La grève déclenchée hier, lundi 25 février, n’a véritablement ni tête ni queue. L’on sait néanmoins que le mot d’ordre a été lancé par quatorze organisations professionnelles des secteurs du transport terrestre urbain et interurbain du Cameroun. Mais sur le terrain, notamment à Douala, la grève est largement suivie par non seulement les propriétaires et chauffeurs de taxis, motos taxis, bus, camions et véhicules à usage personnel, mais aussi par la majorité de la population. Et pourtant personne, visiblement, ne dirige les opérations sur le terrain. Aucun homme politique, encore moins des leaders syndicaux n’a été aperçu à travers les rues de la capitale économique du Cameroun en train de piloter les opérations. La grève leur ayant échappé, semble aller d’elle-même. La population donne l’impression d’avoir repris son destin en main.
La grande curiosité d’un quartier à l’autre, ce sont les messages portés sur des pancartes accrochées sur des poteaux ou brandies par des manifestants. Outre des pancartes, d’autres messages étaient inscrits sur la chaussée, les bacs à ordures de la société Hygiène et salubrité du Cameroun (Hysacam) et sur des kiosques ayant échappé aux scènes de vandalisme. Ces messages parfois assez osés, collent particulièrement avec le contexte socio-politique qui prévaut ces derniers temps au Cameroun. Des manifestants ont d’ailleurs rivalisé d’imagination et d’ingéniosité. A l’entrée de Douala, au quartier dit Village, une statuette portant une mallette suspendue sur un poteau à une station-service porte le message suivant : “ Popol tu seras pendu avec ta Constitution ”, “ Biya doit partir ”, “ Non à la révision constitutionnelle ”, “ On a faim ” sont d’autres messages portés par la foule. Au quartier Bonamoussadi, les manifestants ont été plus imaginatifs. “ Non à la vie chère, trop c’est trop ”, “ Baissez le prix du tapioca sur le marché ”, “ Baissez les prix des denrées de première nécessité ”. Ils ont poussé la réflexion jusqu’à proposer des prix de certains produits. Ainsi, selon les manifestants, le litre de super devrait être vendu à 250 Fcfa contre 150 Fcfa pour le litre du gasoil, alors que la bouteille de gaz domestique de 12,5 Kg reviendrait à 2 500 Fcfa et la baguette de pain à 100 Fcfa, une bouteille de top grand modèle à 250 Fcfa et le petit modèle à 150 Fcfa. Ils souhaitent que la bouteille de bière grand modèle soit vendue à 350 Fcfa contre 250 Fcfa pour la petite. “ Non à la vie chère et à la clochardisation des Camerounais ! ”, “ Nous disons non à la modification de la Constitution ! ”, “ Non à la fermeture des radios et télévisions privées pour museler la liberté d’expression !”, scandaient çà et là des manifestants vers la zone universitaire. Au lieu dit “ Ecoles publiques Deido ”, on pouvait lire sur l’une des pancartes : “ Paul Biya, la jeunesse avant la Constitution ”.
Tout se passe comme si, à travers le Cameroun, les manifestants se sont passé le mot. A Kumba, une meute de manifestants a marché avec un crucifix sur lequel il était écrit en pidgin (langue populaire) : “ Even Jesus a di vex ” qui veut dire en anglais “ Even Jesus himself is angry ” (traduction libre : Même Jésus lui-même est fâché ”. Dans la même ville et en face de la poste à lettres, des pancartes sont brandies avec des messages hostiles au chef de l’Etat et à son gouvernement. “ Biya is old and tired ” (Biya est vieux et fatigué), “ No peace for the government still further notice ” (Aucune paix pour le gouvernement jusqu’à nouvel ordre), ou encore “ Biya must go ” (Biya doit partir).
La grève organisée depuis lundi à travers les principales villes du pays est la manifestation d’un ras-le-bol généralisé. Les différentes tentatives de certains membres du gouvernement et pontes du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (Rdpc) de manipuler l’opinion dans certains médias à capitaux publics et même privés ( ?), ont aussi irrité la population. La police et la gendarmerie mises à contribution pour réprimer les manifestants devraient intégrer ces paramètres. Elles ont échoué dans leurs missions de conseil et d’encadrement des populations.
Source: Le Messager
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