Au début de l’année qui s’achève, nous étions en droit de penser que les
conditions étaient réunies pour que nous puissions consacrer nos efforts à
l’atteinte des objectifs que nous nous étions fixés, c’est-à-dire à la
consolidation de nos institutions démocratiques et à la relance de notre
croissance économique. Les élections législatives et municipales avaient en
effet dégagé des majorités fortes et homogènes et par ailleurs des signaux
encourageants annonçaient la reprise de notre économie.
Sans attendre, nous avons donc engagé le processus de la révision
constitutionnelle afin de lever une hypothèque qui pesait sur notre avenir
politique à moyen terme. Je crois que la majorité du peuple camerounais a
compris le sens de cette réforme qui, en tout état de cause, laisse toutes les
options ouvertes.
Dans le même esprit, nous avons poursuivi la mise au point d’ELECAM qui
renforcera la crédibilité de notre système électoral, tandis que se déroulait
méthodiquement le processus de décentralisation dont le Sénat sera bientôt le
couronnement.
Nous n’avons pas pour autant ménagé nos efforts dans l’exécution de notre
programme économique et financier triennal. Les institutions financières
internationales nous en ont donné acte comme pour la gestion de nos finances
publiques. L’élaboration de notre prochain programme tiendra compte de ce qui
reste à faire en ce qui concerne les réformes structurelles.
Cette bonne tenue de notre économie nous a permis d’enregistrer quelques progrès
: notre taux de croissance s’est redressé et l’inflation a été freinée. Autre
signe prometteur, notre production industrielle s’est relevée.
Même s’ils peuvent paraître insuffisants, ces progrès sont révélateurs d’une
tendance au redressement et d’un retour à la confiance. J’en veux pour preuve
les multiples propositions qui nous sont faites par de grands groupes nationaux
et étrangers désireux de s’associer à nous pour exploiter nos ressources
naturelles et développer nos capacités énergétiques.
Ainsi se poursuivait notre action en faveur du développement démocratique,
économique et social de notre pays lorsque se sont produits divers événements
imprévus qui sont venus singulièrement compliquer notre tâche.
Fin février d’abord, dans plusieurs de nos centres urbains, des désordres ont
éclaté en protestation contre la hausse du coût de la vie, les pénuries d’eau et
d’électricité, le chômage, etc. Même si ce mécontentement a été instrumentalisé
politiquement, il faut reconnaître que les revendications qui se sont exprimées
à cette occasion n’étaient pas sans fondement.
Je l’ai compris et, tout en désapprouvant les excès qui avaient été commis au
détriment de notre patrimoine national, j’ai demandé au gouvernement de prendre
rapidement des mesures pour donner satisfaction aux revendications les plus
légitimes.
C’est ainsi que les prix des produits de première nécessité ont pu être contenus
par des baisses de droits et taxes et par des importations ; que le coût des
carburants a été stabilisé ; que la spéculation a été combattue ; et que, dès
que cela a été possible, les salaires des agents de l’Etat ont été relevés et
que le recrutement a repris dans la fonction publique.
Avec le recul, et tout en admettant une certaine imprévoyance de la part des
pouvoirs publics, je crois pouvoir dire que nous aurions pu nous dispenser de
ces désordres qui ont coûté cher à notre économie. Il existe en effet dans notre
pays des partis politiques, des syndicats, des associations dont le rôle est
précisément, en tant que corps intermédiaires, de transmettre au gouvernement
les doléances de leurs mandants. Je peux vous assurer que ceux-ci trouveront
toujours auprès de moi une oreille attentive, si leurs revendications sont
fondées et s’ils sont animés d’un véritable esprit de négociation.
Au cours de l’été, les turbulences qui avaient affecté divers pays sous la forme
d’une crise alimentaire, particulièrement en Afrique, ont gagné le système
financier international. Des Etats-Unis d’Amérique, elles se sont propagées en
Europe, puis en Extrême-Orient, et finalement ont ébranlé toute la planète. Bien
évidemment, nous sommes tous concernés. Toute la question est de savoir comment
et dans quelle mesure.
A première vue, à court terme, l’impact de la crise financière sur notre
économie pourrait être limité. Notre secteur bancaire qui est sain et un peu en
marge du système financier international, ne devrait pas être sérieusement
menacé. En revanche, à moyen terme, on ne peut exclure que nous subissions le
contre-coup de la crise de l’économie réelle qui se profile à l’horizon. Nos
exportations pourraient souffrir de la chute des cours du pétrole et de la
baisse des prix des matières premières, ce qui entraînerait une diminution de
nos recettes fiscales et douanières.
En raison de l’incertitude qui caractérise les évolutions en cours, il est très
difficile d’émettre un pronostic précis sur les effets de la crise pour
l’économie de notre pays. Dans l’immédiat, il est clair qu’elle ne peut que nous
compliquer la tâche dans les efforts que nous avons entrepris pour relancer
notre taux de croissance. Si, par contre, elle donne lieu à une réorganisation
du système financier international et à une régulation de la mondialisation, on
peut espérer que ses effets seront limités dans leur étendue et dans la durée.
