé, eux qui ont joué un rôle décisif dans le démantèlement et la répression de la rébellion, et dans la terreur des populations (surtout pour le second).

Bien évidemment, la répression et les affrontements en pays bamilékés et en Sanaga-maritime sont parfaitement détaillés et illustrés dans le livre.

Il y a tant à dire sur ce livre qui regorge de bijoux d’archives (au risque de le répéter), et de quelques parties délicieuses, comme en page 611, ou Foccart explique que Ahidjo, lors d’un déjeuner, est très intimidé par De Gaulle, ou lorsque Foccart, en note de page 604, conscient de sa toute puissance sur le pré-carré de la Francafrique, écrit dans ses notes « Quand je vais à la pêche, un président tombe », faisant référence au renversement du président Youlou à Brazzaville (Foccart expliquera que le sort de ce dernier s’est joué tout simplement parce qu’il n’avait pas réussi à le joindre, vu qu’il – Foccart- était à la pêche). Et bien d’autres bijoux.

Enfin, on pourrait souligner, pour finir, l’émotion manifeste et la révolte montrée par les auteurs, lorsque, le 9 février 1971, juste après la mort de Ouandié, Pompidou, président de la France, est en visite officielle au Cameroun, dans la joie, la bonne humeur, et dégustations de caviar . En effet, page 633, on peut lire : « Pour l’opposition camerounaise, sous le choc de la toute fraîche affaire Ndongmo – Ouandié, c’est le coup de final. Ainsi donc, la France peut venir, en tenu de soirée, déguster du caviar en l’honneur d’un dictateur au petit pied qui étouffe son peuple dans la misère, embastille ses opposants et fusille publiquement jusqu’au dernier résistant ! »

On notera le point d’exclamation...

Ce livre est donc à posséder impérativement, pour toute personne désireuse de maîtriser un peu mieux cette partie de l’histoire du Cameroun, et comprendre comment le Cameroun en est encore là aujourd’hui, après 50 ans d’indépendance. Même si très souvent, on tombe sur des allers-retours chronologiques, des retours en arrière temporels un peu complexes (par exemple, le chapitre 30 traite d’évènements postérieurs à ceux du chapitre 32), cela n’enlève rien au travail excellent et courageux réalisé par les trois auteurs.

Et, signalons-le, ce n’est pas seulement un travail de journalisme ou d’histoire, mais surtout un travail de justice et de mémoire, pour ceux qui ont combattu et sont morts pour la liberté au Cameroun, liberté qui, après 60 ans de combats, demande toujours à être trouvée.

Le site internet du livre:

http://www.kamerun-lesite.com/






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