Cependant, tous les Camerounais ne vaquent pas toujours à leurs occupations quotidiennes. D’aucuns ont été tués dans différents fronts à travers le pays. Certains, par milliers, ont été interpellés et jetés dans les cellules de commissariats de police, de brigades de gendarmerie ou encore dans les multiples prisons du pays. En l’espace de 48 heures, selon certaines indiscrétions, la prison centrale de Douala à New-Bell a accueilli plus de 80 nouveaux pensionnaires. La reprise des activités n’est pas l’hirondelle qui annonce le printemps. Au contraire. Une véritable chasse aux sorcières a commencé au Cameroun pour débusquer “ les apprentis sorciers qui dans l’ombre ont manipulé ces jeunes ” (dixit Paul Biya).
Moins d’une semaine après la sortie du président de la République, une opération de tri est engagée depuis le week-end dernier pour isoler “ les brebis galeuses ” du reste du troupeau. Paul Eric Kingue, maire élu de Penja et responsable local du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (Rdpc), a de gros soucis aujourd’hui. Par l’arrêté n° 00033/A/Minatd/Dctd du 29 février 2008, le ministre de l’Administration territoriale et de la décentralisation (Minatd), Marafa Hamidou Yaya, a suspendu ce magistrat municipal de ses fonctions pour une durée de 3 mois.
Officiellement, on lui reproche l’ “ utilisation des deniers publics de la commune à des fins personnelles ou privées ” et “ faux en écriture publique authentique ” aux termes de l’Art. 106 (1) a)b)c) de la loi n° 2004/018 du 22 juillet 2004 fixant les règles applicables aux communes. Toutefois, d’autres sources révèlent que le péché mignon de Paul Eric Kingue serait ailleurs. La hiérarchie de son parti n’aurait pas apprécié sa trop grande liberté de ton dans son récit sur les tueries dans sa commune au cours du mouvement populaire de revendications sociales. Aux dernières nouvelles, il serait en garde-à-vue à Nkongsamba.
Lambo Sandjo Pierre Roger, plus connu sous le nom d’artiste de Lapiro de Mbanga, connaît aussi des soucis. Ce candidat aux dernières élections municipales dans les rangs du Social democratic front (Sdf), joint au téléphone par Le Messager dimanche dernier, 2 mars, vers 22 heures, a affirmé qu’il se rendrait à Nkongsamba lundi 3 mars. Il devrait y être entendu. “ Ndinga man ”, l’auteur de “ La Constitution constipée ”, “ Kop nye ”, “ Big kachika for Ngola ”, “ Mimba we ”, etc., est accusé d’être l’instigateur du mouvement qui a dégénéré en casses et émeutes à Mbanga. Sa caméra dont il se servait pour immortaliser les faits, a été cassée par la flicaille.
Acharnement et persécution
Parmi les Camerounais en mauvaise posture aujourd’hui, il y a le président provincial du Sdf pour le Littoral. Jean Michel Nintcheu, député Sdf, est accusé d’avoir mis le feu aux poudres samedi 23 février dernier au quartier Dakar à Douala. Son passeport lui a été retiré dimanche dernier alors qu’il tentait de se rendre à l’étranger “. Depuis samedi dernier, le combattant nationaliste, Mboua Massock ma Batalong, est porté disparu. Ses proches sont inquiets pour sa sécurité.
Ils ont perdu de ses traces peu avant l’heure du meeting qu’il avait programmé au carrefour Shell New-Bell à Douala. Depuis lors, son téléphone ne répond plus. Il est coupé de tous contacts. Son fils, Massock ma Mboua Massock, qui ne le quitte presque jamais, redoute que son père de combattant qui mène une bataille pour le départ de Biya du pouvoir, n’ait été kidnappé par les flics. Une rumeur persistante l’annonçait à la prison centrale de Douala à New-Bell. Mais selon des sources bien introduites dans cette maison d’arrêt, “ le père des villes mortes ” n’y serait pas. Le 16 février dernier, arrêté à Bependa à Douala, en compagnie de son fils et de Elisabeth Ngo Eheg (Aïcha), il a été transporté nuitamment vers Bonepoupa et abandonné dans la forêt à une centaine de kilomètres de Douala.
