Yves Michel Fotso encore en eaux troubles
Ce lundi 26 mai 2008, le Tribunal de grande instance (Tgi) du Wouri va poursuivre ses auditions, à la suite de la commission rogatoire internationale des autorités de poursuites pénales de la fédération suisse aux autorités judiciaires de la République du Cameroun.
Dès réception de la Commission rogatoire internationale n°2006.13.MPC/EA11/10/05/022 du 23 novembre 2007, signée du juge d’instruction fédéral Suisse Gérard Sautebin, sept personnes en tout, dont Yves Michel Fotso, ancien Administrateur directeur général de la Cameroon Airlines (Camair) ont été entendues au cabinet d’instruction judiciaire de Vieux Eyike, assisté à l’occasion du greffier Jacques Dindombi. Les auditions ont été conduites dans le secret total, jusqu’à ce qu’une source judiciaire se soit résolue à nous confier que les auditions se déroulent, « depuis la date du 5 mai 2008 ».
Que reproche-t-on donc aux personnes entendues chez le juge d’instruction ? « Il y a un suspect principal et des témoins clés », répond notre source au Tgi du Wouri, qui connaît bien le dossier. Selon elle, c’est le 28 avril dernier que la justice camerounaise a été sollicitée dans cette procédure transmise depuis le 20 mai 2006, par le ministère public de la confédération Suisse au juge d’instruction fédéral Gérard Sautebin. A la suite de quoi, une enquête est ouverte le 20 janvier 2005 contre François de Seroux-Fouquet, un Français domicilié au n° 6, River Bend Circle Little Rock, Ar 72202, en Arkansas, aux Etats-Unis, pour « suspicion de blanchiment d’argent, participation à une organisation criminelle, escroquerie et gestion déloyale de la Camair ». Le 22 janvier 2007, l’enquête est étendue à Yves Michel Fotso.
31 millions Us dollars
François de Seroux-Fouquet est soupçonné de blanchiment d’argent, en encaissant sur les comptes bancaires d’Avipro finance, « société dont il était administrateur et qu’il a fait constituer sur demande de l’ayant droit Yves Michel Fotso », des mensualités de leasing payées par la Camair pour l’utilisation du B767-231 numéro de série 22564 et un B747-312 numéro de série 23033. Selon le juge suisse, l’acquisition desdits avions a été faite à travers Rothwell Managament Corp et la société Beith Ltd dont Yves Michel Fotso, à l’époque Adg de la Camair, était « l’ayant droit économique ». Or, soutiennent les Suisses, pour la location des avions en cause, deux deposits d’un montant de 4 millions de dollars américains ont été faits à Rothwell Managament Paribas, compte n°263648S, principauté de Monaco, pour le 767-200, ainsi que trois deposits de 2 millions de dollars américains à PCM Corp. Wilmington Trust Company. Ils précisent que le montant total payé pour les leasings est de 23.053.366 dollars américains.
En tout, le juge d’instruction fédéral Suisse est sur les traces de 31 millions de dollars américains, payés à GIA International Ltd des caisses de la Société nationale des hydrocarbures (Snh) et de la Camair, pour le compte de l’Etat du Cameroun. En effet, le 22 août 2001, 2 millions de dollars ont été virés à GIA par Camair. La Snh a viré, pour sa part, 16 millions de dollars le 23 août et 13 millions de dollars le 24 août 2001. Il faut préciser que les 31 millions de dollars étaient initialement prévus pour l’achat d’un avion Boeing de type BBJ présidentiel. De l’avis du juge d’instruction fédéral Gérard Sautebin, les 31 millions de dollars auraient servi à l’acquisition, soit du B767-231, soit du B747-312, deux appareils pourtant loués à la Camair par GIA International.
A l’heure qu’il est, on n’en sait pas plus sur le rythme des auditions. Tout juste apprend-on que le juge d’instruction Suisse, Gérard Sautebin, demande à savoir si les autorités camerounaises veulent se constituer partie civile dans l’affaire. C’est ce qui justifie l’audition de Christian Emile Bekolo Ebanda, en qualité de représentant de la Camair, « victime dans la procédure ouverte contre de Seroux-Fouquet et consorts ». Egalement a-t-on appris, dans la même affaire en cause que la justice suisse est aux trousses du nommé Shanmugan, de nationalité singapourienne.