L’hypothèse la plus souvent retenue est qu’elle pourrait être relativement brève
et se résorber début 2010. Si tel était le cas, nous devrions maintenir notre
cap afin d’anticiper la sortie de crise. En clair, cela signifie que nous
devrions accélérer l’allure en développant, comme prévu, notre secteur agricole
et en lançant sans plus attendre nos grands projets énergétiques, industriels et
miniers. En même temps, nous devrions poursuivre l’extension de nos
infrastructures routières, portuaires et de télécommunications. S’agissant de
l’emploi, l’Etat a déjà donné l’exemple en autorisant d’importants recrutements
dans l’Armée et la Police.
La pire des choses serait de se contenter de subir, en attendant un secours
hypothétique venu d’ailleurs. Même s’il est permis d’espérer que les
concertations au niveau mondial apportent à terme, des solutions à la crise,
nous devons, me semble-t-il, dans les circonstances présentes, compter surtout
sur nos propres forces et faire nôtre la devise : « aide-toi, le ciel t’aidera
». J’aurai l’occasion de revenir très prochainement sur ce point.
Pour traverser cette mauvaise passe, nous ne sommes pas sans moyens. Nous devons
à tout prix utiliser au mieux les ressources de notre budget d’investissement
public et les fonds provenant de l’annulation de la dette, dont le taux de
consommation reste trop bas. Nous devons aussi convaincre les banques de
pratiquer une politique de crédit moins timide, en leur donnant éventuellement
des garanties. Nous devons enfin canaliser l’épargne populaire qui est loin
d’être négligeable, vers des projets rentables à court terme. Par ailleurs,
l’Etat pourra être amené, si nécessaire, à prendre des mesures de soutien à
l’économie.
Il nous faudra aussi rester attentifs à la situation de la partie de la
population la plus exposée à un éventuel ralentissement de l’activité économique
et donc au chômage. Notre politique de l’emploi devra se montrer plus
vigoureuse. L’évolution des prix des produits de première nécessité restera sous
haute surveillance. La lutte contre la spéculation sera poursuivie et renforcée.
Bref, tout ce qui peut concourir à soutenir la consommation devra être envisagé.
Il va de soi que parallèlement nous continuerons à doter notre pays des
équipements auxquels il a droit, en matière de santé, d’éducation,
d’infrastructures diverses pour améliorer les conditions d’existence de nos
populations.
Pour me résumer, j’ai la conviction que, si nous utilisons à plein les moyens
qui sont les nôtres, si nous faisons face à la crise avec détermination, nous
traverserons cette nouvelle épreuve sans trop de dommages et je ne doute pas que
la crise passée nous reprendrons notre marche en avant, avec encore plus
d’allant.
Au moment même où il devenait évident que la crise était de dimension mondiale,
nous célébrions la rétrocession complète de la péninsule de BAKASSI au Cameroun.
J’avais souligné à l’époque que le mode de règlement qui avait été adopté me
paraissait avoir une valeur d’exemple et que la cérémonie de CALABAR ouvrirait
une nouvelle ère de nos relations avec le Nigeria.
Je persiste à le croire. A cet égard, les incidents qui se sont produits
récemment dans la région de BAKASSI et dans lesquels la responsabilité des
autorités nigérianes n’était aucunement engagée, me renforcent dans la
conviction qu’une étroite coopération avec ABUJA est indispensable pour mettre
fin à l’insécurité qui règne dans cette zone. Sans doute faudra-t-il aller
au-delà et associer tous les pays intéressés à mettre en place un dispositif de
nature à sécuriser le Golfe de Guinée et le littoral camerounais en particulier.
Quoiqu’il en soit, ce ne sont pas des incidents comme ceux que nous avons connus
au cours des derniers mois et tout récemment encore, qui nous feront renoncer,
comme nous nous y sommes engagés, à apporter aux populations de BAKASSI les
moyens de développement indispensables dans les domaines de l’administration, de
la sécurité, de l’éducation et de la santé.
Mes chers compatriotes,
La vie des Etats est devenue si complexe, aussi bien au plan interne que dans
leurs relations entre eux, qu’il existe toujours une part d’imprévisible dans
les événements auxquels ils sont confrontés. C’est la tâche des gouvernants de
réduire cette part d’imprévisible autant que possible afin de mener à bien les
politiques conformes aux engagements qu’ils ont pris devant leurs peuples.
Je puis vous assurer qu’en ce qui me concerne les désordres, les difficultés
dues à la crise, les incidents provoqués par des groupes armés ne me feront pas
dévier de ma route. Les priorités que nous nous sommes fixées – relance de la
croissance, amélioration du niveau de vie, lutte contre la corruption –
constituent ma « feuille de route ». Les circonstances peuvent nous rendre la
tâche plus ardue mais, soyez en sûr, nous ne reculerons pas devant les
obstacles.
Comme toujours, j’aurais besoin de votre confiance et de votre soutien pour les
surmonter. Mais je ne doute pas qu’ensemble nous y parvenions.
Mes chers compatriotes,
Le moment est maintenant venu pour moi de vous présenter à toutes et à tous mes
vœux les plus sincères de santé et de bonheur pour la Nouvelle Année.