La rédaction se permet de publier ce communiqué du Syndicat National des Journalistes du Cameroun:
Le Syndicat National des Journalistes du Cameroun (SNJC) est très préoccupé par le climat d’insécurité généralisée que vivent les hommes de médias camerounais depuis quelques semaines, accusés qu’ils sont par les pouvoirs publics d’encourager les manifestations.
1. Jacques Blaise Mvié, directeur de publication de l’hebdomadaire La Nouvelle Presse a été enlevé ce jour, 03 mars 2008, à Yaoundé par des éléments de l’armée, apparemment sur ordre du Ministre délégué à la présidence de la République en charge de la défense nationale, Rémy Ze Meka alias « Bad Boy ». Ce dernier a, en effet, été indexé dans l’édition de La Nouvelle Presse n°333 du 27 février 2008 comme étant le vrai auteur de la « tentative de coup d’Etat » qui a entraîné de nombreuses arrestations d’officiers de l’armée camerounaise.
2. Eric Golf Kouatchou, caméraman/réalisateur à la chaîne de télévision Canal 2 International a été arrêté par des éléments du Groupement Mobile d’Intervention (GMI) de Douala mercredi 27 février 2007 à 8h00, alors qu’il allait couvrir une marche à Bonanjo. Les policiers ont détruit sa caméra après avoir confisqué sa carte professionnelle, et notre confrère a été contraint de rejoindre un groupe de 36 jeunes à qui le Groupement demandait manu militari de ramasser tout ce qui avait été déposé en plusieurs jours de crise sur les rues et avenues de l’axe Bonanjo-Yassa (environ 10 km).
Une fois au siège du GMI, ce confrère a été roué de coups, fouetté et entendu sur procès-verbal ; il a été libéré à 18h30 le soir après avoir payé, sans reçu, la somme de 56 000 francs Cfa à ses bourreaux et suite à une intervention du directeur de la chaîne, M. Eric Fotso.
3. Polycarpe Essomba, correspondant permanent de Radio France Internationale à Douala, a, quant à lui, été obligé d’abandonner son domicile pendant toute la durée de la crise suite à des menaces téléphoniques à lui adressées, ainsi qu’à sa mère résidant à Yaoundé. Ce dernier à qui l’on reproche ses comptes-rendus « peu patriotiques » n’a pu rejoindre son domicile qu’hier « à ses risques et périls ».
4. David Nouwou, rédacteur en chef délégué du quotidien La Nouvelle Expression, et Patient Ebwele, correspondant du quotidien Le Jour, ont été, chacun, roués de coups par des éléments de forces de l’ordre à Douala, avec, souvent, leur matériel de travail confisqué. On leur reprochait simplement de couvrir les événements et d’être sur le terrain, tandis que Yvonne Cathy Nken, journaliste à Canal 2 International a vu son véhicule vandalisé à Douala, et conduit au garage pour d’onéreuses réparations à sa charge.
Le SNJC s’inquiète de cette subite offensive armée des forces de sécurité contre les médias qui fait suite à l’interdiction par les autorités administratives et gouvernementales des chaînes Equinoxe TV, Radio Equinoxe et Magic Fm en une seule semaine.
En exigeant la libération immédiate et sans condition de Jacques Blaise Mvié, directeur de La Nouvelle Presse,
le SNJC interpelle, à cet effet, le Gouvernement camerounais en vue d’une vraie protection des journalistes et des médias dans l’intervalle tumultueux 2008-2011, et appelle à témoins l’opinion nationale et internationale contre cet état de terreur où l’armée n’hésite plus à tirer à balles réelles, sans sommation, sur les citoyens.
Source: Le Messager
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