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Kangni Alem : J'ai renoncé à mes droits d'auteurs
(08/10/2009)
De passage au Cameroun, l'auteur parle de son dernier ouvrage et de la réussite littéraire de ses compères togolais.
Par Quotidiens Mutations (Parfait Tabapsi)
De passage au Cameroun, l'auteur parle de son dernier ouvrage et de la réussite littéraire de ses compères togolais.

Vous êtes depuis quelques jours au Cameroun dans le cadre de la dédicace de votre dernier ouvrage "Dans les mêlées, Les arènes physiques et littéraires" paru aux éditions Ifrikiya. Une dédicace qui vous amènera dans à Douala, Bamenda, Dschang et Buea après Yaoundé. Pouvez-vous nous rappeler la genèse et le déroulé de ce projet ?
C'est un livre qui est né d'une rencontre avec Joseph Fumtim, directeur de collection chez Ifrikiya. Il s'agissait d'offrir au jeune éditeur qu'il était l'occasion de publier un auteur qu'il aimait et qu'il considérait comme intéressant. J'ai joué le jeu parce que, et contrairement à ce que les gens croient, nous avons toujours publié en Afrique et je continue d'ailleurs à le faire. J'ai donc accepté de lui donner un manuscrit et de renoncer à mes droits d'auteur pour soutenir l'initiative de cette jeune maison d'édition. Car ce n'est pas courant de voir trois jeunes éditeurs se mettre ensemble pour porter un projet éditorial. C'est une indication que l'on est en train de se diriger vers les groupes d'éditeurs et cela est très important. Je lui ai donc proposé des textes, il en a choisi certains, en a refusé d'autres et puis il m'a fait retravailler ces textes pendant six mois pour aboutir au résultat qui est ce livre qui n'est rien d'autre que la vie d'un écrivain plongé dans le monde à travers les voyages qu'il fait et les réflexions qu'il mène sur le quotidien et sur le destin de la vie de la littérature en Afrique.




Est-vous au final satisfait de la qualité de ce travail d'éditeur sur vos textes ?

Je suis très satisfait de la qualité du travail, parce que comme je n'ai pas cessé de le dire depuis que je suis arrivé, ce n'était pas simplement publier un auteur ou un ami que l'on aime bien, mais un véritable travail d'éditeur. Retravailler les textes, je le fais tout le temps en Europe mais travailler autant avec Joseph Fumtim avait un goût un peu particulier. Je suis très satisfait du résultat de ce travail. Ce d'autant plus qu'il a quand même pensé à Sami Tchak pour le discours d'escorte. Preuve s'il en était qu'un travail éditorial véritable a été fait par rapport à des textes que j'avais préalablement publié dans mon blog et qui sont différents de ceux qui ont été repris dans ce recueil.



On connaît votre penchant avec l'écrivain nigérian Ken Saro Wiwa, assassiné le 10 novembre 1995 par le régime militaire de Sani Abacha. A quelques encablures du 14è anniversaire de cet acte macabre pour la littérature africaine, pouvez-nous dire le rapport qui vous lie à lui et surtout ce que la littérature africaine peut tirer d'un auteur de ce calibre ?


