A un taximan qui vient de garer devant une pompe à essence, une employée déclare : “ Pas de carburant ; débrouillez vous ailleurs… ” Le client démarre son véhicule et repart en balançant quelques jurons aux pompistes.
A un jet de pierre, une autre station service appartenant au même marqueteur ne désemplit pas. Une file de voitures alignées dans ce point de distribution des hydrocarbures obstrue la circulation le long du boulevard de la République. La présence d’une centaine de conducteurs de moto taxis ne facilite pas les choses. On crie, se bouscule, s’insulte… C’est le moment choisi par un pompiste pour envenimer l’atmosphère. “ Le super est fini. Il ne reste que le gasoil, et nous n’allons pas servir plus de 10 litres… ” L’information est accueillie par des cris de réprobation et, surtout, des coups de klaxon.
A la station Texaco du rond point Déido, c’est la même effervescence. Deux policiers d’abord affectés à la circulation à cet endroit se sont déportés vers la station pour rétablir l’ordre. “ Cela fait deux heures que j’attends. Et je ne suis pas sûr que je serai servi… ”, se plaint une dame, au volant de son véhicule.
Ces trois tableaux illustrent l’ambiance dans toutes les stations service de Douala. Ces points de distribution des produits hydrocarbures ont vite été débordés par la forte demande en carburant. “ Dès midi, nos cuves étaient déjà presque vides. Les consommateurs qui d’habitude se ravitaillaient à Bonaberi ont afflué chez nous pour prendre le carburant. C’est la raison pour laquelle nous avons épuisé la totalité de notre stock avant le début de l’après midi. Nous avons passé toute la journée à attendre l’arrivée du camion de ravitaillement… ”, explique un pompiste à la station service Total Ancien Dalip.
Astuces et surenchères
Pour avoir du carburant, il fallait donc de la patience, et surtout de l’ingéniosité. Au centre administratif de Bonanjo, les stations ont dû opter pour un système de rationnement. Aucun automobiliste ne pouvait consommer plus de 10 litres de carburant. Pour le gérant de la station Total non loin de la direction générale de la Bicec, le rationnement s’avérait nécessaire, pour éviter que “ certaines personnes mal intentionnées ne remplissent leurs réservoirs pour aller le revendre dans les quartiers. Cela permet que tout le monde ait un peu pour pouvoir se rendre à leurs lieux de travail … ”
Plus astucieux encore, certains automobilistes sont allés se ravitailler dans certaines stations service situées dans les quartiers reculés de la ville. “ J’ai demandé à mes complices d’aller chercher le carburant dans les stations service situés à Terminus. A cet endroit, les stations service étaient encore bien ravitaillées… ”, affirme Isaac, conducteur de moto-taxi. Vers 18h, on a vu sortir des bidons des quartiers. De grosses cylindrées garées en pleine chaussée consommaient du … “ zoua zoua ” que l’on pensait avoir à jamais combattu à Douala.
L’absence du carburant dans les pompes a fait l’affaire de certains taximen et bendskineurs. Hier mercredi en début de soirée, il était difficile de payer le prix habituel pour être transporté dans la ville. C’est le cas de cet autocar assurant le trajet Ndokoti – Ancien Dalip. D’habitude, les clients paient 200 Fcfa hier, il fallait débourser 250 Fcfa !
“ Un petit problème de ravitaillement ”
Qu’est ce qui justifie l’absence du carburant dans les cuves des stations services ? Les regards sont tournés vers la Société nationale de raffinage (Sonara). Joint au téléphone, un cadre de la Sonara reconnaît que cette entreprise est en arrêt d’activité. “ La raffinerie fonctionne 24/24 et il faut de temps en temps s’arrêter pour huiler le mécanisme. Ce sont des équipements qui nécessitent un suivi particulier. Et régulièrement, nous cessons nos activités pour entretenir nos équipements. C’est ce qui se passe depuis environ trois semaines. Et nous prenons toujours des dispositions pour que les ravitaillements soient faits pendant l’arrêt d’activité … ”, explique cette source. Il continue en précisant que le ravitaillement se poursuit normalement à la Sonara, et que le problème pourrait se situer au niveau des marqueteurs.
Au moment où nous allions sous presse, nous n’avions pas pu joindre un marqueteur pour en savoir plus. A la Société camerounaise de dépôts pétroliers (Scdp), son directeur général, dans un communiqué lu au 20h de la Crtv-Poste national, précise que cette société dispose des stocks de sécurité en quantité et en qualité pour pallier toute éventualité en attendant la reprise des livraisons de la Sonara prévue pour le 04 avril. Mais une source interne à la Scdp parle “ d’un petit problème de ravitaillement ”, tout en assurant que la situation reviendra à la normale dès ce matin. On attend de voir.
Source: Le Messager
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