Une farce sur fond de racisme
Théodore Nkamdo, père de famille de 44 ans
La scène a eu lieu il y a cinq ans. Ce soir-là, après un pot offert par la direction de l’usine Osram à Molsheim, Théodore N’Kamdo est attaché à un poteau avec du ruban adhésif, à environ 20 centimètres du sol, pendant plusieurs minutes, dans un atelier. En cause, trois salariés qui ont assuré avoir voulu faire "une farce" à leur collègue d’origine camerounaise. Ils le prennent en photo, et font circuler le cliché dans toute l’usine.
Une "farce" sur fond de racisme : l’un des prévenus a reconnu devant le tribunal, aujourd’hui, avoir dit "bamboula, descend de ton cocotier" à Théodore N’Kamdo. Mais c’était, affirme-t—il, à un autre moment, parce que ce dernier "était dans les nuages".
L’affaire émerge en 2004, à l’occasion d’un conflit aux prud’hommes avec Osram, qui avait «rétrogradé» Théodore N’Kamdo pour «insuffisance professionnelle».
Deux plaintes sont alors déposées au pénal par Me Nisand : l’une pour violences contre les collègues de son client, l’autre pour discrimination syndicale contre l’entreprise.
Ce volet de l’affaire s’est soldé par un non-lieu et Théodore N’Kamdo, en arrêt maladie depuis 2004, a finalement été licencié l’année dernière. «Comme la discrimination n’était pas reconnue, c’était cuit pour les prud’hommes, il ne restait plus qu’à négocier», explique l’avocat.
Théodore NKamdo : "à un moment j'ai pris ça pour de l'esclavage"
Mes collègues m’ont précipité sur un poteau et m’ont attaché les mains et les pieds avec du scotch. Ils riaient et m’insultaient.
Mais pour la représentante du ministère public, Marjolaine Poinsard, tout cela n’a rien d’une plaisanterie : les faits de violences en réunion sont parfaitement caractérisés car la position était "particulièrement humiliante" et "cela a été douloureux tant physiquement que moralement" pour la victime.
Théodore NKamdo a d’ailleurs témoigné à l’audience des souffrances psychologiques entraînées par cet épisode, et qui persistent à ce jour : "Ca me fait tellement mal, je me sens toujours attaché à ce poteau, je n’ai pas pris ça pour une plaisanterie, à un moment j’ai pris ça pour l’esclavage".
L’intention raciste n’a par contre pas été retenue. "Le dossier a permis d’établir que des propos racistes ont été tenus, mais la législation n’en faisait pas une circonstance aggravante à l’époque des faits".
Le tribunal correctionnel de Saverne a condamné les trois prévenus à un mois de prison avec sursis et 1.000 euros de dommages et intérêts.
La déception de son avocat
Me Raphaël Nisand a des regrets, que cette affaire, qu'il estime grave, ait été banalisée à ce point : " une affaire gravissime qui se résume à un procès pour des violences légères. On est dans l’inhumain, dans le bestial. Il est dégradé, disqualifié. Il s’agit d’une agression authentiquement raciste ! "
Source : France Info, Liberation
Le reportage (TF1)
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