Les personnes auditionnées
Yves Michel Fotso
Les auditions de Yves Michel Fotso, Administrateur directeur général de la Cameroon Airlines à l’époque des faits en cause, ont été tenues secrètes pendant des semaines par le juge d’instruction du Tribunal de grande instance du Wouri. L’ancien patron de la Camair fait pourtant partie des personnes au centre des auditions tenues entre le 5 et le 8 mai. Si les indiscrétions ne sont pas plus précises, notre source au Tgi nous renvoie à la double convocation de Yves Michel Fotso à la Direction de la Police judiciaire à Yaoundé vendredi dernier, en révélant qu’il y était attendu à 10 heures et à 15 heures, « dans deux procédures différentes ». Devant le Tgi du Wouri, il est question de savoir quels sont les rapports entre Yves Michel Fotso, François de Seroux-Fouquet, Jean Marie Assené Nkou, Fernando Gomez et autres.
Adolphe Sammet Bell
Cet ingénieur mécanicien âgé de 59 ans est actuellement directeur délégué chargé de l’exploitation de la Camair. Il a été entendu le 5 mai 2008 par le juge d’instruction Vieux Eyike, assisté du greffier Jacques Dindombi. C’est courant 2002, alors qu’il était cadre à la Camair, qu’il aurait entendu parler de l’acquisition de deux avions, dont le 747-300 baptisé « Big boss », loués à travers GIA International. C’est une fois devenu, plus tard, sous-directeur de Camair cargo, qu’il a reçu de l’administrateur directeur général Yves Michel Fotso le dossier portant audit du leasing des avions. Aussi n’a-t-il pas eu grand-chose à expliquer lors de son audition.
Elisabeth Ebenye Lobbe, épouse Lyonga
Celle qui officiait à la Commercial Bank of Cameroon (Cbc) jusqu’en 2000 quand Yves Michel Fotso a été nommé à la Camair, est passée au moins à deux reprises devant le juge d’instruction du Tgi du Wouri. Ses auditions ont eu lieu les 5 et 7 mai 2008. « Elle connaît bien l’affaire », affirme-t-on au Tgi. Le 26 décembre 2000, Elisabeth Ebenye Lobbe a été nommée directeur financier par intérim à la Camair, où elle a travaillé en collaboration avec Michel Villoingnt, conseiller financier de Yves Michel Fotso, pour aider à combler le retard de quatre ans accusé dans les comptes de l’entreprise. En 2001, elle s’est rendue à Johannesburg en Afrique du Sud, en compagnie de Yves Michel Fotso, Claude Tchuindjang, Esther Gouett et Michel Villoingnt, où ils ont rencontré Jean Marie Assené Nkou (il était à la Pj à Yaoundé vendredi dernier) et un certain Fernando Gomez. C’est au cours de cette rencontre que l’option de la location des avions à travers GIA a été confirmée.
Mme Black, épouse Gouett Gouett Esther
On ne sait rien des raisons de la présence de cet ingénieur électronicien devant le juge d’instruction du Tgi du Wouri, en date du 6 mai 2008. De source judiciaire, elle aurait été entendue comme témoin, principalement sur la mission de 2001 à Johannesburg. Elle était tout de même directeur central à la Camair de juillet 2000, jusqu’à la date du départ de Yves Michel Fotso de la tête de cette entreprise en septembre 2006. Y a-t-il eu une affaire de commission entre les parties aux discussions de Johannesburg ? Les sommes payées par la Camair pour le leasing des avions étaient-elles à la mesure des services attendues et rendues ? Des questions et bien d’autres dont les réponses ont été consignées sur procès verbal.
Christian Emile Bekolo Ebanda
Le 5 mai 2008, Christian Emile Bekolo Ebanda a été entendu par le juge d’instruction, es qualité de représentant de la Camair, « victime dans la procédure ouverte contre François de Seroux-Fouquet et consorts ». Entre autres, il lui a été demandé d’évaluer le préjudice économique et financier subi par la Camair, dans l’opération de leasing des avions. Il aurait avancé un chiffre de plus de 80 millions de dollars américains, en réaffirmant par exemple que, comme l’avaient déjà dit les auditeurs, les coûts de leasing avaient été majorés.
Peter Enga Njumgwe
Le 8 mai 2008, cet ingénieur était de la dernière vague d’audition au Tgi. Il est le chef de la représentation à Douala de la Société nationale des hydrocarbures (Snh). Il a expliqué au juge d’instruction comment, dans l’affaire, la Snh a agi conformément aux injonctions du ministère des Finances et de la présidence de la République. Il ne sait donc pas grand-chose des dessous, a-t-on appris au Tgi.
Merlin Boudja Yimgna
Expert-comptable arrivé à la Camair en février 2002, ce dernier était chez le juge d’instruction les 6 et 7 mai 2008. Il aurait eu du mal à se rappeler les chiffres. Aussi a-t-il expliqué lors de sa première audition, que le montant total débloqué par la Camair pour le leasing était de 16.657.828 dollars américains. Le lendemain, il a dit que ce montant était de 23.053.366 dollars américains, accusant les problèmes de comptabilité à la Camair, pour justifier la contradiction.
Source: Le Jour Quotidien
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