Haman Mana se livre sur l'équipe nationale et les solutions à apporter pour endiguer la chute des lions indomptables.
Le pire, si l’on peut dire, étant ainsi que, samedi dernier, dans le match qui opposait le Football Club Barcelone – dont il est l’attaquant vedette – à Valladolid Samuel Eto’o a inscrit son 26è but de la saison.
Au regard de cette nouvelle prestation du joueur camerounais, évidemment époustouflante au sein de son employeur espagnol, une interrogation se pose à l’esprit : Pourquoi Samuel Eto’o n’a-t-il pas le même rendement avec l’équipe nationale du Cameroun ?
A cette question, le profane trouvera rapidement la réponse suivante : le FC Barcelone regorge de nombreux joueurs au talent immense, - Xavi, Inesta, Messi, Keita, Alves, Yaya Touré ou Henry notamment – que l’on sait capables d’apporter le ballon aux abords de la surface adverse pour servir leur attaquant vedette dans des conditions idéales, prédisposant aux buts.
En observant le comportement de Samuel Eto’o sur terrain face au Togo on a pu constater que le joueur de Barcelone évoluait dans un registre qui n’est pas le sien en club. Excentré sur le côté gauche derrière les attaquants, il n’a pas pu apporter aux Lions indomptables le succès escompté. Le concerné lui-même justifie ce positionnement par la « qualité » de l’équipe qui ne lui permet pas de jouer à la pointe de l’attaque. Une observation qui sonne – on le comprend bien – comme une injure pour ses coéquipiers.
A cette position inhabituelle, on a aussi noté le manque de concentration de Samuel Eto’o, presque une habitude depuis quelques temps, tirant tantôt un coup de pied de coin, exécutant des coups francs et parfois s’adressant vertement à ses coéquipiers. Tous les téléspectateurs ont remarqué le rappel à l’ordre de Stephane Mbia qui venait de s’essayer à un tir lointain, sans succès. Un fait qui démontre clairement que l’équipe manque de stratégie de jeu et n’a pas une claire répartition de rôles sur le terrain. Les équipes organisées ont des tireurs de coups francs, de coups de pied de coin, de penalties désignés à l’avance et dans un ordre précis.
Si on compare le rôle de Samuel Eto’o à celui de ses pairs des autres équipes africaines, Didier Drogba, pour les éléphants de Côte d’Ivoire, Emmanuel Adebayor, pour le Togo ou encore Michael Essien dans les Blacks Stars du Ghana, on se rend vite compte des failles dans le leadership qu’il se doit d’avoir dans l’équipe.
Quand l’équipe est en difficulté, le leader prend ses responsabilités et la sort du pétrin. Ce qui ne veut pas dire, pour autant que ce leader devienne l’omniscient, l’orgueilleux, l’intouchable. Au contraire, un tel sens des responsabilités suppose que le leader soit celui qui encourage, conseille, fédère et aide ses coéquipiers à garder à l’esprit l’objectif final qui est la victoire. Voilà ce qu’on attend – ou plutôt, ce qu’on croyait attendre – du rôle de Samuel Eto’o au sein des Lions indomptables.
Roger Milla
Depuis le décès de Marc Vivien Foé le 26 juin 2003 et la retraite de Patrick Mboma, le leadership de Samuel Eto’o au sein de l’équipe nationale n’a jamais apporté de victoire significative à l’équipe du Cameroun : 2004, échec à la CAN. 2006, non qualification pour la Coupe du monde et échec à la CAN. 2008, échec à la CAN…2009 peut-être que le Cameroun n’ira pas à la Coupe du monde.
Dans l’histoire, des Lions indomptables, nous avons connu des joueurs de l’équipe du Cameroun qui promettaient d’inscrire trois buts avant un match et qui tenaient leur promesse : Roger Milla, en 79, après avoir disputé un Match à Bastia la veille, débarqua à Yaoundé, annonça la couleur dès l’Aéroport, et tint promesse au Stade Ahmadou Ahidjo quelques heures plus tard, en marquant trois buts contre la Guinée de Papa Camara et autres. Le Cameroun ne se qualifia pas pour la CAN 80 au Nigeria, mais le pays tout entier salua son homme providentiel.
En fin de compte, Eto’o est encore loin d’atteindre le seuil de légitimité que des gens comme Roger Milla ou même Omam Biyick et Emmanuel Kundé ont obtenu avec l’équipe nationale par le seul fait de leur engagement. Et cela, fort étrangement, en dépit de son immense talent, de son excessive médiatisation et de son argent.
Il reste donc comme une comète, un ersatz, une cosmétique passagère alors qu’on aurait pu attendre de lui de peser dix fois plus. Il se présente dans la mémoire contemporaine du foot camerounais – en tout cas, pour l’instant – comme un adultère, un profil qui fait plaisir par moments, par instants, jamais dans la pondération et la permanence d’un mariage de longue durée.
Le comportement de Samuel Eto’o pose également, et de façon fondamentale, la question de l’organisation et de la discipline au sein des Lions indomptables et par ricochet, celui de la compétence ou de la capacité de son staff technique à pouvoir diriger efficacement cette équipe.
De la sélection douteuse de joueurs pas titulaires dans leur club ou n’évoluant dans aucun club au maintien dans l’équipe de joueurs qui, visiblement, ne peuvent plus apporter grand chose tant ils sont usés physiquement, le chapelet de griefs est long. La haute compétition de football est exigeante et demande que l’on soit en pleine possession de ses moyens physiques et physiologiques. Interrogeons-nous, au passage, sur la question des âges des joueurs et son impact négatif sur la projection des performances de nos équipes nationales.
