Le quartier Bonamoussadi a eu un réveil timide ce mardi 26 février 2008, après les casses de la veille dans la nuit et les nombreuses barricades érigées dans les principales artères de cette banlieue nord de Douala. Ce calme apparent a été violemment rompu à 12h30mn au niveau du carrefour du lycée de Bonamoussadi. Une quarantaine de jeunes camerounais ont recommencé à accumuler sur la chaussée des pneus, des kiosques du Pmuc et des étagères qui servent de comptoirs aux commerçantes du petit marché du coin.
L’arrivée des forces de l’ordre ne va pas dissuader les manifestants. Ces derniers ont mis le feu aux matériaux entassés. Pour les empêcher de continuer cette besogne impunément, les gendarmes ont ouvert le feu. Quatre coups de feu au moins ont été entendus. Selon les témoins, c’est le dernier tir qui a atteint mortellement Célestin Mbounga. Ce jeune " pousseur " qui revenait du marché, accompagnait une dame avec ses vivres à son domicile. La balle tirée par l’élève gendarme Youmbi est entrée au dessus de l’arcade sourcilière gauche et a emporté la boîte crânienne du jeune homme. Son tee-shirt rouge rayé de blanc et son pantalon velours marron clair ont été maculés de sang en quelques secondes.
Les gendarmes ont aussitôt reculé devant la colère des manifestants. Pour transporter le corps de Célestin Mbounga, ces derniers ont construit une croix sur laquelle ils l’ont attaché. La foule a grossi avec l’arrivée de la famille du défunt qui vit à Bonangang, tout au long du parcours jusqu’à la gendarmerie d’Akwa-nord où le corps, avec la tête enturbannée, a été déposé. Trois autres camions de militaires et de gendarmes sont arrivés avec un char à eau pour disperser les manifestants. Tous les carrefours qui sont des portes ouvertes sur d’autres quartiers ont été bouclés. Un contrôle systématique de tous ceux qui entrent et sortent est effectué. Les sacs et les poches sont vidés après identification. Si les éléments transportés sont jugés non dangereux, les citoyens peuvent poursuivre leur route.
Transporteurs
La tension vécue hier à Bonamoussadi rompait avec la relative accalmie observée dans les autres points réputés chauds lundi, au premier jour de la grève des transporteurs. Sauf à Bonabéri où la nuit a été marquée par de violents affrontements, et de nombreuses scènes de pillage. Cette fois-ci, les badauds qui ont saccagé plusieurs commerces se sont attaqués aux édifices neutres, notamment la pharmacie du pont qui a été éventrée et pillée. Un pharmacien de service a constaté avec amertume, les dégâts collatéraux de plus en plus nombreux dans la ville. Lundi dans la nuit, des bandes organisées ont multiplié des raids contre des boutiques qu’ils avaient apparemment ciblées en journée. Les quartiers Mabanda et Grand hangar ont été particulièrement secoués par la violence qui n’a pas connu de répit, malgré la mobilisation des forces de sécurité. Face à la menace des pillards, les forces de l’ordre n’ont pas eu la main tendre. Plusieurs coups de feu sont partis, dans l’obscurité ambiante dans la zone de Mabanda, point névralgique de la contestation populaire. Hier matin, des centaines de policiers sont allés en renfort, pour ramener le calme à l’autre rive du Wouri en ébullition. Le bilan a été plutôt lourd.
Au moins trois morts ont été signalés par les riverains. " Les corps ont été transportés dans la nuit. L’une des personnes tuées était le fils d’un militaire habitant Forêt bar ", a raconté un témoin à Mutations. Les sources hospitalières ont confirmé le nombre des nouvelles victimes à Bonabéri, qui est du coup porté à cinq, après les deux morts enregistrés lundi. A l’entrée Sud de Douala, en provenance de Yaoundé, les scènes de pillage ont également été enregistrées. Ellery automobile a été attaqué et saccagé par des manifestants excités. Peu avant le début des pillages intervenus en début de matinée, le quartier portait encore le deuil de son premier manifestant tué. Contrairement aux nouvelles faisant état de la mort de plusieurs gendarmes, il n’en a rien été. Aucune source officielle n’a confirmé ces décès. " Aucun homme ne manque dans aucune de nos unités ", a soutenu un responsable de la gendarmerie à Bonanjo. Des responsables militaires se sont même mobilisés pour calmer la situation. Le commandant de la région militaire de Douala, le général Sally Mohamadou a palabré avec des manifestants qui l’ont porté en triomphe à Bonabéri et Village.
Deux morts à Loum
Le mouvement des transporteurs bien suivi dans la localité de Loum, dans le département du Moungo, a été émaillé d’actes de violence. La grève qui s’y est transformée en mouvement de revendication sociale et politique a fait deux victimes. Aucune indication n’a été donnée sur l’identité des personnes tuées mais un témoin ayant vécu les affrontements a confirmé le bilan macabre.
Source: Quotidien Mutations
|