Pancarte du Ministère de la Défense qui consacre la fin des travaux
Le 23 mars dernier, le général de division, chef d’Etat major des armées, René Claude Meka, a effectué une visite d’inspection du chantier routier Mundemba-Isangélé-Akwa, dans la péninsule de Bakassi. Cette route longue de 75km et recouverte de latérite a été aménagée par le génie militaire. « En l’état actuel des travaux, elle est praticable en toutes saisons et comporte une demi douzaine de ponts semi définitifs », explique le lieutenant colonel Jackson Kamgain, le conducteur de ces travaux.
Les travaux devaient durer dix mois mais le génie militaire l’a réalisé en quatre mois. « Pour y arriver, nous avons choisi le meilleur personnel, la crème des crèmes au niveau du génie militaire. A ceux là nous avons ajouté un personnel d’appoint choisi parmi les anciens militaires. Nous avons fait travailler ce personnel le jour, la nuit, le samedi, le dimanche et même les jours de fêtes afin de ne pas être rattrapé par les pluies. Les moyens financiers qui ont été prévus pour ce projet ont été alloués entièrement et à temps ce qui nous a permis de ne pas avoir de ruptures dans l’approvisionnement. Le commandement a également mis à la disposition du génie militaire, des engins neufs qui nous ont permis d’accomplir notre mission », explique Jackson Kamgain.
A l’issue de la visite, le général de division s’est dit satisfait des travaux. C’est également le cas des populations. Avant la création de cette route, il fallait emprunter un sentier jusqu’à Isangélé, puis un bateau ou une chaloupe pour l’intérieur de Bakassi. Au cas contraire on pouvait y accéder par voie maritime en passant par le port de Limbé. La route traverse une forêt dense et constitue la limite sud du parc national de Korop, classé « Patrimoine de l’humanité ».
Un projet vieux de 15 ans
La route qui relie Bakassi au reste du Cameroun
Mundemba est le chef-lieu du département du Ndian et Akwa se trouve dans l’arrondissement de Kombo Abedimo. Les deux villes se situent dans la région du Sud-Ouest. Après l’occupation d’une partie de la presqu’île de Bakassi, en décembre 1993 par les forces armées Nigérianes, les responsables militaires camerounais se sont rendus compte du coût financier et humain élevé pour acheminer les troupes et le matériel par voie d’eau, à partir de Limbé pour Bakassi. D’où la décision de lancer les travaux de la route Mundemba-Isangélé.
La suite leur donnera raison car l’acheminement par eau des troupes et du matériel revient 5 à 10 fois plus cher que sur route. Le génie militaire effectue la première reconnaissance en avril 1994 et les travaux débutent le 20 mai 1994. Pendant 15 ans, les travaux n’ont véritablement pas avancé pour plusieurs raisons : l’insécurité, la nature marécageuse du terrain, le manque d’études préalables, le manque de matériel adéquat, les difficultés climatiques (la saison des pluies dure parfois jusqu’à dix mois) et des problèmes de budget.
En 2009, le chef de l’Etat met à la disposition de l’Armée d’autres moyens financiers avec de nouveaux matériels de travaux de génie militaire. Les travaux ont commencé en mi novembre 2009 et se sont achevés à la troisième semaine du mois de mars 2010.
Le cas Bakassi
Le drapeau du Cameroun flottant à Akwa
Bakassi est une zone marécageuse et contiendrait près de dix pour cent des réserves mondiales de pétrole et de gaz. Elle partage une frontière maritime et terrestre avec le Nigeria et a été longtemps occupée et exploitée par les nigérians, jusqu’à ce qu’ils déclenchent les hostilités pour occuper officiellement cette partie du pays. Face à ce conflit frontalier, le Cameroun choisit de porter plainte auprès de la Cour internationale de justice et obtient gain de cause. Malheureusement, le Nigéria n’est pas prêt à retirer ses troupes du territoire et il s’en suit une série de négociations.
Le 5 septembre 2002, les présidents Paul Biya du Cameroun et Olusegun Obasanjo du Nigeria se rencontrent à Saint-Cloud en France sous les auspices du secrétaire général des Nations unies, Kofi Annan, pour les négociations en vue de l’application de l’arrêt de la Cour Internationale de Justice. Cet arrêt reconnaît que la péninsule de Bakassi est camerounaise. Les deux chefs d'Etats se revoient ensuite le 15 novembre à Genève, en Suisse. A l'issue des travaux, la Commission mixte Nigeria-Cameroun est instituée pour trouver un accord sur la rétrocession de la péninsule. Sous la présidence d’Ahmedou Ould Abdallah, représentant spécial du secrétaire général de l'Onu, la commission se met au travail. En décembre 2003, le Nigeria se retire de la partie du Lac Tchad appartenant au Cameroun. En juillet 2004, des villages sont rétrocédés de part et d'autre sur la frontière terrestre. Selon le planning élaboré par la commission, le retrait des forces militaires et de polices nigérianes de Bakassi devait avoir lieu en mai 2004. Mais ce ne fut pas le cas.
Le général René Claude Meka entouré du préfet du Ndian et du maire de Mudemba
Face à ce blocage, le secrétaire général des Nations unies réunit à nouveau les deux chefs d'Etat en mai 2005, mais aucun accord n’est trouvé d’où la préparation de l'Accord de Greentree, sur la base d'une offre initiale de négociation d'origine nigériane soumise au mois de mai 2005 et d'une contre-proposition camerounaise transmise en septembre 2005. Dans cette offre, le Nigeria proposait une « cession d'administration sans transfert de souveraineté d'une durée de cinquante ans renouvelable ». Les conclusions du cinquième sommet tripartite Cameroun - Onu - Nigeria, tenu à Greentree, banlieue new-yorkaise aux Etats-Unis, n'y donnent pas droit. C'est à l’issue de ce sommet que l’accord de Greentree est signé le 12 juin 2006. Cet accord permet le transfert d'autorité sur une partie du territoire de Bakassi le 14 août 2006. Le drapeau camerounais flotte à Akwa, le chef-lieu de l'arrondissement de Kombo Abedimo. Toutefois les forces de police et l'administration nigérianes restent présentes sur 22% du territoire. Elles se retirent deux ans plus tard et une cérémonie de transfert d'autorité a lieu le 14 août 2008 à Calabar au Nigeria. Les Nigérians habitant cette zone avant le retrait bénéficient, jusqu'en 2013, d'un certain nombre de facilités liées à l'exercice de leurs activités en terre camerounaise. Il leur également offert le choix de rester au Cameroun en gardant leur nationalité ou en demandant la nationalité camerounaise.
A l’heure actuelle à Akwa, il y a un seul opérateur téléphonique à savoir Mtn Nigéria. Un coup de fil passé à partir de cette ville pour les localités du Cameroun est facturé au prix d’un appel vers l’étranger. Dans toute la zone, les seules radios que l’on peut capter sont Rfi, BBC, Radio Malabo et « Paradise Fm Calabar », une radio nigériane. C’est l’une des raisons pour lesquelles, le gouvernement camerounais, avec l’appui de l’Unesco, a décidé de créer une radio communautaire à Bakassi. L’accord est signé et environ 80% des fonds nécessaires pour la création de cette radio sont déjà disponibles.
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