Le président est désormais rééligible autant de fois qu’il le veut au Cameroun, aux termes d’un projet qui renforce également son immunité.
Par Quotidien Mutations
Le document transmis à l’Assemblée nationale jeudi 3 avril dernier est aux antipodes de ces attentes. Seuls cinq articles ayant tous plus ou moins un rapport direct avec le président de la République ont été touchés. Comme on s’y attendait de plus en plus, le premier d’entre eux est l’article 6 dans son alinéa 2 qui dispose désormais que " Le président de la République est élu pour un mandat de sept (07) ans. Il est rééligible ".
Finie donc la limitation du mandat du président de la République, ce qui était devenue le leitmotiv de la campagne menée depuis quelques mois par le Rdpc en faveur de cette modification.
Pour les rédacteurs du projet, cette décision participe " de l’affirmation et de la préservation de la plénitude de la souveraineté du peuple en matière d’élection du président de la République… de l’égalité en droits et en devoirs des citoyens face à l’éligibilité aux fonctions de président de la République… ". C’est également l’occasion pour eux de rappeler que cette disposition n’a jamais existé dans aucune constitution du Cameroun depuis 1960, et d’expliquer que " la mise en place d’Elecam garantit notre option démocratique ".
L’autre disposition retouchée dans cet article 6 est son alinéa 4 qui aménage les délais fixés pour l’organisation d’un scrutin présidentiel en cas de vacance à la tête de l’Etat. On passe ainsi d’un délai de 40 jours au maximum à 120 jours, soit quatre mois après l’ouverture de la vacance. Une nouvelle disposition s’ajoute à cet article, concernant les attributions du président de la République par intérim (le président du Sénat). C’est celle qui lui permet désormais de modifier la composition du Gouvernement " en cas de nécessité liée à l’organisation de l’élection présidentielle… ". Une modification du gouvernement qui ne peut se faire qu’après consultation du Conseil constitutionnel.
Un Conseil constitutionnel qui est également touché par la modification annoncée avec la réduction de 9 à 6 ans de la durée du mandat de ses 11 membres, alors qu’une nouvelle disposition est ajoutée à l’article 67 portant sur la mise en place des nouvelles institutions. On lit dans cet alinéa 6 que " Au cas où la mise en place du Sénat intervient avant celle des régions, le collège électoral pour l’élection des sénateurs est composé exclusivement des conseillers municipaux ", ce qui laisse sans doute entrevoir de l’imminence de la mise en place de cette structure.
Les sessions ordinaires des chambres du parlement sont désormais alignées à l’année civile. Elles vont désormais ainsi de mars à novembre, avec celle de juin. Une nouvelle disposition de l’article 15 vient préciser les modalités de prorogation ou d’abrègement du mandat des députés à l’Assemblée nationale en cas de crise grave et les délais d’organisation de nouvelles. L’initiative revient au président de la République.
Immunisé
L’article 53 se voit ajouter deux nouvelles dispositions. Il s’agit de l’alinéa 2 qui précise que " Le Président de la République ne peut être mis en accusation que par l’Assemblée nationale et le Sénat statuant par un vote identique au scrutin public et à la majorité des quatre cinquièmes des membres ". Le scrutin, dans le cas d’espèce, sera public, c'est-à-dire exposera ceux qui ne sont pas d’accord à lever leur doigt : autant dire se suicider, comme on a pu le voir à travers les deux épisodes de l’affaire Adama Modi…
Le texte tend en outre à accorder au président de la République une immunité qui lui avait déjà été refusée lors de la modification intervenue en 1996.
En effet l’alinéa 3 précise que " Les actes accomplis par le président de la République en application des articles 5, 8, 9 et 10 ci-dessus, sont couverts par l’immunité et ne sauraient engager sa responsabilité à l’issue de son mandat ". Le président prépare donc tranquillement sa sortie, même si, pour faire diversion, il n’a pas changé les dispositions de l’alinéa 1 de cet article sur les personnalités de la République susceptibles d’être jugées par la haute Cour de justice dans l’exercice de leurs fonctions. Il s’agit du président de la République, du Premier ministre et des autres membres du gouvernement.
Mais dans l’ensemble, le projet de loi présenté vendredi dernier a été préparé exclusivement sur la situation actuelle et le profil du titulaire du poste, qui veut manifestement se donner un temps supplémentaire illimité pour éventuellement préparer et organiser sa succession à la tête de l’Etat.