L’histoire récente de l’équipe de France nous enseigne qu’à un moment, elle a dû se débarrasser de ses meilleurs joueurs, Eric Cantona et David Ginola, dont le tempérament et le caractère ne servaient pas les intérêts du groupe, de l’équipe. Ne dit-on pas que la discipline est la force des armées ? Le football ne saurait en être exempté. La mise à l’écart de Cantona et Ginola a permis aux Zinedine Zidane et autres Youri Djorkaeff d’éclore. Pourquoi n’en serait-il pas de même avec l’équipe du Cameroun ?
Autre exemple, celui de l’équipe d’Espagne, championne d’Europe 2008, dont l’entraîneur d’alors, Luis Aragones, a courageusement pris le parti de sortir Raùl Gonzales, attaquant-icône du Real de Madrid, de la sélection. Il avait commenté ce fait en disant « Pour jouer en sélection, il faut montrer des choses » et il précisera au sujet d’un autre joueur non-sélectionné qu’« il faut jouer dans son club pour jouer en équipe nationale ». Luis Aragones ira plus loin, sortant classique qui faisait du Real Madrid et du FC Barcelone les principaux pourvoyeurs de joueurs de l’équipe nationale d’Espagne. Le résultat, on le connaît. Pourquoi n’en serait-il pas de même avec l’équipe du Cameroun ?
Cameroun - Maroc
Le football camerounais regorge de joueurs de talents qui ne demandent qu’à saisir la perche qu’on leur tend pour exprimer leur talent. Lors du match contre le Togo, Alo’o Efoulou, rentré en seconde période, a démontré à souhait par sa technique et son engagement qu’il n’avait rien à envier aux plus anciens. Les frères Biyick, Kana et Omam sont sortis droit de la deuxième division pour illuminer le Cameroun de leur génie.
Pour faire la révolution dans l’équipe des Lions indomptables il faut du courage. Du courage pour se poser les bonnes questions. Du courage pour poser les bons diagnostics. Du courage pour changer les habitudes et la routine. Du courage pour dire non. Du courage pour remettre en cause. Le courage de ne pas sélectionner en équipe nationale les joueurs qui ne jouent pas dans leur club. Du courage pour reléguer au banc des joueurs qui en équipe nationale ne fournissent pas le même rendement qu’en club.… Et visiblement l’encadrement de l’équipe, du moins dans sa composition actuelle, n’en a pas. Sinon comment expliquer l’incapacité du staff technique à prendre les bonnes décisions quant à la reconstruction, et c’est bien de cela qu’il s’agit, des Lions indomptables.
Les échecs répétés lors des Coupe d’Afrique des nations 2004, 2006, 2008 annonçaient déjà la fin du cycle de la cuvée 2000-2002 championne d’Afrique.
L’équipe du Cameroun serait-elle vraiment prisonnière d’un syndicat de joueurs « anciens » qui dictent leur loi à l’entraîneur ? La dernière trouvaille des médias, le 984 [9 pour Eto’o, 8 pour Geremi Njitap, 4 pour Rigobert Song] serait-il la main invisible, à la façon d’un jeu de marionnettes, qui fait et défait les carrières en équipe nationale ? Comment expliquer la non-sélection d’Achille Emana, titulaire à Séville, club de Liga, privilège partagé avec l’attaquant du FC Barcelone ? Achille Emana est capable d’apporter des ballons propres à Samuel Eto’o. Il le démontre bien dans son club.
Lors des dernières Olympiades en Chine, l’équipe du Cameroun a montré un visage prometteur. Les Franck Songo’o, Christian Bekamenga, Alexandre Song, Aurélien Chedjou… sont l’avenir de l’équipe du Cameroun et, le sélectionneur gagnerait à les avoir dans son groupe aujourd’hui afin qu’ils arrivent prêts, aguerris lors de grandes compétitions.
Electrochoc
L’histoire des équipes de football nous enseigne que l’on ne va pas à des compétitions comme la Coupe du monde ou la Coupe d’Afrique des nations, qui sont des compétitions longues et éprouvantes, avec une équipe composée de joueurs n’ayant plus d’ambitions. Quand on a gagné deux Coupes d’Afrique des nations, l’envie n’est plus la même quand on y va la troisième fois.
On y a besoin, non seulement, de joueurs qui veulent prouver qu’ils ont du talent, mais également qui, physiquement et physiologiquement, récupèrent vite. Les temps de récupération étant courts. Les entraîneurs doivent pouvoir réaliser un savant dosage entre les joueurs talentueux nouveaux et quelques anciens expérimentés. Les succès de la cuvée 2000-2002 est un bon exemple.
Aujourd’hui l’équipe du Cameroun se retrouve dans une situation délicate. Si elle rate son match contre le Maroc le 6 juin prochain, elle peut dire adieu à une participation à la coupe du monde 2010. D’ici là, un électrochoc est nécessaire. Elle doit se remettre en état de marche. Faire de la discipline son maître mot. Bannir l’esprit de « syndicat » qui semble dicter sa loi. Et, définir des objectifs et des stratégies claires pour refonder l’équipe du Cameroun.
Source: Le Jour Quotidien
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