Je tiens avant toute chose à dire que je n'ai jamais rencontré Ken Saro Wiwa personnellement. Nos rencontres se sont faites au moyen de ses œuvres. Je précise d'ailleurs que je suis le traducteur en français de deux romans de cet écrivain : "Mister B. millionnaire" et son dernier roman écrit en prison avant sa pendaison et qui s'appelle "Lemona". C'était un homme complexe. Son héritage n'est pas aussi simple à déchiffrer qu'on le croit. Il y a beaucoup de gens qui sont restés très critiques vis-à-vis de son militantisme. On voit d'ailleurs les derniers développements aujourd'hui dans la région du Delta où des troupes armées, qui sont l'héritage du combat du Mosop (le mouvement du peuple Ogoni qui souffrait alors de l'absence des retombées pétrolières que connaît cette partie du Nigeria à l'époque, Ndlr) mené par Ken Saro Wiwa, continuent à contester. Le combat est légitime, mais les moyens utilisés laissaient perplexes de grands auteurs nigérians comme Soyinka -qui a toujours défendu Ken Saro Wiwa au demeurant- et qui n'ont jamais manqué de pointer du doigt cette expérience de l'action du Mosop. Donc littérairement il reste un grand auteur. Il fait partie de ceux-là qui montrent la voie aux auteurs d'aujourd'hui, parce qu'il a commencé à publier des textes à compte d'auteur ou en feuilleton. Certains sont même devenus des feuilletons télévisés très populaires. Il a toujours oscillé entre la littérature populaire et la littérature savante parce qu'il adaptait en réalité son écriture à ses préoccupations du moment. Pour moi, l'un des plus grands romans qu'il ait écrit demeure "Sozaboy" que j'invite tout le monde à lire et qui raconte l'histoire d'un enfant soldat pendant la guerre du Biafra. C'est une belle métaphore sur la difficulté de vivre de la jeunesse dans des pays africains perpétuellement en conflit.

S'agissant de votre itinéraire personnel, l'on sait que vous avez été expulsé un moment du Togo au moment où vos émissions radiophoniques dérangeaient et que vous êtes revenu récemment pour enseigner à l'université. Que s'est-il passé entre temps ?


Contrairement à ce que beaucoup croient, je n'ai jamais été expulsé du Togo. J'ai quitté mon pays de mon plein gré parce que j'avais une bourse de Radio France international (Rfi) pour aller étudier du théâtre en France. L'épisode de mon éviction de Radio Lomé était lié aux circonstances politiques du moment. Je faisais partie de cette jeunesse qui contestait la dictature de l'époque. Aujourd'hui, je considère que nous en sommes sorti et que nous sommes dans une voie très difficile de construction de la démocratie mais personne n'a jamais réussi à maîtriser à quoi doit ressembler la démocratie idéale. Quand vous voyez comment ça fonctionne aux Etats-Unis ou même en France, vous vous posez des questions. Donc à un moment donné, j'ai décidé après 15 années passées en France de profiter de l'accalmie qui était en train de s'installer pour revenir enseigner à l'université parce que je me suis dit que si j'étais parti faire des études c'était pour retourner enseigner chez moi. Si j'ai quitté l'université de Bordeaux pour rentrer au pays, c'est parce que je considérais que j'étais plus utile dans mon pays qu'en France. Mais cela ne m'empêche pas de continuer à vivre et à traverser le monde comme un écrivain cosmopolite.

Comment cela se passe-t-il avec les compatriotes que vous avez retrouvés au pays après cette longue absence ?

Cela se passe très bien. Cela va certainement vous surprendre si je vous dis que je connais personnellement le président de la République Faure Gnassingbé qui a le même âge que moi. Nous avons de très bons rapports et il n'y a pour l'instant aucun problème.
L'on a constaté que la littérature togolaise a le vent en poupe ces dernières années. Votre pays a en effet enregistré quatre distinctions consécutives de Grand prix littéraire d'Afrique noire au début du millénaire dont vous-même et Sami Tchak qui vous accompagne pour cette tournée. Plus récemment encore, Kossi Efoui a remporté le Prix des Cinq continents de la francophonie et Edem a échoué de peu au récent Goncourt. Qu'est-ce qui peut justifier cette soudaine reconnaissance à l'international de la littérature de votre pays ?
Cela peut vouloir dire qu'il y a une justice quand même ! (Rires) Après avoir longtemps été absents de la scène, nous avons pris le temps de travailler. Je crois plus sérieusement qu'on n'a pas d'explication unique et convaincante. Tout ce qu'on peut dire c'est que vous mentionnez là des gens qui appartiennent à la même génération qui s'est retrouvée à un moment donné à l'extérieur du Togo. C'est peut-être ce décentrement qui nous a permis d'oublier le côté directement engagé de la littérature pour explorer d'autres voies, raconter la vie, raconter le monde tel que nous l'avons connu et traversé jusqu'ici. Je crois que c'est ce regard décentré qui permet l'émergence de la littérature togolaise.


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