La scène n’est pas
très éloignée de celle vécue par des immigrants clandestins. Port autonome de
Douala (Pad), deux policiers du commissariat du Pad montent la garde, après le
déferlement des autorités aux premières heures de l’arrivée du bateau. Assis sur
des chaises, les flics renvoient systématiquement tous ceux qui sont tentés
d’avancer vers le navire stationné devant eux. A l’exception de certains
individus venus avec quelques provisions. 29 individus de nationalité malienne,
ivoirienne et burkinabé y sont parqués. 14 autres personnes arrivées dans ce
bateau, des Camerounais parmi lesquels quatre femmes, ont réussi à quitter le
navire quelques heures auparavant.
Ils viennent de passer leur première nuit dans ce bateau, sous la pluie et le
soleil. Le Jaguar, un navire battant pavillon camerounais et apparentant à
Patrice Tsimi, habitué des ports de Guinée Equatoriale, est immobilisé là depuis
mardi 29 septembre, autour de minuit. Arrivé sur les côtes aux alentours de
cette heure, c’est sous bonne escorte des éléments du Bataillon d’intervention
rapide (Bir) que le remorqueur a été autorisé à amarrer.
Depuis lors, le navire est presque prisonnier, au même titre que ceux qu’il
transporte, expulsés de Guinée équatoriale pour des raisons diverses. Mais à la
différence des autres cas d’expulsions, cette fois ce n’est pas le fruit d’une
rafle. Ce sont tout juste des étrangers retenus dans des centres de détention de
la capitale Malabo qui ont été sortis et priés de partir. L’équipage du bateau,
malgré des équipements inadaptés est aussi contraint de faire le boulot.
Au départ, selon
les témoignages, c’est une affaire purement camerounaise. «Mais les étrangers
qui se trouvaient dans cette prison, compte tenu des conditions difficiles
qu’ils vivent, ont menti en disant aux autorités être Camerounais. Et puisque
leurs papiers ont été confisqués, on ne savait pas qui est qui au départ de
Malabo. C’est arrivé ici qu’on s’est rendu compte qu’il y avait des étrangers
parmi eux», affirme un membre de l’équipage.
«C’est terrible ce que les étrangers vivent en Guinée Equatoriale. La carte
de séjour qui coûte 600.000 francs Cfa ne vaut plus rien. Même ceux qui sont
détenteurs de ce document sont interpellés, la carte confisquée, ainsi que
toutes autres pièces comme le passeport», témoigne un ressortissant
ivoirien.
«Nous étions dans notre cellule à 160 personnes. Il n’y pas de place pour
dormir. Il n’y a pas non plus de nourriture pour les détenus», poursuit-il.
«Nous étions dans la prison qu’on appelle Centrale. C’est de là qu’on nous a
sortis pour nous amener au port avant d’être embarqués», rapporte l’un des
«passagers» du Jaguar. Personne n’a donc un papier. Difficile de savoir qui est
qui. Mais nombreux sont ceux qui revendiquent la nationalité malienne, un pays
dont les ressortissants n’ont pas besoin de carte de séjour au Cameroun, du fait
des accords signés entre les deux pays. En attendant la réponse des autorités
camerounaises, le propriétaire du Jaguar continue de mettre la main à la poche
pour nourrir ce colis encombrant. Au menu, des pains à la sardine, ainsi que des
beignets.
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