Cameroon Tribune
Dans son édition du lundi 7 avril 2008, en page 5, sous le titre " Constitution : ce que propose le gouvernement", Cameroon Tribune livre en un tableau à deux colonnes les "propositions du gouvernement" (à droite) et les "dispositions antérieures " (à gauche).
Dans son "chapô", le quotidien gouvernemental cite bien tous les six (06) articles de la Constitution de 1996 touchés par la grâce de la modification voulue et annoncée par Paul Biya, président de la République, des Articles 6 (rééligibilité sans limite), 14 (l'ordre des sessions ordinaires du parlement), 15(changement de la durée du mandat des députés), 51(mandat du Conseil constitutionnel), 53(immunité du président de la République) et 67(le collège électoral pour les sénatoriales).
Les articles révisés figurent tous dans le tableau, à l'exception de l'article 53 nouveau, présenté dans l'exposé des motifs du projet de loi comme celui qui "indique le champ de compétence de la Haute Cour de Justice et renvoie à une loi les modalités de son organisation et de sa saisine".
Vous ne trouvez donc pas, dans le quotidien gouvernemental cet Article 53 qui, en ses paragraphes 2 et 3, couvre d'une immunité absolue et éternelle…sur terre tout au moins. Des dispositions qui contredisent les déclarations du 31 décembre 2007 de Paul Biya selon lesquelles l'amendement constitutionnel envisagé (et désormais acquis) reste "de portée générale et ne concerne qui que ce soit en particulier ".
Comment cette omission a pu se produire ? Une simple faute de frappe ? Une décision de la tutelle ? de la présidence ? A-t-on voulu occulter cet article, éviter aux citoyens le choc d'un changement trop ciblé ? Décision du ministre de tutelle en vue d'occulter ce grave recul de la démocratie républicaine et de préserver les citoyens d'un choc précipité ? C'est raté, en tout cas, puisque, cette fois au moins, le texte du projet loi n'est pas resté, comme très souvent, le monopole de l'exclusivité des médias du public. Le pluralisme médiatique a fonctionné grâce à des sources particulières ; ce qui a permis à la presse d'animer le débat et l'émoi qu'on voulait aussi étouffer. Même si ça aura été en vain face à la volonté tenace du prince, avec sa "majorité confortable" que l'on connaît.
Pour rappel, les paragraphes modifés :
A côté de l'article 6, alinéa 2, l'autre article qu'on a souvent cité dans le cadre
du projet de loi qui a été adopté jeudi dernier à l'Assemblée nationale est l'article
53, dans lequel il est question de la responsabilité du président de la République.
Dans la loi fondamentale de janvier 1996, cet article se limitait à ce qui suit
:
"(1) la Haute Cour de Justice est compétente pour juger les actes
accomplis dans l'exercice de leurs fonctions par :
- le président de la République en cas de haute trahison ;
- Le Premier ministre, les autres membres du gouvernement et assimilés, les hauts
responsables de l'administration ayant reçu délégation de pouvoirs en application
des articles 10 et 12 ci - dessus, en cas de complot contre la sûreté de l'Etat.
(2) L'organisation, la composition, les conditions de saisine ainsi
que la procédure suivie devant la Haute Cour de Justice sont déterminées par la
loi."
Désormais, il est complété de deux nouvelles dispositions. L'alinéa 2 précise que
"Le président de la République ne peut être mis en accusation que par l'Assemblée
nationale et le Sénat statuant par un vote identique au scrutin public et à la majorité
des quatre cinquièmes des membres".
Il y a aussi et surtout l'alinéa 3. Celui-ci stipule : "Les actes accomplis par
le président de la République en application des articles 5, 8, 9 et 10 ci-dessus
sont couverts par l'immunité et ne sauraient engager sa responsabilité à l'issue
de son mandat".
Le président de la République du Cameroun, qui est Paul Biya pour le moment, et
depuis 26 ans, ne sera donc responsable d'aucun des actes qu'il a posés pendant
cette période. Il ne pourra par conséquent pas être jugé par la Haute Cour de Justice,
notamment, pour ces faits. Ce qui fait donc qu'en plus de s'être assuré la possibilité
de se maintenir éternellement au pouvoir, le président Biya s'est également garanti
une totale immunité dans le cas où il lui arriverait de le perdre.
Source :Le Jour
|