La scène avait quelque chose d’amusant, malgré tout le sérieux qui la caractérisait. Hier, mercredi 20 février 2008, devant l’hôtel Hilton de Yaoundé où Issa Tchiroma Bakary avait pris rendez-vous avec les hommes de médias, un de ses anciens compagnons dans une autre formation politique à laquelle il avait appartenu voici bientôt 20 ans, Badjika Mohamadou Ahidjo, lançait à quelques journalistes autour de lui : " il ne faudra pas oublier de lui demander pourquoi son langage a si subitement changé, et comment a-t-il fait pour trouver les moyens pour louer un grand hôtel de luxe pour donner une conférence de presse, lui qui semblait pourtant tirer le diable par la queue il n’y a pas longtemps…"
Le changement de langage indiqué par notre interlocuteur allait être observé quelques minutes plus tard lors de la conférence de presse qui se tenait effectivement dans l’une des plus grandes salles de cet établissement hôtelier de la capitale camerounaise. Le président du Front pour le salut national du Cameroun (Fsnc), Issa Tchiroma Bakary, prenait fait et cause pour la modification de la loi fondamentale, et même son article 6 alinea 2, trouvant si subitement des circonstances atténuantes au président de la République dont il déclarera d’ailleurs avoir arrêté de pourfendre le régime. Ce changement de cap de certains responsables de l’opposition camerounaise serait-il la conséquence d’un certain nombre d’actions entreprises par le pouvoir en place en direction des chefs de partis politiques pour leur demander de mettre la pédale douce dans le débat en cours, à défaut de donner un coup de main au pouvoir, comme cela a été observé hier ?
L’initiative aurait été lancée, d’après nos sources, il y a trois semaines et qui viserait à rallier le maximum de ces responsables de la classe politique à la cause de la modification de l’article 6 alinéa 2 de la constitution sur la limitation des mandats présidentiels. Nombre de leaders politiques approchés rejettent cependant en bloc l’effectivité desdits contacts comme l’a fait, au cours de la conférence de presse qu’il a donnée hier, Issa Tchiroma Bakary. "Je n’ai jamais été acheté", a-t-il lassé entendre à l’assistance dubitative. Des sources proches des services du Premier ministre indiquent qu’une telle démarche n’est pas à l’ordre du jour, le propos n’étant pas de recréer un nouveau parti politique. En revanche, précise la même source, " les consultations ouvertes par le Premier ministre le sont tout à fait officiellement et concernent des échanges autour de la mise sur pied effective de Elecam, avec la nomination prochaine des 12 membres qui doivent la constituer ".
Pourtant, les rumeurs restent persistantes et rappellent la différence d’approche actuelle avec la démarche entreprise par le Premier ministre lors de l’adoption de la loi sur Elecam, où les principaux responsables reçus avaient droit, après les échanges, à des indemnités de carburant. Ce qui, à l’époque, n’avait pas manqué de susciter la méfiance de l’Archevêque de Yaoundé, Mgr Victor Tonye Bakot. D’où le fait que certains de ces responsables, uniquement les partis politiques pour l’instant, ne sont pas tous reçus dans les services du chef du Gouvernement. Tout est mis à contribution : amis, responsables administratifs. Bref, tout ce qui pourrait aider à convaincre le maximum de personnes à cette initiative. Bien entendu, aucun de ces responsables politiques n’avoue avoir été l’objet d’une telle approche.
On n’est donc pas surpris de voir les nombreuses sorties médiatiques de responsables de partis politiques qui avaient jadis abandonné la scène à quelques formations uniquement, et qui aujourd’hui, se remettent en scelle, pour dire la nécessité de la pérennisation d’un pouvoir qu’ils n’ont eu de cesse de combattre. Issa Tchiroma Bakary, le président du Front pour le salut national du Cameroun (Fsnc) a déclaré avoir changé, et n’être plus ce pourfendeur du régime que l’on a souvent connu. Antar Gassagay, lui aussi de l’opposition, annonce chez nos confrères de Cameroon Tribune, de nombreuses sorties médiatiques pour expliquer son choix en faveur de cette révision de la constitution, et surtout son article 6 alinéa 2.
Du côté du Rassemblement camerounais pour le peuple uni, (Rcpu), le président national Abba Aboubakar annonce une campagne d’installation de ses responsables de base dans certaines régions du pays et la présentation des quelques conseillers municipaux qu’il a pu avoir dans la commune de ceci avec une mobilisation de la presse nationale qu’il prend en charge au cours de cette tournée. Ceci renvoi à la contrepartie que ces responsables reçoivent des pouvoirs publics. En l’état actuel de nos recherches, Il est difficile d’affirmer que la contrepartie se fait en espèces sonnantes et trébuchantes, même si la mobilisation et les moyens financiers déployés autour de ces sorties laissent songeur. Ce déploiement n’apporte cependant que de l’animation du débat dans la mesure où l’influence des leaders politiques auprès de l’opinion reste à démontrer.
Source: Quotidien Mutations
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