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Gaston Kelman : "En fait, l'Afrique n'existe pas"
(02/04/2008)
Le noir qui''n'aime pas le manioc ''s'explique sur ''Les hirondelles du printemps africain'', son dernier ouvrage
Par Jean-Philippe Nguemeta

Qu'est-ce qui vous conduit à écrire sur l'ancien président mauritanien?

Je réfléchis depuis un certain temps sur le développement des nations africaines.

C'est pour cela que j'ai écrit un premier livre que j'ai d'ailleurs publié au Cameroun, intitulé Pour en finir avec l'alibi racial. J'en suis arrivé à la conclusion que le problème essentiel du sous-développement des nations africaines était cette difficulté à suivre le cours de l'histoire, à sortir des mythes de l'esclavage et de la colonisation, à se libérer d'une pseudo fraternité colorielle, d'une communauté de destin et même du fantasme de l'existence de l'Afrique. En fait, l'Afrique n'existe pas. Parce qu'elle ne se décrète pas et qu'elle doit se construire. C'est ce que Thabo Mbeki appelle la Renaissance africaine et que Mbembe théorise comme Afropolitanisme, qui pourrait avoir sa capitale à Johannesburg. Ce sont les nations africaines qui permettront de bâtir une réelle africanité. Aujourd'hui, pour certains, le Maghreb ne fait pas partie de l'Afrique, les Afrikaans blancs ne seraient pas de vrais Africains, parce que africanité rimerait avec négrité. Alors je me demandais comment l'Afrique pourra sortir du sous-développement. Je me suis dit, que comme Mandela, des hommes providentiels devraient endosser la charge que très peu d'intellectuels acceptent de porter. C'est à ce moment que j'ai été au courant de l'expérience mauritanienne. Ce pays est exceptionnel dans sa position géographique entre Maghreb et Afrique noire, dans sa démographie multicolorielle, dans son histoire raciale assez complexe. Voilà que maintenant, elle générait l'un de ces hommes providentiels que j'appelais de tous mes vœux, Ely Ould Mohamed Vall. J'ai voulu le rencontrer et il a accepté. J'ai donc pris son expérience comme illustration du développement des nations africaines. Il a fait un coup d'état sans coup de feu, sans effusion de sang, sans couvre-feu, sans état d'urgence, sans chasse aux sorcières. Il a dit qu'il resterait 24 mois au pouvoir pour mettre en place les bases de la démocratie. Après 19 mois, il s'en allait du pouvoir. Qui dit mieux ?

Pourquoi des allusions à l'Afrique du Sud?

La Mauritanie ressemble étrangement à l'Afrique du Sud, même si les séquelles de l'histoire ne se situent pas au même niveau. Il s'agit de deux peuples multicoloriels qui ont beaucoup souffert de l'image qu'ils donnaient. Mais il s'agit de deux peuples qui ont accepté de regarder cette histoire et de se tourner vers l'avenir. L'Afrique du Sud veut résolument tourner le dos à l'apartheid. Un de leurs poètes blancs disait, Nous sommes aujourd'hui ceux que nous attendions. La Mauritanie ne veut plus accuser la colonisation comme seule cause de son sous-développement. Ils disent d'ailleurs qu'ils n'ont jamais été colonisés, seulement administrés. Le peuple sud-africain se considère sud-africain et non pas africain, de même pour la Mauritanie. Normal, l'Afrique n'existe pas encore.

Peut-on véritablement célébrer une personne qui accède au pouvoir par la force?

On peut l'appeler coup de force, si l'on veut. Mais comme je l'ai dit plus haut, il n'y a pas eu un seul mort, pas de chasse aux sorcières et pas d'état d'urgence. Je connais des élections qui n'ont pas été aussi pacifiques. Je connais même de simples contestations dans la rue qui se sont soldées par des bains de sang. Un coup de force implique la violence et l'inscription de son meneur dans une logique messianique. Il ne quitte plus le pouvoir. Ely Vall l'a quitté en disant : ce que j'ai fait, tout Mauritanien aurait pu le faire. Cette modestie et cette abnégation sont quand même rares.


Dans quelle mesure la force peut-elle être légitimée? Martin Luther disait, "on ne peut pas servir une fin juste par des moyens injustes"?

Pensez-vous que les guerres, comme celles des indépendances, celle que nous avons connue au Cameroun, sont toujours illégitimes ? Frantz Fanon qui était essentiellement non-violent savait qu'il arrive un moment où l'on ne pas faire autrement. Ely Ould Mohamed Vall a mené un réel processus révolutionnaire. Mais sa grande connaissance de son peuple, lui a permis d'accepter la violence de Taya pour trouver le moment idéal où l'on pouvait y mettre fin.


A votre avis, l'Union africaine avait-elle raison de condamner ce coup d'Etat?

Je n'ai aucune difficulté à répondre à cette question. Les Mauritaniens y ont répondu en demandant à l'UA où elle était quand l'ancien régime torturait le peuple ? Je pense donc que les Mauritaniens ont plus de légitimité que l'UA pour savoir ce qui est bon pour leur peuple. Ils ont considéré les positionnements de l'UA comme une insulte à leur peuple, qui acclamait le coup de force de Vall.

Peut-on valablement admettre que ce coup d'Etat a été le catalyseur de la démocratie mauritanienne?

Le sous-titre de mon livre est clair : Ma rencontre avec Ely Ould Vall, le père de la démocratie mauritanienne. Bien entendu, rien n'est acquis. Il faut rester vigilent et le Mauritanien doit rester sur les rails que Vall a mis en place, transformer l'essai.


Quelques idéologues africains.

Il y a des idéologues, peut-être même un peu trop. Le problème, c'est que beaucoup partent d'une mauvaise affirmation : l'identité africaine, le panafricanisme. Elle n'existe pas. L'Afrique n'existe pas. Cette conception de l'Afrique est née du romantisme mythologisé des Noirs Américains qui cherchaient une terre-mère. En simples Occidentaux qu'ils étaient, ils ont été formés à voir l'Afrique comme un pays, un espace ethnique. Ils ne pouvaient se définir comme Ghanéens ou Congolais, alors ils se sont dits d'origine africaine. Seulement, l'Afrique actuelle est une invention de l'Occident. Ce sont les nations fortes qui créent des regroupements par cooptation sur des critères stricts (Europe) ou par la révolution (USA). Il y a beaucoup de générosité à penser fraternité africaine. Mais il y a beaucoup de naïveté quand on voit l'état des relations entre certains Etats africains. Après, essayez donc de mettre sur la même table le Zaïre et le Rwanda, le Tchad et le Soudan. En fait, aujourd'hui, en plus de quelques vrais héros politiques comme Mandela ou Vall, je vois un seul vrai intellectuel en termes d'idéologie froide, sensée, c'est Mbembe avec son afropolitanisme. Peut-être qu'il y en a d'autres. Il n'est pas surprenant que Mbembe ait théorisé ce concept à partir de l'Afrique du sud, le pays de Mandela et de Mbeki avec son idée juste sur la renaissance africaine. Je voudrais me situer dans cette lignée.


Source: Le Jour Quotidien


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